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Ils sont en avance et ils le savent. La marche des Fiertés, en tant que telle, ne commence qu'à quatorze heures officiellement. Le retard vient toujours de l'organisation, de la synchronisation des chars et de la vie même jamais réglée comme sur du papier à musique. Mais tant pis pour l'avance : d'autres l'ont été bien plus qu'eux.

À la sortie du métro Pyramide, l'ambiance est déjà présente et les drapeaux arc-en-ciel aussi. Tous se presse vers la place de Concorde d'où commence la marche et les trois amoureux n'ont qu'à suivre la foule, portés par les rires et l'enthousiasme général.

Zoé a pris son drapeau aux couleurs de la bisexualité : bleu, violet, rose. Elle l'a réclamé à corps et à cris à un Alceste, dépité, qui a fini par céder et à offrir un drapeau arc-en-ciel à Camille, par la même occasion. Elle porte sa fierté, nouée comme une cape, autour du coup, voletant derrière elle grâce aux brises du vent. Elle se donne l'air d'une super-héroïne, là où Camille a choisi de nouer le sien entre Alceste et lui, les boucles de ceinture faisant office d'accroche. Ainsi, le jeune homme, un peu inquiet par la foule, est sûr qu'il ne perdra pas l'un des éléments de leur trio : quant à Zoé, s'ils la perdent, elle saura toujours revenir vers eux.

D'autres jeunes personnes, et moins jeunes, portent d'autres couleurs que les leurs : les drapeaux de la pansexualité, bleu, jaune et rose, se confondent au bleu clair, blanc, rose clair de la transidentité, et même au drapeau jaune avec un cercle violet de l'intersexuation. Les représentations sont diverses et variées et Zoé évolue en super-héroïne comme un poisson dans l'eau. Le regard de ses deux copains la couve, attendri, comme souvent quand la jeune fille prend des airs de gamine et qu'elle surjoue l'innocence dans un sourire qui ne la quittera pas.

« Attends-nous, Zoé, dit Alceste alors que la brune est à quelques mètres d'eux, sautillant parmi les autres. »

Zoé ralentit : ils arrivent à sa hauteur toujours noués par le drapeau. Elle prend la main de Camille, pour ne pas gêner leurs mouvements, comme si sa main n'a lieu d'être qu'enlacée à la sienne : elle alternera plus tard avec Alceste, dans un équilibre mis en place naturellement.

« Bon, on y va ? demande Camille. »

On pourrait croire à l'annonce d'un combat à mort ainsi dit par un Camille inquiet de la foule, qui apparaît maintenant devant eux, place Concorde. Zoé ne répond pas, Zoé amorce le mouvement et accélère les pas.

Cette année, ils ont vite abandonné l'idée de rejoindre des amis. L'année dernière, ils ont fait l'erreur de vouloir retrouver deux des camarades de faculté de Zoé : ça a été un enfer, ils ont mis une heure à se rejoindre et Zoé a du promettre à ses copains que « plus jamais » un manque d'organisation comme ça.

Ils se suffisent à eux-même.

Alors, main dans la main, paillettes sur les joues, drapeau multicolores drapés, ils y vont.

Tous les trois.

Champions de leur monde.Where stories live. Discover now