Chapitre 4

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Le ciel était blanc.

On ne pouvait le voir que depuis la Serre, puisqu'elle ne possédait pas de toit. Il était fait de métal, comme l'ensemble du vaisseau, et était difficilement descriptible : il devait se trouver à une hauteur vertigineuse, mais Eva ne parvenait pas à mettre un nombre sur cette distance. Il était bien plus haut que le cinquantième et dernier étage de la Ville, où était installé le gouvernement. Il s'allumait d'une lumière blanche le matin, et s'éteignait le soir, de même que toutes les lumières de la Ville. Ne restait que les néons tamisés, car le noir aurait été complet sans eux. Même si la lumière n'était pas coupée dans les appartement, les citoyens étaient obligés de l'éteindre, passé une certaine heure. Les portes d'entrées se verrouillaient, et seul un bouton de secours permettait de les rouvrir en cas d'urgence, déclenchant une alarme dans toute la Ville par la même occasion.

Les citoyens ne se sentaient pas contrôlés pour autant. Ils savaient bien que les seuls responsables de ces lois étaient leurs ancêtres, et ils n'étaient plus là depuis longtemps. Ils n'avaient pas de temps à perdre à les détester. Les membres du gouvernement, comme l'ensemble de la Ville, obéissait à ses règles sans protester : ils avaient les mêmes devoirs que tout le monde.

Une main vint se poser sur l'épaule d'Eva, la secouant légèrement. Elle cligna des yeux, réalisant qu'elle fixait le ciel depuis plusieurs minutes.

— Ça va, Ev' ? S'inquiéta Megan, l'air troublée. Tu semblais être totalement déconnectée.

— Tout va bien, la rassura-t-elle, étonnée que son amie est l'air de s'inquiéter. Je réfléchissais, c'est tout.

Megan ne répondit rien, un sourcil haussé. Elle n'avait pas vraiment l'air convaincu, mais se remit tout de même au travail sans poser de question.

Les deux adolescentes venaient de commencer leur heure obligatoire de travail à la Serre, comme chaque soir après les cours. Eva avait les mains pleines de terre, à force de récolter les pommes de terres, mais ça ne la dérangeait pas vraiment. Elle jeta un coup d'œil au panier dans lequel se trouvait déjà une vingtaine de racines. Ses doigts étaient déjà endoloris, mais ça ne suffisait pas. Il fallait qu'elles remplissent au moins trois paniers comme celui-ci, voir plus.

— Le gouvernement veut notre mort, marmonna-t-elle en essuyant la sueur qui commençait à perler sur son visage.

Elle s'essuya les mains sur son pantalon puis se pencha de nouveau, essayant de se concentrer sur son travail plutôt que de plonger une fois de plus dans ses pensées. Elle se connaissait bien : si il arrêter de travailler trop longtemps, elle ne pourrait jamais s'y remettre.

— Eva ? L'appela Megan quelques minutes plus tard, en se redressant.

Elle était accroupi à quelques mètres d'elles, les joues rougies par l'effort. De la terre se mêlait à ses boucles blondes foncés, mais elle ne semblait pas y faire attention. Elle se passa néanmoins une mains dans les cheveux pour les remettre en ordre, avant de soupirer profondément.

Eva cessa de travailler, et tourna la tête vers son amie, un sourcil haussé.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai trop la flemme, lâcha-t-elle, d'une voix pâteuse qui laissait transparaître toute sa fatigue. Tu ne veux pas qu'on fasse semblant de creuser, plutôt ?

Eva éclata de rire, avant le lui lancer un clin d'œil. Après la journée de cours harassante, elle n'avait pas non plus envie de travailler.

— Et on a encore une heure de sport, après, soupira-t-elle.

L'heure de sport était obligatoire, elle aussi. Elle permettait aux citoyens de rester en bonne santé malgré le peu d'espace que procurait la Ville, la Serre étant réservée à l'agriculture. Le règlement affirmait aussi que la gravité artificielle, produite par la rotation du vaisseau, n'était pas suffisante pour conserver la masse musculaire d'êtres humains, et que cela risquait de créer de forts changements physique au fil des génération. En ce qui la concernait, Eva n'avait pas l'impression d'être différente physiquement de ses ancêtres, mais elle n'avait pas vraiment de moyens de comparer. Elle ne sentait pas non plus la rotation du vaisseau s'effectuer sous ses pieds : apparemment, il était si grand qu'il était impossible de le sentir.

Memoriae - Tome 1 : No man's landWhere stories live. Discover now