Chapitre 17

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Les semaines qui suivirent, je me fis toute petite et le destin sembla m'oublier. Je tombai dans une nouvelle routine. Je passais trois jours par semaine à la bibliothèque à trier les bouquins, les couvrir, les munir de code-barres, rentrer leur nom dans un catalogue, les charger sur des chariots et les transporter le long de couloirs interminables pour les insaller à leur nouvelle place. La plupart des ouvrages s'avérèrent écrits en arabe ou en persan, aussi, je pouvais à peine deviner ce dont ils parlaient. Cependant, certains avaient des illustrations aux couleurs vives représentant des bêtes fantastiques, des princes et des princesses dans des vêtements magnifiques ou des paysages de rêve. Quant à Cordelia, elle partageait son temps entre étiqueter les livres avec moi, accueillir les rares lecteurs de la grande salle de lecture, leurs délivrer des ouvrages, et répondre au téléphone. Les lecteurs semblaient tous du type universitaire : chercheurs ou étudiants assez âgés, habillés sobrement. Ils ne ressemblaient ni à Madison, ni à l'idée que je me serais faite d'un sorcier. Mais je n'avais pas non plus l'air d'une chamane et l'idée de porter des plumes tressées dans mes cheveux ou un collier de dents d'animal ne m'enthousiasmait pas particulièrement. Je dus revoir sérieusement ma collection d'à-prioris. Le flux de livres à trier ne tarissait pas et le bureau de Cordélia, ainsi que la salle au sous-sol restaient aussi pleins qu'au premier jour.

Les autres bibliothécaires revinrent et je me retrouvai au milieu d'une équipe d'une dizaine de personnes. Cordélia s'avéra une chef sympa et bavarde. James, lui, se montra beaucoup plus réservé, mais ses horaires étaient très différents des miens et nous ne nous croisions qu'une fois par semaine. Clairement, nous n'avions rien à nous dire en dehors du boulot. Nos intérêts et loisirs ne devaient pas du tout être les mêmes, il devait se méfier de mon don et c'était réciproque. Il était très différent d'Ethan ou Brandon ou même mon frère, tous les trois grandes gueules, toujours prêts à attirer l'attention. Il semblait presque faire un effort spécial pour passer inaperçu. Mais j'étais trop occupée pour me soucier vraiment de James. À Maubeuge, je me morfondais dans mon petit chez-moi. Rêver à Ethan m'occupait. À Oxford, le monde était grand, fascinant, et mes journées étaient trop courtes pour découvrir tout ce qu'il avait à offrir. Je m'inscrivis à la bibliothèque de mon cartier et me rendis à quelques conférences gratuites données par les différentes facs. C'est ainsi que je découvris des sujets aussi divers que les fractales, les probabilités, les exoplanètes ou les robots.

Mais il fallait boucler mon budget. Les autres jours de la semaine, j'allais chez Arcane Works faire ma traduction. Je terminai ma première commande en un temps record. A la fin du mois de Septembre, j'envoyais mille euros à ma mère. Mais mes problèmes de fric m'importaient peu, tant j'étais occupée par mes découvertes. J'étais dans mon élément..

Aicha, horrifiée par mon régime, m'enseigna quelques recettes de cuisine délicieuses et qui coutaient moin cher que des plats tout prêts. Les barres de Mars et les pizzas surgelées m'intéressèrent moins. Tayo m'inscrivit à des cours de yoga gratuits donnés par une association. Je ne repris pas les kilos que j'avais perdus. Mon acné disparut toute seule. J'avais l'impression de retrouver quelque part le contrôle de mon corps... De ma vie. Je me laissai vivre au gré de mon humeur. Je ne voulais pas penser à mon avenir. Le présent me suffisait. Mon futur était flou. Je me renseignai néanmoins sur la fac de Saint Andrews et son cursus, de « Littératture Esotérique et Sciences Arcanes ». Il allait jusqu'u doctorat et coutait un prix assez moyen pour ce qui était des études au royaume de Sa Très-Gracieuse Majesté, mais ce n'était pas avec ma paye d'aide bibliothécaire et traductrice au lance-pierre que j'allais pouvoir m'inscrire. Je ne savais même pas si j'en avais envie.

Alors en attendant, j'apprenais la magie toute seule, avec mon manuel.

"L'adepte doit sentir la magie, comme il sent un fil et percevoir l'objet qu'il manipule comme s'il le tenait dans sa main. "

NéosorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant