La visite d'un Magicien

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La petite troupe reprit le chemin le soir-même, suivant leur grand chef, le questionnant sans cesse au sujet de sa vie de forgeron au milieu de tant d'hommes. Thorin répondait souvent d'un air désintéressé, scrutant les environs alors qu'ils marchaient de nuit. Le vent soufflait dans la pénombre glacée, et un vent d'automne semblait soudainement souffler, ce qui troubla grandement le chef nain qui se plaignait encore de la chaleur estivale le matin même. Peut-être que la terre du milieu sentait qu'ils marchaient vers une calamité et avait-elle décidé de ne pas les aider dans leur aventure ? Bilbon n'était pas même intéressé par ces songes, il fixait la lune, essayant de si bas de compter les tâches qui la parsemaient. Il pensait à une époque où elle était une grande boule blanche, une époque qui -et cela il l'ignorait- était celle de Durin, le nain originel qui créa la Moria ou autrement appelée Khazad-Dûm. Malgré son avidité à savoir, Bilbon n'avait jamais cherché à creuser les mythes Nains et il s'était contenté de savoir qu'un grand nain avait créé toute une lignée de rois, dont Thorin semblait faire partie. Il ne comprit donc que la moitié des propos des nains ce soir-là, qui parlaient de villes, de traditions et d'ancêtres nains, mais de toutes évidence il n'écoutait que d'une de ses oreilles pointues. Autre chose savait capter son attention : les récits de Thorin qui semblaient si bien se mêler avec cette nuit fraîche d'été. Il lui semblait que la grâce qu'avait le nain dans la voix savait emporter ses pensées avec elle, et il était transporté dans un autre monde où il voyait le nain aux grandes mains polissant le métal, coupant parfois les blés, s'acharnant pour rester en vie, mettant de côté tout son sang royal. Il aimait ce monde où il était lorsque Thorin parlait.

Il le regarda de dos, voyant ses épaules bouger au rythme des pas de son poney fier, jaugeant les poils de Warg sur ses épaules, évaluant ses cheveux d'un noir ébène et souriant à chaque soupir agacé du nain. Il ne savait pourquoi mais quelque chose chez Thorin savait réveiller la vaillance des nains qui étaient partis à la recherche des autres nains de la compagnie qui attendaient dans une ferme à l'extérieur de la ville des Hommes. Ils savaient l'atteindre avant le lever du soleil et surtout ils ne voulaient pas traîner dans ces terres trop sauvages, où des Wargs lointains hurlaient à la lune pleine.
Bilbon se contenta juste de suivre, le poney de Balin à ses côtés. Il se tourna alors vers le plus âgé des nains et il lui offrit un sourire. Le nain lui en offrit alors un identique qui fit gonfler son grand nez épais, et il reposa sa bourse de pièces dans son sac de cuir passé.

« Vous semblez bien ailleurs, Maître Cambrioleur. »
« Oh oui oui, Bilbon se figea, pardon ? Quelle dénomination m'avez-vous donnée ? »
« La même que celle qui apparaît sur votre contrat d'entrée dans la Compagnie. »

Bilbon fronça le nez et reprit le long morceau de parchemin qu'il avait signé. Il se mit à le parcourir et lorsqu'il vit que l'entête laissait apparaître la mention « Cambrioleur », il posa une main froide sur son front. Il savait à présent à quoi il s'était engagé mais plus il lisait les lignes du contrat plus il se sentait faible. Lui étaient décrites les manières les plus atroces de mourir sous le feu du Dragon. Sa main était devenue moite et il se tourna vers les autres nains qui le fixaient tous -sauf un, qui depuis quelques temps jugeait bon de ne pas trop regarder ce maître cambrioleur, Thorin.

« Eh bien... si je m'y attendais... Cambrioleur ? Mais qui vais-je voler ? pas le dragon j'espère ! »
« Euh... à vrai dire c'est bien pour cela que nous vous avons engagé. Enfin, nous vous avons donné la seule place vacante dans cette compagnie. »
Le Hobbit poussa une plainte faible. « Incinération... Éviscération, lacérations, écartèlement, écrasement... » cita-t-il du contrat
Bofur se redressa alors et eut un rire. « Pensais-tu vraiment te retrouver face à des gentils lapins ? Le dragon fait fondre la chair sur les os en un souffle ! »
« Tais-toi donc Bofur... n'effraies pas inutilement le Hobbit » grogna alors Thorin, faisant taire sa compagnie.

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