Partie 16

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La porte était encore grande ouverte, les rayonnages renversés, saccagés, la librairie de Giles n'était plus qu'un funeste champ de ruines. Et aux quatre coins de la pièce, les corps mutilés de ses confrères. Le sang et les cendres se mélangeaient, témoins d'une lutte acharnée entre le bien et le mal. Chaque camp avait souffert. Chaque camp avait eu des pertes. Parmi les victimes, il reconnut Marie, la plus jeune de l'ordre, elle venait de passer le rite. La poitrine du chasseur se serra si fort qu'il suffoqua à la vue de la jolie blonde. Elle était bien trop jeune pour mourir. C'était injuste et cruel mais tel était leur destin. A ses côtés, gisaient Blake et Ashton, deux chasseurs du clan de Portland qui étaient venus les aider. Louis était anéanti, les mains posées sur sa bouche, paralysé, spectateur de la boucherie.

Qu'avait-il fait ?

Il les avait abandonnés à leur sort. Il s'était précipité vers Harry, poussé par cette vengeance qui le hantait depuis 15 ans, jetant les siens dans la gueule du loup.
Louis, murmura au loin une voix agonisante.
Louis s'avança le coeur au bord des lèvres, les tripes retournées et vit Mitch, allongé au sol, la main compressant sa blessure au ventre. Il s'accroupit aux côtés de son ami, arrachant un morceau de son t-shirt pour panser la plaie.
Ces enfoirés ! Aïe ! railla Mitch.
Shut, bouge pas, tenta de le rasurrer Louis.
Ces enfoirés... ils ont débarqué par derrière... le soleil était même pas... on n'a rien vu v'nir, Louis.
C'est ma faute, putain, J'suis désolé, j'suis tellement désolé.
Mitch toussa, essayant de reprendre son souffle.
La pierre, Louis... Giles et William... en haut.

Le sang de Louis ne fit qu'un tour avant de comprendre le message de son ami. Louis oublia la douleur et fonça droit vers les escaliers menant aux appartements. La scène était tout aussi effroyable. Plus rien n'était vraiment à sa place. Absolument tout son studio avait été retourné. Le peu de mobilier que Louis possédait dans ce petit chez lui était cassé, la télé explosée, ses jeux vidéo étalés au sol. Le matelas, les draps jonchaient par terre au milieu d'une traînée de plumes. Les oreillers avaient été arrachés et là, au milieu de tout ce chaos, son pauvre Teddy, éventré.

C'est bien ce que Louis craignait. Liam était venu chercher le Damné parce que Liam avait trouvé la pierre.

Un endroit sacré.

Sa mère avait prononcé ces quelques mots avant de mourir, sans arrière-pensées, pour induire le vampire en erreur et le conduire sur une fausse route. Mais dans l'esprit d'un petit garçon de six ans, quoi de plus sacré que le doudou qu'il serrait dans ses bras pour se réconforter de l'absence de sa douce maman. Depuis quinze ans, la pierre reposait juste là, au pied de son lit, caché au creux du ventre molletonné de son ourson blanc.

Le son d'un souffle étouffé le sortit de sa torpeur. Il se retourna et vit les jambes de Giles dépasser de sous la bibliothèque. La moitié de son corps était écrasé par le meuble en bois. Son oncle respirait encore mais difficilement.
Giles, Giles !
Paniqué, Louis se précipita vers lui, poussant le meuble de toutes ses forces. Il parvint à le soulever et le jeta violemment d'un coup parvenant à libérer son oncle. Mais le mal était fait. Sa tête était recouverte de coups et de plaies. Son corps ne pouvait plus bouger.
Louis, mon grand, je... Viens près de moi.
ça va aller, Giles, ça va aller, ça va aller, répéta Louis, bouleversé.
Chut, calme-toi mon grand.
Même mourant, Giles avait cet instinct de protection. Celui d'un chef de clan. Celui d'un papa aussi.
Pardonne-moi, mon fils. Tu sais que je t'ai toujours considéré comme tel, tu le sais, hein ?
Oui, mais... pas toi, je t'en prie, Giles, j'ai besoin de toi.
Ma petite sœur serait tellement fière de toi, de l'homme que tu es devenu, dit son oncle le sourire au coin des lèvres.
J'ai retrouvé celui qui l'a tué, Giles. Je l'ai retrouvé. Harry a la croix, il a la croix, je sais pas comment je ferai parce que je l'... , hésita Louis avant de se reprendre. Mais on va pouvoir la venger, tu tiens bon, hein.
Mon grand, qu'est-ce que tu racontes ? Harry ?
Harold, le tortionnaire, le damné, c'est lui.
Louis, non... écoute-moi. Ta maman...
La voix de Giles faiblissait. Chaque mot qu'il prononçait devenait un supplice. Le simple fait de bouger ses lèvres le faisait souffrir. Son souffle déclinait.
Ta maman, reprit-il avec difficulté. Elle avait trouvé le moyen de réinstaurer le rituel de la damnation. Et Harold l'aidait.
Je comprends pas, je... il la connaissait ?
Ils avaient retrouvé des pages du livre des prêtres d'Abel mais William... Oh mon Dieu, pardonne-moi, mon fils. J'aurais dû t'avertir... J'ai toujours voulu garder son identité secrète car je savais que ta soif de vengeance serait plus forte que tout, et je ne voulais pas que ce poids te ronge toute ta vie. J'ai toujours su que c'était William qui avait tué ta mère, Louis. Pardonne-moi de te l'avoir caché.
Mais Harry a la croix, s'étonna Louis, complétement perdu.
Liam aussi, lorsqu'il a été capturé... mais il s'est sauvé avant que l'ordre n'accomplisse le rituel. Elle est juste bien cachée.
Louis repensa inévitablement à son altercation avec le vampire et se remémora les nombreux tatouages qui recouvraient ses bras et ses mains. La vérité avait été là, devant ses yeux et il ne l'avait pas vu, croyant que l'homme qu'il aimait éperdument avait pu commettre l'inacceptable.
Alors Harry n'est pas...
C'est un bon protecteur et un bon professeur, n'est-ce pas ? le taquina son oncle.
Tu savais ?

