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Le vieux papier peint que mon grand-père avait eu tant de mal a poser est devenu jaune, les meubles que ma grand-mère adorait badigeonner de cire sont habillés de poussières, l'odeur de propre est remplacé par la puanteur de l'humidité et du renfermé.
Même s'ils sont partis depuis plusieurs années maintenant la douleur est restée la même. Il m'aura fallu deux ans et une terrible bataille judiciaire pour enfin pouvoir revenir dans la maison de mon enfance. Mais ça en valait la peine, et si c'était à refaire je ferais la même chose.

Orpheline de mes deux parents à l'âge de quatre ans à la suite d'un accident de voiture, et malgré mon handicap dû à cet accident, mes grands parents n'ont pas hésités à m'accueillir et m'élever comme si j'étais leur propre fille.
Mon arrivée n'a pas été simple, ni pour eux, ni pour moi. Ma mère a épousée mon père sans l'accord de ses parents qui estimaient qu'il n'était pas assez bien socialement pour leur fille.
Née dans une famille bourgeoise et catholique ma mère a rejetée ses origines en tombant  amoureuse d'un ouvrier sans  le sous, sans religion et de couleur, enfin métisse. Ma grand mère m'a raconté ce jour terrible où la police est venue à sa porte lui annoncer l'accident, le décès de mes parents et mon existence, en effet ma mère ayant coupée tout contact avec eux, ils ne savaient pas qu'ils avaient une petite fille.
Mon grand père et elle n'ont pas hésités une seule seconde et sont venus à l'hôpital pour me ramener avec eux.
Je ne les connaissais pas et me suis sentie méfiante, mais la douceur de ma grand mère, le sentiment de sécurité que m'inspirait mon grand père a vite fait tomber mes barrières. Mes premiers mois avec eux, je les aient surtout passés chez le kinésithérapeute pour me réapprendre à marcher, en boitant à cause de ma hanche, mais je marche.
Mes années d'école ont été très difficile également, j'ai été une très bonne élève mais les enfants, comme les adultes, peuvent être cruels, et mon handicap a fait de moi la pestiférée de toutes les écoles que j'ai pu fréquenter. Même à la fac où on ne m'insultait plus, je me retrouvais seule.
Et je le suis toujours, j'ai bien quelques amies dans mon travail, mais je ne me confie pas et ne sors pas avec elles.

Je me retrouve donc seule, dans cette grande maison que mes grands parents m'ont légués. Bien sur, mes oncles et tantes, cousins, cousines, n'ont pas compris pourquoi j'avais hérité seule de cette demeure, et ont décidés de faire appelle à la justice, pour avoir eux aussi leur part. Ils n'ont rien eu, alors que mon but premier était de faire de cette maison une demeure familliale, où nous aurions pû tous se retrouver comme avant. Que vais-je faire maintenant de ce grand manoir?
Je ne vais pas y vivre seule, je ne veux pas la revendre bien sûr.

J'ouvre toutes les fenêtres du bas pour aérer et faire partir autant que possible cette odeur qui commence à me prendre à la gorge.
Le soleil chauffe fort aujourd'hui, l'été est enfin là, et ma bonne humeur avec elle.

La maison de nos voisins à été rachetée il y a quelques mois mais je n'y vois pas âme qui vive. Dommage, je voulais allé me présenter, j'irai une autre fois, peut être sont-ils allés profiter de la mer, qui ne se trouve qu'à deux heures de route.

Je me décide à commencer le ménage avant d'aller prendre ma garde de nuit à l'hôpital. J'ai longtemps hésité quand au choix du métier que je voulais faire, ou que je pouvais faire et mon grand père m'a demandé ce que j'aurais fait si je ne boitais pas, je lui ai répondu que je voulais devenir médecin urgentiste, il m'a dit "alors fais le".
Et je l'ai fait, je suis docteur aux urgences à l'hopital, ça n'est pas toujours facile, je suis souvent très fatiguée et ma jambe et ma hanche me font énormément souffrir à la fin de ma garde, mais j'aime sauver des vies ou simplement soigner un bobo sur un enfant mort de peur d'être là. Au moins je me sens utile.

Après 3 heures de nettoyage, je rentre chez moi, prends une douche et je file à l'hôpital pour 12h.
Je ne prends pas ma voiture, habitant à 10min à pieds, j'en profite pour me mettre en jambe et quand je rentre, je profite du calme de la rue et de la fraîcheur.

J'aime profiter de mes nuits, même si j'aime la chaleur du soleil, la nuit, bizarrement , me rassure et m'apaise.

-Bonjour Eloïse comment s'est passé ta matinée?
-Bonjour Charlotte, génial! Je suis allée revoir la maison de mon enfance, ça fait beaucoup de bien.
-Je suis contente pour toi, je sais qu'il y a longtemps que tu attendais ça.

Je vais enfiler ma blouse, lis le cahier de transmission pour m'informer des différents patients présents dans le service et regarde le dossiers de ce qui attendent leurs tours dans la salle d'attente.
Comme d'habitude, beaucoup de chutes et de fractures, de douleurs au ventre et à la tête. Je prends en charge un petit garçon qui se plains de son ventre. Une fois installé dans une chambre, sa mère commence à se plaindre de l'attente beaucoup trop longue surtout pour les enfants souffrants.
Je suis d'accord, mais nous ne sommes pas assez nombreux et les locaux ne sont pas assez grand pour faire plus vite.
La journée s'enchaîne avec des plâtres et des appendicites.
Quand minuit sonne je suis vannée. Je ne rêve que d'un bain moussant, d'un bon repas et d'un verre de vin, pas forcément dans cette ordre là.

Je dis au revoir à mes collègues, refuse une invitation de l'un d'eux à aller prendre un verre, enlève ma blouse et rentre chez moi, enfin.

"Mon autre"Where stories live. Discover now