If You Dare

Hôtel minable

Les choses avaient terriblement mal tourné. Un instant, ils étaient à Poudlard, jouant double jeu avec Dumbledore, pour essayer de tous rester en vie. L'instant d'après, ils étaient en fuite, poursuivis par les Aurors à la solde du Ministre.

Drago avait pu passer par voie de cheminette, mais Harry et Severus étaient restés bloqués à Poudlard.

Ils avaient réussi à s'échapper, après une journée interminable à jouer à cache-cache en se servant de la carte des Maraudeurs et de la cape d'Invisibilité. En fin de soirée, les recherches s'étaient calmées, et ils avaient pu se faufiler à l'extérieur du château discrètement. Une fois hors des limites de Poudlard, Severus avait agrippé le bras de Harry et les avait fait transplaner du côté de Londres.

Puis, ils s'étaient cachés du côté moldu. Harry s'était débarrassé de son uniforme, restant en vêtements moldus.

Après quelques heures d'errance, à la nuit tombée, ils s'étaient retrouvés dans un hôtel minable, dans un quartier mal famé.

Le réceptionniste les avait observé longuement, suspicieux, avant de claquer la clé de la chambre violemment sur le comptoir. Harry avait observé son professeur s'emparer de la clé, sourcils froncés, mettant vraisemblablement le moldu au défi de faire la moindre réflexion.

Mais l'homme était resté silencieux, et Harry avait senti son regard lui brûler le dos alors qu'il suivait docilement Severus.

La chambre était miteuse. Il n'y avait pas d'autre mot pour la décrire. Un fauteuil défraîchi, des rideaux sales, un lit au couvre-lit hideux. La salle de bains était minuscule et la porcelaine de l'évier et de la douche avait connu des jours meilleurs.

Severus s'était laissé tomber sur le fauteuil avec lassitude et avait désigné du menton le lit à Harry.

- Vous devriez vous reposer, Harry.

Le jeune homme avait hésité.

- Vous avez l'air épuisé, Monsieur. Je peux vous laisser le lit.

Le maître des potions avait esquissé un léger sourire.

- J'ai connu bien pire que ce fauteuil pour dormir, croyez moi. Dormez et ne protestez pas, Harry. Demain nous aurons à trouver une solution pour entrer en contact avec votre parrain.

Harry bailla, et se frotta les yeux. Puis il haussa les épaules, nullement inquiet.

- J'ai demandé à Hermione de m'envoyer Hedwige si jamais je devais fuir pour une raison ou une autre. Je pensais que ce serait plus à cause de mon parrain repris de justice mais... je dirais que d'ici demain nous aurons de quoi envoyer un message à Sirius.

Severus secoua la tête, effaré, en contemplant le jeune homme qui s'endormait, allongé sur le lit. Le gamin était si jeune, encore un enfant, et voilà qu'il raisonnait comme un espion aguerri qui aurait passé toute sa vie en zone de guerre. Harry en avait bavé, mais Severus le voyait encore comme le gamin frondeur et insolent, se précipitant au devant du danger.

Au lieu de quoi, il se surprenait à regretter de ne pas l'avoir protégé plus efficacement. Harry Potter n'avait pas eu d'enfance, il avait été transformé en arme pour vaincre Voldemort. Mais il avait malgré tout gardé une part d'innocence, et une naïveté touchante.

Sentant la marque sur son bras commencer à brûler, Severus serra les dents, et se résolut à ignorer l'appel. Il était venu le temps de montrer sa véritable allégeance, en espérant qu'il ne se trompait pas.

Avec un soupir, crispé par la douleur, Severus se prépara à une nuit blanche. Il refusait de dormir dans cet endroit, de peur que quelqu'un n'entre dans leur chambre et ne les attaque pendant leur sommeil.

Severus somnolait, dans un état de veille presque hypnotique, lorsqu'il fut alerté par les mouvements soudain brusque de Harry. Il lui fallut un certain temps pour comprendre ce qui se passait.

Puis, voyant le garçon se débattre contre un ennemi invisible, il comprit qu'il s'agissait des fameux cauchemars dont il avait entendu parler. Ce secret de polichinelle que Harry gardait jalousement... Tout le monde était plus ou moins au courant, mais personne n'en parlait parce que Harry se braquait immédiatement, niant l'évidence.

Le maître des potions se leva du fauteuil inconfortable avec une grimace et s'approcha du lit. Il s'assit sur le bord et posa une main sur le front de Harry. Il était brûlant.

- Harry ? Réveillez-vous, ce n'est qu'un cauchemar.

L'adolescent secouait la tête de droite et de gauche, englué dans son mauvais rêve.

Il fallut à Severus un long moment pour réveiller Harry, et il remercia mentalement Merlin d'avoir placé un sort de silence sur la chambre. Ainsi personne n'avait entendu les hurlements de Harry.

Lorsque Harry s'éveilla enfin, le regard fou, il semblait complètement perdu et affolé. Severus lui posa une main sur l'épaule en murmurant des paroles sans queue ni tête, juste pour le rassurer.

D'un coup, le jeune homme émit un sanglot bruyant avant de se jeter au cou de son professeur et de se serrer contre lui, terrifié.

Severus se figea, peu habitué aux contacts humains. Puis, il leva une main hésitante pour caresser doucement le dos de son élève en un geste apaisant.

- C'est terminé Harry. Vous êtes en sécurité. Je suis là...

Lorsque Harry parvint enfin à se calmer, il s'écarta de Severus, les joues rouges d'embarras.

- Je suis désolé, professeur. Je... Je suis désolé...

Severus claqua sa langue avec agacement.

- Ne dites pas de sottises. Depuis quand faites-vous ce genre de cauchemars ?

Harry détourna la tête, évitant le regard d'onyx de son professeur. Severus soupira et sa voix se fit polaire alors qu'il répétait la question.

- Harry. Depuis quand ?

Harry soupira et rendit les armes.

- Depuis la mort de Cédric. Depuis qu'il est revenu.

Severus hoqueta.

- Seigneur... Pourquoi n'avez-vous rien dit ?

Harry haussa les épaules.

- J'en ai parlé à Dumbledore, mais... Il m'a dit que je devais apprendre à fermer mon esprit et que c'était du... à ma cicatrice.

Severus grogna, contrarié une fois de plus d'apprendre que l'homme qu'il avait considéré si longtemps comme son mentor puisse se montrer aussi insensible envers le bien-être d'un gosse.

- Reposez vous, Harry. Dès que nous serons en sécurité, je vous enseignerai l'occlumentie pour fermer votre esprit. D'ici là, soyez tranquille, je reste près de vous.

Harry offrit un sourire soulagé à son professeur et se recoucha. Il lui fallut peu de temps pour se rendormir, mais il eut le temps avant de sombrer de comprendre qu'il se sentait en sécurité auprès de Severus Rogue.