Chapitre 7 : Révélations

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Mon cerveau se réveille, comme si je m'étais pris un électrochoc.

C'est elle...

Je me redresse d'un bond et constitue une barrière de mon corps pour protéger ma sœur. Mes yeux sont révulsés et mon cœur bat à mille à l'heure. Je ne la laisserai pas me prendre les êtres chers qu'il me reste.

- « Pars !! » hurlé-je avec un courage soudain. « Tu crois pas qu'avoir tué mes parents c'est assez ? Dégage d'ici, t'as rien à faire là !!! »

Angèle se serre contre moi.

- « T'avais raison, » murmure-t-elle la voix blanche.

Je hoche la tête en tremblant, j'ai beau faire bonne figure, je suis loin d'être serein. Je suis tétanisé. L'ombre bouge, mon sang se glace dans mes veines, des points noirs dansent devant mes yeux, j'en ai la nausée. Tous ces événements en si peu de temps, sans penser au manque de sommeil, c'est trop pour moi. J'en ai assez de ne rien comprendre de ce qui m'arrive, j'en ai assez d'avoir peur. Les sourcils froncés et le cœur battant, je me lève du lit d'Angèle et m'avance vers la Faucheuse.

- « Tue moi si tu veux mais laisse-les vivre, » lui lancé-je d'une voix tremblante. « Tu comprends pas ce que je te dis ? Qu'est-ce que je t'ai fait ? »

La Mort s'avance lentement, je sens ses orbites vides me fixer. Elle abaisse sa capuche, Angèle retient un hoquet de terreur. Son crâne luisant se tourne vers elle avec un affreux craquement.

- « Laisse-les, » murmuré-je la voix rauque.

La colère commence à grandir au fond de moi. Elle gronde, telle une tempête et balaie mon être tout entier, elle s'élève avec fureur sans laisser de place à la peur. Je serre les poings à m'en blanchir les phalanges. La mâchoire contractée, je siffle :

- « Dis-moi ce que tu veux. »

La Faucheuse se tourne enfin vers moi et me toise, inexpressive. Maintenant qu'on est proches, je peux l'observer à ma guise. Son crâne blanc semble contenir une matière noire bien étrange, ses longs doigts squelettiques sont serrés autour de sa faux dans une main et autour d'une chaîne dans l'autre. Cette chaîne est visiblement reliée à une de ses chevilles et claque contre le parquet. Sa longue cape sombre lui tombe jusqu'aux pieds et virevolte autour d'elle, accompagnée d'une fumée obscure, celle-là même qui entourait le morceau de tissu trouvé dans ma chambre il y a quelques heures.

Elle entrouvre la mâchoire et un nouveau craquement résonne. Ce bruit ne ressemble à aucun autre, il sonne horriblement fort à mes oreilles et se répercute contre les murs de la chambre. Je retiens une grimace de dégoût.

- « Ben, il faut qu'on parle, » lâche-t-elle de son immonde voix.

- « Comment ça il faut qu'on parle ?! » hurlé-je. «Tu crois que je vais t'écouter tranquillement ? TU VIENS DE TUER MES PARENTS JE TE RAPPELLE ! »

- « Ben, ce n'est pas moi qui les ai tués, » déclare-t-elle calmement. « Tu ne dois pas me considérer comme ton ennemie. Je peux t'aider, mais tu dois m'écouter. »

Sidéré, je la fixe, les yeux ronds.

Comment ?! Ce n'est pas elle qui les a tués ? Mais alors, qui est-ce ? Existe-t-il d'autres monstres capables des pires horreurs ? Mais alors, que fait-elle ici ? Dois-je la croire ?

Je tourne la tête vers Angèle et Stella qui me fixent, visiblement aussi surprises que moi. De nouveau, je me tourne vers la Faucheuse, son regard est presque devenu compatissant.

COMPATISSANT ?! Mais Ben t'as quoi dans les yeux ? Du caca de pigeon ? C'est un monstre, ça se voit non ? Comment pourrait-elle être compatissante ?

