Chapitre 9 : Le combat commence

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La Faucheuse me fixe, elle attend. Elle sait que je n'ai pas le choix, que je vais devoir accepter son marché et passer ensuite dans l'autre monde, que je suis condamné.

Je ne veux pas partir, la vie me semblait trop difficile à vivre mais à présent je la regrette. Je regrette tous ces beaux moments passés avec Angèle, avec ma famille. Je regrette d'avoir été faible. Je regrette d'avoir abandonné.

Les larmes forment des torrents sur mes joues, de la haine s'y mêle, de la détresse. La vie m'appelle mais je ne peux plus lui répondre. Je suis comme un muet qui comprend ce qu'on lui dit mais qui ne peut exprimer sa volonté. Je demeure prisonnier de cette situation, prisonnier de ce statut de mort revenu à la vie.

Je relève lentement la tête vers la Mort et murmure :

- « Alors, mes parents sont morts ? Ils... ont disparu ? Vraiment... ? »

Elle ne répond pas et se contente de reculer dans l'ombre et de baisser la tête. Mon souffle s'arrête, mes yeux la supplient mais elle demeure silencieuse.

Un cri incontrôlable sort de mes lèvres. Un cri venu du plus profond de mon être, je hurle mon désespoir, je hurle ma colère. Je hurle car le peu d'espoir qui me restait vient de s'envoler. Je crie mon cœur meurtri et ma vie détruite. Je crie. Simplement. Comme si ce cri pouvait me rendre tout ce que j'avais perdu. Comme si ma vie pouvait recommencer après ça. Je cours vers la fenêtre et l'ouvre en grand afin de déverser ma haine sur le monde. En bas, dans la rue, les passants me regardent sidérés, mais plus rien n'a d'importance à présent.

Je suis condamné.

- « JE SUIS CONDAMNÉ ! » hurlé-je.

Les larmes me brouillent la vue, mon cœur me déchire les oreilles. Chaque bruit résonne horriblement fort sous mon crâne. Tout à coup, je sens des mains m'agripper et m'éloigner de la fenêtre, la refermer. Je n'oppose aucune résistance. Cela ne sert à rien de se battre, je suis simplement effondré, vide, seul, mort.

- « Je suis mort... » murmuré-je à Angèle qui se tient à côté de moi. « Tu le savais hein ? »

Je tourne la tête vers elle et remarque qu'elle pleure.

- « Pourquoi tu me l'as pas dit ? » lui demandé-je la voix rauque.

Angèle évite mon regard et se passe une main dans les cheveux.

- « Répond-moi s'il te plaît Angèle, » dis-je en sentant le désespoir refaire surface. « Tu ne peux plus me mentir maintenant. »

Ma petite amie se tourne vers moi et hoquète avant de lâcher :

- « J'avais peur que... tu retombes dedans. Après ta tentative de suicide... les pompiers ont réussi à te ramener... mais... on a eu peur Ben, tellement. Je pensais que ça allait mieux... et que t'allais t'en... sortir mais depuis que... cette... la... Faucheuse est arrivée, rien ne va plus... »

J'appuie ma tête contre le mur de la chambre et expire lentement pour tenter de rester calme.

Donc, d'après elle, je me suis suicidé, du moins, j'ai essayé, et je suis revenu... La Faucheuse dit que c'est elle qui m'a rappelé et Angèle dit que ce sont les pompiers. Je ne comprends pas, je dois sauver le monde alors que je peux rester en vie, le seul problème demeurent les démons. Ils ont véritablement envahi la ville et peut-être le monde et ont tué mes parents. Mais, si j'accomplis la mission de la Mort sans mourir, peut-être pourrai-je vivre de nouveau en paix dans un monde libéré de ses démons... ?

L'espoir commence à renaître au fond de moi, semblable à une faible lueur, il étend doucement ses bras jusqu'à mon cœur et l'enserre. Les battements reprennent, imperceptiblement. Un léger scintillement se faufile jusqu'au fond de mes yeux. Angèle semble le remarquer car je la sens se détendre peu à peu. Je tourne la tête vers elle et murmure :

- « On va gagner Angèle, je te le promets. »

Elle hoche la tête et essuie ses joues.

- « Je ne les laisserai pas triompher... » chuchoté-je.

***

Nous marchons dans la rue, Stella me tient fort la main. Le soleil brille doucement au-dessus de nos têtes, le temps est radieux. Autour de nous, les passants ne semblent pas se douter qu'un grand danger les menace tous. Ils flânent, comme si cette journée était ordinaire. Je secoue la tête, c'est bien normal, ils n'ont pas vu la Faucheuse et ne sont au courant de rien. Ils vivent leur vie, comme d'habitude.

Notre amie des enfers nous a expliqué que les démons se manifestent souvent dans de petites rues étroites ou en hauteur. J'ai donc décidé de me rendre sur le toit de notre immeuble. Il est assez haut et de là-bas, nous avons une vue d'ensemble sur les environs. En plus, le toit du bâtiment est plat et je sais qu'on peut y accéder grâce à une échelle qui descend jusqu'à la loge du gardien. J'emmène Stella et Angèle devant notre immeuble. Face au digicode, mon cœur s'arrête et je sens mon corps se figer. J'ai l'impression que tout va bien, que je suis chez moi et que je vais retrouver mes parents.

Pourtant, la vérité me rattrape vite, ils sont morts, partis, et je me retrouve seul. J'ai envie de tout abandonner et de dormir à jamais, de partir de ce monde en un claquement de doigt, d'être libéré de toute cette responsabilité. Je sais bien que je n'ai pas le choix et qu'en plus de payer mon passage vers le Paradis, cette mission me fera sauver le monde.

Est-ce vraiment ce que je souhaite ? Être libre et devenir un héros aux yeux de tous ?

Ces décisions là sont les plus difficiles à prendre, c'est un véritable dilemme au fond de moi, mon être entier en est déchiré. Angèle pose sa main sur mon épaule.

- « Ça va aller Ben, on est là, » murmure-t-elle. «Ne t'inquiète pas. »

Je hoche la tête et tape le code. Une fois la porte déverrouillée, j'entraîne résolument Stella et ma petite amie vers la loge du gardien. Ce dernier est absent, mais sa loge est restée ouverte. Sans hésiter, nous nous faufilons à l'intérieur. L'extrémité de l'échelle aboutit dans un petit cagibi jouxtant la loge. Celui-ci n'est jamais verrouillé car visiblement, le gardien n'en voit pas l'utilité. Arès avoir jeté un regard en arrière, je pousse Stella et Angèle vers l'échelle avant de monter à mon tour.

***

Une fois sur le toit, je contemple le soleil qui brille dans le ciel d'un bleu parfait. La journée s'annonce calme. Je soupire, finalement j'ai réussi à emmener Angèle sur un toit, même si le soleil est loin de se coucher. Peut-être serons-nous encore présents ce soir... Ma petite amie se tourne vers moi et me souris.

- « T'as presque tenu ta promesse, » me lance-t-elle.

Je hoche la tête avec un sourire, l'atmosphère s'est détendue, même ma petite sœur semble un peu moins anxieuse. Je sais bien que notre combat sera long et pénible et je n'ai aucune idée de la façon dont je vais procéder pour éliminer le démon.

Comment sera-t-il ? Humain ou monstrueux ?

La situation m'inquiète un peu, l'inconnu m'angoisse.

***

Cela fait une heure que nous attendons qu'un de ces démons se manifeste. Nous avons hurlé des provocations dans le vent mais rien n'y fait, il ne nous reste plus qu'à laisser le temps filer...

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