Grand'Peur

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Lorsque la compagnie s'éveilla on vit au loin un Thorin observant l'horizon encore strié par les nuages, le ciel passant d'un orange chaud au bleu encore profond de la nuit. Ils savaient qu'à présent ils allaient pénétrer dans la dernière forêt entre eux et la montagne et pas un seul nain n'était prêt à cela, pas même le porteur de l'anneau qui devait avouer trouver un air terrifiant à cette forêt de Grand'Peur. Malheureusement, vint le temps où ils durent se mettre en route, et c'est avec des sacs lourds sur le dos qu'ils mirent les pieds sur le chemin des elfes qui traversaient la forêt. Dès que les premiers arbres furent passés, ils eurent la soudaine impression que le soleil du matin avait fait chemin arrière pour que la nuit tombe à nouveau. Tout était si sombre, l'air était suffocant et les chants des oiseaux c'étaient tus. On ne voyait pas plus loin que devant soi, on devait alors fixer le sol pour ne pas perdre les dalles cassées et ne surtout pas s'enfoncer dans les bois. On n'entendit alors plus aucun nain chanter pour leur chef, et ils marchèrent, faisant claquer leurs chaussures de métal sur le sol, dans des échos aussi effrayants que brisants. Jamais encore ces grands guerriers n'avaient connu une telle angoisse que lorsqu'ils marchèrent dans cette forêt. Et tout cela n'était qu'en journée. La nuit était bien pire !
Si le jour dans la forêt était aussi sombre que la nuit, la nuit elle était si sombre que lorsqu'ils fermaient les yeux ils ne voyaient pas de différence avec lorsqu'ils les ouvraient. On tenta le premier soir de faire un feu, mais ils comprirent vite que cela était une très mauvaise idée lorsqu'ils virent des yeux s'allumer comme des ampoules dans les arbres alentours. Ils refusaient d'attirer des prédateurs sur eux alors ils éteignirent leurs seules flammes étouffées par les ombres et ils dormirent bien peu. Ils marchaient sans comprendre si le jour ou la nuit était sur leurs têtes, mangeaient à peine de la nourriture de leur ancien hôte, et les journées à se prélasser dans la marre de Beorn semblaient bien loin. L'espoir s'envolait bien plus vite qu'on l'aurait cru, tout comme la nourriture, et on songea alors à chasser. Ils arrivèrent à tuer une chauve-souris, la flèche de Kili ayant fait mouche un soir, mais lorsqu'ils gouttèrent à sa chaire ils eurent bien du mal à retenir de grands haut-le-cœur qui secouèrent leurs poitrines. On ne pouvait manger ce qui se trouvait dans cette forêt, même l'air était vicié, ils devaient simplement marcher et ignorer le fait que les arbres étaient à perte de vue. On songea d'ailleurs plusieurs fois que ce chemin était bien trop sinueux, et qu'il aurait été plus judicieux de couper au travers des bois. Heureusement, notre hobbit avait encore sa tête et il leur hurlait toujours de ne pas songer à faire cela, quoi qu'il puisse advenir. On lui obéissait souvent, on avait bien trop peur de se perdre et de ne jamais être retrouvé, mais les ventres se creusaient, les sacs de nourriture s'allégeaient et les arbres ne cessaient de se montrer.

Mais, à l'aube du cinquième jour de marche dans la forêt, on vit une chose bien différente des autres. Une rivière. Bien des nains se précipitèrent vers l'eau et voulurent y plonger les mains pour boire de grandes gorgées mais Bilbon hurla à nouveau de sa petite voix inquiète.

« Beorn m'a prévenu que nous tomberions face à une rivière ! Il ne faut surtout pas y toucher ! Elle est ensorcelée ! »
« Ce Cambrioleur commence à m'échauffer !! » Hurla Dori qui commençait à ne plus supporter que Bilbon tente de le sauver.

Notre hobbit fut bien vexé par l'attitude du nain mais il vit alors Thorin rattraper ses guerriers et leur hurler d'écouter la sagesse de leur quatorzième. Ils obéirent bien sûr car même sans couronne sur son front, il restait leur roi, leur prince, et jamais ils n'avaient osé le contredire. On vit alors les deux plus jeunes se redresser du bord de la rivière et s'approcher de leur ami Hobbit, qu'ils avaient appris à adorer après tout ce temps à marcher ensemble.

« Que conseillez-vous, Bilbon ? » demanda alors Fili, tortillant les tresses au bout de sa moustache.
« Eh bien, je vois une petite barque de l'autre côté de la rivière puisque le pont est brisé. Il y a également des racines qui passent d'un bord à l'autre. »
« La barque, pensez-vous qu'elle soit atteignable ? »
« Peut-être... »

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