Confus, je me résigne à rejoindre Stella et Angèle sur le lit. La Faucheuse demeure en position de force et de toute façon, je n'ai pas vraiment le choix. Avant de m'asseoir, je lui lance :

- « Je peux te faire confiance ? »

- « Oui, Ben, je te le promets, »répond-elle.

Je me passe une main dans les cheveux en inspirant profondément, cette phrase sonne mal dans la bouche de la Mort.

Cette histoire est en train de tourner au grand n'importe quoi. Je m'apprête à discuter tranquillement avec la Faucheuse...

Voyant que nous sommes prêts à l'écouter, la Mort se rapproche de nous et nous dévisage un à un.

- « Angèle, ta petite amie, » dit-elle lorsque son regard se pose sur elle.

- « Comment tu sais ? » demandé-je, méfiant.

- « Ben, je sais tout, » déclare-t-elle, énigmatique. 

- « Ce n'est pas vraiment une réponse, » marmonné-je, vexé.

- « Je te conseille d'apprendre à accepter de telles réponses Ben, sinon cela risque d'être compliqué à l'avenir, » siffle-t-elle sévèrement.

Je ne réponds pas et serre les lèvres. La Faucheuse s'approche alors de ma petite sœur. Je pose une main protectrice sur son bras.

- « Laisse la tranquille, » dis-je, menaçant.

Elle incline sa tête sur le côté et, sans se soucier de moi, dit doucement en s'accroupissant devant ma sœur : 

- « Stella, je suis désolée pour ce qui s'est passé. »

Ma sœur la dévisage en tremblant.

- « Vous avez tué mes parents, » répond-elle de sa petite voix.

- « Non Stella, ce n'est pas moi, écoute bien, » ordonne-t-elle en se redressant. « Dans ce monde, vivent des démons qui se nourrissent du cœur des hommes. Ce sont eux qui ont tué vos parents, c'est pour cela que leurs yeux étaient cernés de veines noires. »

- « Si tu le savais, pourquoi tu ne les as pas protégés ? » lui demandé-je pour la provoquer.

- « Ce n'est pas mon rôle et je ne peux rien faire contre ces démons sans ton aide, » lâche-t-elle calmement.

- « Qu'est-ce que tu racontes ? » dis-je, dans l'incompréhension la plus totale.

- « Ben, » commence-t-elle. « Tu es mort de ta propre main, c'est pourquoi, l'accès au Paradis t'a été refusé. Tu pourras le retrouver si tu réussis une mission. »

Je suis donc bien mort, réalisé-je avec effroi, et me voici de retour ou bien est-ce un monde alternatif ? Comment tout cela est-il possible ? La réalité dans laquelle j'ai vécu ne m'a pas habitué à ce genre de choses...

- « Laquelle ? » lui demandé-je, désireux de connaître la vérité, sous réserve du fait que mon interlocutrice possède le pouvoir de me la donner.

La Faucheuse sort alors un objet de sous sa cape. C'est une plume noire, la même fumée sombre lui tourne autour. Elle me la tend.
Tremblant, j'approche ma main et la saisis. Cette fois, aucune brûlure ne m'agresse la peau. Je la tourne entre mes doigts et découvre une inscription sur la tige :

Post Mortem...

Tout prend alors son sens : je suis revenu dans le monde des vivants pour accomplir une mission post mortem, c'est à dire, après ma mort. Et si je réussis, comme l'a dit la Faucheuse, je pourrai aller au Paradis.

Peut-être est-ce vrai...

- « Tu dois combattre ces démons Ben, et les arrêter, » m'annonce la Mort. « Quel qu'en soit le prix... »

Je frissonne, cela n'augure rien de bon. Je me tourne vers Stella et Angèle, elles me regardent avec confiance.

Elles croient en moi...

Cela me donne une force surhumaine, j'ai l'impression que je peux soulever des montagnes. Pourtant, il me reste un détail à régler.

- « Et comment je procède ? » demandé-je à la Faucheuse.

- « Cette plume te permet de voir les démons et d'aspirer leur énergie vitale. » m'explique-t-elle. « Ne t'inquiète pas, tout ira bien... »

Post MortemWhere stories live. Discover now