If You Dare

rêveur

Le cours d'Histoire de la Magie était interminable et soporifique comme d'habitude. La voix monotone de leur professeur fantôme y faisait pour beaucoup, plus encore que le sujet mortellement ennuyeux des révoltes gobelines.

Beaucoup somnolaient, certains avaient même capitulé et dormaient dans leurs bras croisés.

Il n'y avait qu'Hermione pour prendre frénétiquement des notes, sans relâche, copiant chaque mot du professeur.

Harry, rêveur, regardait par la fenêtre d'un air absent.

Il n'était plus dans sa salle de classe. Dans son esprit, il était déjà sur le terrain de Quiddich, sur son balai, à tournoyer en hauteur. Il était déjà à guetter l'éclat doré du vif d'or. Il pouvait presque sentir la caresse du vent sur son visage, la chaleur des rayons du soleil, la sensation incomparable lorsque il plongeait, accroché au manche de bois.

Cette sensation de chute libre, l'impression que son estomac remontait dans sa gorge. La liberté absolue, l'impression que le monde lui appartenait.

Il soupira, et eut un moment de découragement. A quoi bon perdre son temps avec le professeur Binns, s'il n'était même pas certain d'atteindre son dix-huitième anniversaire ?

Il avait surpris une conversation entre les professeurs Dumbledore et Rogue, qui se disputaient à propos de son rôle. Pour la première fois, il avait entendu parler plus précisément de la prophétie qui le concernait.

Et les mots du Directeur de Poudlard l'avaient glacé.

Le vieil homme avait semblé usé et désabusé. Pourtant, il n'avait pas eu la moindre hésitation à parler de son sacrifice et de sa mort.

Harry avait été une fois de plus surpris par Rogue. Une fois encore l'homme l'avait défendu.

Il ne savait plus quoi penser, parce que tout son monde semblait être bouleversé en ce moment.

Harry soupira à nouveau et détacha son regard de la fenêtre, pour regarder ses camarades autour de lui.

Hermione était toujours en train de copier, et quand elle levait le nez c'était pour fusiller du regard Ron ou même lui.

Ron discutait avec Seamus en baillant de temps à autres. A une époque, ça aurait été avec lui qu'il aurait parlé. Mais depuis son escapade, il ne lui adressait plus la parole. Le rouquin était furieux et le lui faisait bien sentir.

Plus loin devant, il sourit en voyant Malefoy et Zabini penchés l'un vers l'autre, chuchotant furieusement. Derrière eux, Parkinson ne quittait pas des yeux la tête blonde qui l'obsédait visiblement. Il réprima un soupir en pensant que lui aussi passait beaucoup de temps à épier le Serpentard. Ils s'étaient opposés l'un à l'autre avec tant de force au cours des années que personne ne pouvait douter qu'ils étaient ennemis.

Mais de plus en plus souvent, Harry se surprenait à regarder pensivement Drago Malefoy. Il cherchait à le comprendre, et n'y parvenait pas.

Malefoy était comme un puzzle incomplet, et les pièces qu'il avait en main n'allaient nulle part.

Il avait longtemps été persuadé que son rival entrerait au service de Voldemort en courant, courbant l'échine devant son maître. Mais, finalement, Malefoy ne parvenait pas tout à fait à cacher le mépris et la répugnance qu'il éprouvait dès que le nom du seigneur des ténèbres était prononcé.

De la même manière, Harry s'était persuadé que Malefoy avait connu une enfance dorée et heureuse, entouré de parents aimants. Sauf qu'il n'en était plus si sûr. Pas après avoir perçu quelque chose dans ses yeux, une fêlure, qui devait ressemblait fortement à ce qu'il y avait dans son propre regard.

Et enfin, il y avait le regard que son professeur de potions posait sur le blondinet. Un regard inquiet, soucieux. Le même regard qu'il posait parfois sur lui, quand il pensait que Harry ne le voyait pas.

Harry perdit son air rêveur en croisant le regard colérique de Ron. Il détourna les yeux, en grimaçant.

Loin de se calmer, le jeune homme était devenu encore plus mauvais avec lui, lorsqu'il avait appris qu'il avait eu droit à une petite escapade chemin de Traverse. Le problème n'étant pas l'escapade en question, mais le fait qu'il y soit allé seul... sans lui.

Harry s'était mordu la langue jusqu'au sang pour ne pas lui répondre d'un ton acide que lui n'avait pas de famille ni de liberté en dehors de Poudlard. Au lieu de quoi, il avait ignoré les récriminations de son meilleur ami et évité le regard inquiet de Hermione.

Depuis, Ron était vindicatif, et ne semblait pas vraiment prêt à se calmer.

A la fin du cours, il rangea ses affaires tranquillement, et vit Hermione se mordre la lèvre, déchirée entre Ron et lui. Il savait que Hermione lui était loyale, mais il savait également qu'elle avait des sentiments forts pour Ron. Aussi, il lui offrit un sourire rassurant et lui fit signe de ne pas l'attendre.

Elle eut l'air soulagée, puis presque aussitôt coupable, et elle fila ventre à terre.

Harry se dit en prenant son sac qu'il allait devoir parler sérieusement avec Hermione et lui faire comprendre qu'il ne lui en voudrait pas si elle restait aux côtés de Ron. Au contraire, peut être serait elle un peu plus en sécurité qu'à ses côtés.

Lorsqu'il arriva dans le couloir, plongé dans sa rêverie, il ne se rendit pas tout de suite compte qu'il était suivi.

Il sentit qu'on le poussait violemment et il se retourna, baguette à la main.

- Malefoy.

Bien évidemment, Malefoy avait soudain eu envie de se rappeler à son bon souvenir. Le Serpentard eut un rictus méprisant.

- Alors, le Balafré ? Tes potes en ont eu marre de toi ?

Harry soupira, et au lieu de répondre, rangea sa baguette, montrant à Malefoy qu'il n'avait pas peur de lui. Et qu'il ne le considérait pas comme menaçant.

Le Serpentard leva sa baguette et s'apprêta à lui jeter un sort, mais une voix polaire le stoppa.

- Messieurs Malefoy et Potter ? Que croyez-vous être en train de faire ?

Harry fut stupéfait de voir Drago Malefoy perdre de son assurance et s'empourprer sous le regard noir de son Directeur de Maison. Le Gryffondor préféra rester silencieux, pour ne pas envenimer la situation.

Puis, le professeur Rogue émit un grognement agacé avant de se retourner dans une envolée de cape.

- Suivez-moi.

Il ne vint à l'idée d'aucun des deux garçons de protester.