Chapitre 3

155 50 122
                                    

Allez savoir pourquoi, un jour, quelqu'un s'est dit que ça serait super amusant de forcer des adolescents de quinze ans à apprendre par cœur des formules de math. Bien sûr, les adolescents en questions n'avait pas eu leur mot à dire, et c'est ainsi qu'Eva se retrouvait assise sur une chaise en métal horriblement rigide, à résoudre des équations depuis près d'une heure. Le professeur, un homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux quasiment inexistants et au front dont la taille rivalisait avec celle de la Serre, se tenait derrière son bureau, le regard braqué sur ses élèves, déterminé à rendre cette journée encore plus horrible qu'elle ne l'était déjà. Un silence pesant ne tarda pas à s'installer, où seuls résonnaient les bruissements des crayons sur les feuilles.
Eva sentait les yeux du professeurs les fixer, hérissant ses cheveux sur sa nuque. Elle déglutit difficilement : elle détestait que l'attention des autres soient rivé sur elle ; ça la mettait mal à l'aise.
Heureusement, l'atmosphère oppressante se dissipa radicalement lorsque la grande porte métallique s'ouvrit sur une fille au souffle court, les cheveux blonds bouclés ébouriffés autours d'un visage à la peau pâle tacheté de petite tâches de rousseurs.

— Réveil... pas sonné... tomber... pardon..., articula-t-elle entre deux souffles, la respiration saccadée. Désolée...monsieur... dernière fois...

Le professeur arqua l'un de ses sourcils presque inexistant, tout en grimaçant.

— Mlle Conway... C'est la troisième fois de la semaine que votre réveil ne sonne pas, il me semble. Il faudrait peut-être songer à le réparer. Et ces chutes fréquentes dans les escaliers... Vous m'inquiétez.

Son air faussement condescendant fît rougir la retardataire de honte, bien que son visage soit déjà rendu écarlate par l'effort.

— Allez vous asseoir, siffla-t-il finalement, en désignant la place laissée vide à côté d'Eva. Et c'est la dernière fois que je tolère votre retard.

Megan hocha précipitamment la tête, avant de se dépêcher de rejoindre sa table. Elle se laissa glisser sur sa chaise en soupirant de soulagement. Elle avait échappé aux heures de colles de justesse.

— Et si tu essayais d'arriver à l'heure, sinon ? murmura Eva le plus discrètement possible pour que seule Megan puisse l'entendre. Tu éviterais les problèmes, tu ne crois pas ?

Son amie jeta un coup d'œil furtif vers le bureau où était assis le professeur de maths, afin de s'assurer qu'il ne regardait pas dans leur direction, avant de répondre.

— J'essaie, Ev'... Mais il y a clairement quelque chose qui cloche chez moi, dès que je suis à l'heure, un imprévu arrive pour me mettre en retard ! C'est une malédiction ce truc !

La jeune fille sourit, avant de baisser les yeux vers sa feuille. Discuter avec sa meilleure amie avait beau être cent fois plus passionnant que résoudre des équations, elle devait finir la série d'exercices. Elle reprit donc son stylo, et essaya de se concentrer.
Son attention fut de nouveau détournée de son travail, à peine une dizaine de minutes plus tard, lorsqu'un grincement strident résonna dans la petite salle. Étonnée, elle tourna la tête vers le fond de la classe, où Chris venait de remuer sur sa chaise.

— Mr. Waters, siffla le professeur du bout des lèvres, visiblement agacé. Mon cours vous ennuie-t-il ?

Le garçon désormais blond baissa la tête vers son bureau sans répliquer, replongeant immédiatement dans ses exercices. N'importe qui faiblissait face à ce regard meurtrier.
Eva se demanda pourquoi il avait tant tenu à devenir professeur, vue la haine évidente qu'il entretenait pour ses élèves. D'un autre côté, elle le voyait bien mal travailler dans la Serre, à cultiver des carottes.
Elle survola la classe du regard, avant de reposer son attention sur Chris. Elle voyait bien, aux traits de son visage crispés, qu'il n'osait plus bouger, de peur de s'attirer de nouveau les foudres du professeur.
Eva se sentait gênée pour lui. Même si il était de loin le garçon le plus énervant qu'elle connaisse, elle l'aimait bien. Enfin, elle le supportait. Et elle n'arrivait toujours pas à se faire à sa nouvelle couleur de cheveux.

Memoriae - Tome 1 : No man's landWhere stories live. Discover now