Giles sourit.

Ses yeux, aussi bleus que ceux de sa sœur, aussi bleus que ceux de Louis, brillaient, lui transmettant une dernière lueur de tendresse et d'amour. Ce sourire était comme une dernière bénédiction. Giles avait toujours connu l'existence de ce protecteur de l'ombre, qui avait aidé et sympathisé avec sa petite sœur. Ce vampire autrefois si cruel mai qui avait expié ses péchés en se plongeant corps et âmes au service du bien. Au service des Enfants d'Abel. Et aujourd'hui, l'oncle savait que ce vampire aurait protégé son neveu de sa propre vie.

Giles poussa son dernier souffle et ses yeux se figèrent. Sa tête tomba sur son épaule, et son corps se vida de toute chaleur. Il s'en était allé, juste comme ça, dans les bras de son neveu.

C'était fini.

Louis venait de perdre le dernier membre de sa famille. L'homme qui l'avait élevé et aimé comme un père. Son modèle, son guide, son dernier lien avec cette vie. Louis fixa le corps raide de son oncle et resta de marbre, les yeux écarquillés. Lui aussi son cœur venait presque de s'arrêter. Son corps suffoquait. Ses os, ses muscles se contractaient. Mais à l'intérieur, Louis s'était tout simplement éteint.

Le choc, le vide.

Les larmes coulaient, ses membres tremblaient, mais il ne réagissait plus. Son âme s'était déchirée. La douleur fut tellement accablante qu'il ne restait plus rien. C'était probablement la situation la plus inacceptable. Comment continuer lorsque l'on avait tout perdu ? Comment se battre lorsque l'envie nous avait quitté ?

Louis n'était plus que l'ombre de lui-même. Une âme morte dans un corps écorché.

Et il resta, là, amorphe, serrant le corps sans vie, le berçant comme un nouveau-né, les yeux rivés dans ceux de son seul et unique parent désormais décédé.

Le temp n'existait plus. Il ne vit plus rien. Il n'entendit plus rien. Pas même le vacarme des pas qui grouillaient autour de lui. L'affolement du reste des chasseurs qui rentraient de leur ronde et découvraient le massacre. Ni les pleurs, ni les hurlements. Ni Niall qui soudain s'accroupit à côté de lui, posant délicatement la main sur son épaule...
Louis, murmura son meilleur ami. Louis...
Non, Louis ne sentait plus rien. Niall essaya de dégager Giles du corps de Louis, mais le jeune homme s'accrocha. Il refusait de le laisser partir. Il n'était pas prêt. Qui le serait ? Il continuait de le serrer fort, très fort, la tête reposant sur le front froid de son oncle.
Louis, s'il te plait, je sais que... Il est parti, c'est fini, Louis. Il est parti. J'suis désolé...
Niall, lui, n'arrivait plus à contenir sa peine. Sa voix larmoyante trahissait sa douleur.
Il força son meilleur ami à se détacher de son oncle, mais Louis, pourtant paralysé, en état de choc, eut un dernier geste, comme une manière de lui dire adieu. Il ferma doucement les paupières de l'homme couché, le touchant une dernière fois.

Il aurait voulu lui dire tant de choses. Ces choses qu'il ressentait mais que, bien souvent un jeune homme de presque 22 ans ne disait pas vraiment. Un simple "je t'aime, tu vas me manquer". Mais rien. Aucun son ne sortit de sa bouche. Plongé dans cet état cathartique, Louis s'était bel et bien éteint.

Niall le souleva et le pris dans ses bras. Même au contact de son meilleur ami, Louis n'eut aucune réaction. Niall l'allongea sur le lit de fortune, au milieu des décombres, témoins de cette sinistre soirée. Comme un instinct de protection, Louis se recroquevilla serrant dans ses bras le nounours déchiqueté. Le petit garçon enfoui à l'intérieur du jeune homme, lui, vivait encore. Il souffrait, il criait, il pleurait. Le coeur complètement meurtri, il s'endormit.

Louis était désormais un orphelin.

Blood MoonOnde histórias criam vida. Descubra agora