2- La Meute Eclipse - Minuit Torride

Chapitre 8.

Maya fit de son mieux pour ignorer Alan tout le long du trajet jusqu'à sa grotte.

La grotte, comme elle l'appelait, était en réalité, un bosquet d'arbres planté en cercle très serré autour de plusieurs creux dans la terre grand comme des baignoires. Il y faisait chaud, sombre et il n'y avait qu'une seule entrée.

En silence Alan l'aida à décharger la chimère. Elle en entreposa deux dans un coin et en plaçant deux autres près d'un bassin donc le sol était recouvert d'une substance gluante.

— Aide-moi, ordonna la guérisseuse pour tromper le silence.

Elle n'avait pas vraiment besoin de son aide, mais elle préférait qu'il s'occupe à une autre tâche que celle de la reluquer.

Maya ouvrit les deux tonneaux, embaumants l'air d'une puissante odeur de miel. Elle en renversa un qui vida son contenu dans le bassin, le remplissant de moitié.

Alan imita ses gestes, ouvrant le second tonneau, il termina de remplir le creux.

— Je ne savais pas que le miel servait à catalyse tes v...

— Non ! Ne dis pas le mot ! Ordonna Maya.

Alan leva les mains en signe de reddition. La jeune femme se racla la gorge en frottant ses mains l'une contre l'autre. Elles étaient moites, c'était l'effet que lui faisait le stress de devoir utiliser ses pouvoirs maudits.

— Le miel, l'eau, le sucre, le sang... ce sont tous de très bon catalyseur, expliqua-t-elle en lui tournant le dos pour qu'il n'aperçoive pas sa terreur.

Elle ne savait pas ce qu'elle allait voir, et si ça ne tenait qu'à elle, elle aurait préféré ne pas le faire du tout, mais sa meute avait besoin d'elle, si elle pouvait prédire un avenir, elle devait le faire. Depuis que Lord Arthus avait tenté d'enlever Elina, la compagne de leur chef, toute la meute était à cran. L'humain à la tête d'un petit territoire limitrophe au leur n'avait pas donné signe de vie depuis qu'il s'était fait libérer par ses soldats, après avoir tenté de tuer Ethan.

Mais le mâle alpha était certain que l'homme médisait une vengeance et Maya était d'accord. Elle avait passé suffisamment de temps avec des humains pour savoir que ceux-ci était rancunier et vengeur.

Maya sentit Alan s'adosser à un arbre, mais il ne fit pas mine de ce retourné, alors qu'il savait parfaitement qu'elle n'avait pas de vêtement de rechange.

Ignore-le ! s'ordonna silencieusement Maya en levant les bras pour retirer sa robe.

Elle entendit Alan retenir sa respiration lorsque le tissu léger glissa sur sa peau comme de l'eau pour atterrir à ses pieds.

Tu es une louve, tu n'as pas à avoir honte de ta nudité...

Quel beau mensonge.

Avec un frisson, elle se pencha et retira ses chaînes, elle hoqueta en sentant les ombres des futurs possibles effleurer son esprit jusqu'alors protégé par le bronze.

Maya n'avait plus le temps de ce préoccupé d'Alan, qui la dévorait des yeux. Elle se glissa dans le bassin.

Le miel était tiède, il accrochait à sa peau comme la caresse d'un amant. La texture épaisse et sirupeuse du liquide rendait les gestes de Maya lent. Elle s'agenouilla afin d'avoir du miel jusqu'aux épaules, puis prenant sa respiration, elle s'allongea, laissant le miel la recouvrir entièrement.

Seulement, alors, elle laissa les visions la percuter de plein fouet.

Du brouillard, une forêt... Une jeune femme aux yeux pourpre. Court, court, surtout ne t'arrête pas. Court, car s'il t'attrape, il te tuera.

La vision fut engloutie sous un flot de ténèbres, laissant place à un autre futur.

Un soleil de plomb, une prairie, un jour de printemps. Il y a des hommes. Beaucoup d'hommes.

Ils ont des armes et avance, ordonnés. Leur armure brille de mille feux sous les rayons brûlant de l'astre du jour.

Des guerrières. Des soldats.

De la forêt surgis des animaux, beaucoup de loup, mais aussi des grands félins et quelque changelin non-prédateur.

Maya n'est qu'un observateur extérieur, elle voit la scène depuis le ciel, elle ne peut donc pas prévenir les changelins que les humains les ont encerclés. Ça ne l'empêcha pas de crier lorsqu'ils se firent décimer par les armes humaines.

De nouveau, la vision disparut derrière un écran noir qui se matérialisa de nouveau.

Un homme au visage ravagé.

Une femme qui ne sait pas mentir.

Un garçon aux yeux qui voit.

Une fille aux mains magiques, libre mais prisonnière.

Un homme au cœur brisé, qui pleure sa compagne décédée.

Les visions commencèrent à s'enchaîner, entrainant Maya plus loin dans les limbes de l'inconscience. Elle ne pouvait pas les arrêter, elle se contenta donc de regarder.

Un loup et une panthère qui se battait à mort.

Le rire dément d'un homme à l'agonie.

Elina, qui pleure, dans un lit, à l'infirmerie.

Camille qui s'enfuyait, paniquée.

Le garçon aux yeux qui voit, devenu homme, dans une posture menaçante, près à tuer une jeune femme au visage flou.

Camille qui hurle de douleur.

L'homme aux yeux qui voit qui embrasse la femme au visage flou.

Une ombre féminine, dangereuse.

— Maya ! Rugis une voix, lointaine.

Un autre homme qui s'effondrait, le torse troué par une balle.

— Maya!! Reviens !

La moitié de la meute, guidée par Ethan vers les grandes montagnes de Wue.

La mort.

Une prairie au soleil, un premier jour de printemps. Des humains, des changelins, un bébé qui pleure. Cette fois-ci, ce sont les changelins qui ont les dessus.

— ça suffit !

Maya ouvrit brutalement les yeux, elle avait l'impression qu'on venait de lui donner un coup de poigne dans le ventre. Elle avait mal au poumon, du mal à respirer, comme si elle avait retenu trop longtemps sa respiration. Elle n'avait pas vu la fin de la vision, elle ne savait pas quoi faire pour que les changelins gagne cette guerre.

— Je te tiens, chuchota une voix grave contre sa tempe.

En effet, elle s'était blottie entre les bras puissants d'Alan, en sécurité.

Pourtant, la guérisseuse était incapable de s'ôter de la tête la dernière vision que lui avait révélée Elstrya. Les changelins pouvaient gagner. Ils pouvaient gagner contre la perfidie humaine et leur arme diabolique, mais comment ? Elle n'avait pas la fin de la vision.

Elle n'avait pas la fin de la vision.