Seven Deadly Sins

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Dans le cadre de mes nouvelles de Noël 2018, voici pour @kysala un petit texte sur le thème des sept péchés capitaux. J'ai essayé de ne pas tomber dans la facilité avec des références à la Divine Comédie de Dante ou le recours à des allégories, mais je n'ai pas pu résister à vous mettre en illustration la Carte de l'Enfer par Botticelli ;D

Bonne lecture ! 

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La grille métallique se soulève sous le fracas du tonnerre. La rouille concurrence à peine le bruit de la pluie. L'intégralité de l'orage semble vouloir pénétrer dans l'enceinte de l'abbatiale, toutes les forces de l'Enfer lui-même, pour accompagner le prisonnier.

Jeune novice frissonnant sous la pluie, je m'efforce d'ignorer le froid, le vent, l'humidité glacée qui colle mes vêtements à ma peau. Cela fait presque un an que j'ai intégré l'abbatiale pour revêtir le voile. Un an que je suis habituée aux conditions rudes de ce mode de vie religieux, loin des fastes de mon enfance. Pourtant, c'est la première fois aujourd'hui que j'assiste, véritablement, à l'entrée d'un condamné entre ces murs.

L'abbatiale a pourtant été fondée dans cet unique but. Trois cents ans plus tôt, en ce même lieu, sœur Angélique a triomphé du Démon au plus noir des forêts montagnardes. Jeune vierge de seulement seize ans, son histoire a profondément marqué la région, au point d'atteindre les oreilles de l'empereur lui-même. Le souverain a immédiatement ordonné l'implantation d'une congrégation de religieuses, dont la vocation demeure, aujourd'hui encore, de combattre le Démon et ceux qui se trouvent sous son emprise.

C'est le cas de l'homme que l'on introduit aujourd'hui. Il fait nuit, je ne peux pas voir son visage. Le grand manteau noir qui le recouvre ne dissimule pas les fers à ses mains et ses pieds. Le métal a profondément entaillé la chair de ses poignets.

Il descend de la voiture ferrée que l'on a tractée depuis la capitale elle-même pour le trainer jusqu'ici. Plus d'une vingtaine de gardes composent son escorte. Tous sont lourdement armés, et, à la façon dont ils agrippent la poignée de leurs armes, je devine que le voyage ne s'est pas passé sans encombre.

La mère supérieure s'avance :

- Dacre Tyrell, déclare-t-elle de cette voix de stentor qui fait frissonner toutes les novices. Sa Majesté l'empereur vous a recommandé à notre couvent, dans l'espoir que nous puissions vous guérir des démons qui vous habitent. Reconnaissez-vous ces démons ?

Le prisonnier ne dit rien. A travers la pénombre, je le vois à peine relever la tête, esquisser par-dessous sa capuche un sourire carnassier. La mère supérieure le gifle :

- Vous n'êtes plus à la cour impériale ici, mon garçon. Tôt ou tard, nous vous ferons coopérer. Et nous expulserons ce mal qui sommeille en vous.

Le prisonnier se jette en avant. La lueur des torches illumine brutalement sa capuche rejetée en arrière, son visage fou, défiguré, tandis qu'il frappe la mère supérieure en pleine tête.

Les gardes se ruent aussitôt sur lui, mais le mal est fait. Le visage de la mère supérieure ruisselle de sang. Toutes mes collègues accourent déjà vers elle pour lui venir en aide, mais moi, je suis incapable de bouger. Moi, tout ce que je vois, ce sont les traits du prisonnier que l'on a propulsé à terre, et que les gardes rouent de coups.

Il est jeune, à peine un homme fait. Ses cheveux noirs dégoulinent sur son front. Tandis qu'on le maintient à terre, il ne cesse de rire, secoué de frémissements proches de la folie, insensible à la douleur et au froid. Il est d'une beauté presque insoutenable. Est-ce donc cela, la marque du Démon ? Ce regard acéré, ces traits pointus, ces lèvres cruelles, est-ce le Démon qui s'exprime à travers tant de perfection ?

Contes MacabresWhere stories live. Discover now