Chapitre 7

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Il faisait chaud.

Ce fut la première chose à laquelle songea Eva lorsqu'elle se réveilla en sursaut, le corps couvert de sueur. Son cœur tambourinait follement dans sa poitrine, résonnant jusqu'à dans ses tempes. Eva suffoqua. Sa gorge lui brûlait d'une douleur atroce, telle qu'elle n'en avait jamais ressentie. Il lui fallait de l'air. Vite.

Elle se redressa dans son lit, tentant d'inspirer à grandes goulées, mais ses poumons ne reçurent aucun apaisement. Elle aurait autant pu avaler du feu.

L'air stagnait dans la petite chambre, plongée dans l'obscurité. Eva se leva précipitamment, en ignorant le râle qui s'échappa de ses lèvres. Elle se débattit contre ses draps collés à son corps par la sueur, avant de s'écraser par terre, le corps tremblant.

Déjà, des tâches apparaissait devant ses yeux, et sa vision périphérique se troublait.

Jamais l'espace séparant son lit de la porte ne lui avait paru si long.

Elle essaya de se relever, mais ses jambes cédèrent immédiatement sous son poid. Eva sentit ses yeux brûler, et des larmes commencèrent à dévaler en silence le long de ses joues, s'écrasant sur le sol. Rassemblant toutes ces forces, Eva se jeta sur la porte.

Ses doigts tâtonnèrent dans le noir durant les secondes les plus longues de sa vie, à la recherche de la poignée, qu'elle ne parvenait pas à trouver. Les larmes de détresse continuaient d'inonder son visage, mais elle ne le remarquait même plus. Son cœur se serra dans sa poitrine. Enfin, ses doigts trouvères le la poignée, qu'elle actionna avec le peu de force qu'il lui restait. Après un ultime instant de panique, la porte s'ouvrit finalement, laissant basculer le corps tremblant d'Eva au milieu du couloir.

Elle sentit immédiatement l'air affluer dans ses poumons, qu'elle inspira à grandes goulées. Elle ne tenta pas tout de suite de se relever. Au contraire, elle laissa sa tête retomber sur le sol. Sa vision revenait peu à peu à la normale, mais la brûlure de sa gorge ne se tarissait pas. Les larmes coulèrent de plus belle.

J'aurais pu mourir.

La phrase résonna dans son esprit, faisant trembler son corps de plus belle. Eva se rendit alors compte que l'air autours d'elle, bien que respirable, était brûlant et lourd. Et c'était le noir complet. Des néons étaient censés éclairer faiblement l'appartement, même au beau milieu de la nuit. Hors, aucune lumière ne perçaient l'obscurité pesante.

Malgré ses muscles encore faibles, Eva se força à se redresser, scrutant les ténèbres. Quelque chose n'allait pas.

La respiration encore sifflante, elle posa sa main à plat contre l'un des murs, afin de garder un repère. Elle fût tentée de se diriger vers la cuisine, mais se stoppa net.

Ines.

Elle était encore dans sa chambre. Hors, il lui était surement arrivé la même chose qu'elle.
Sans même réfléchir, Eva couru jusqu'à la porte de sa chambre, manquant de trébucher à d'innombrables reprises. Elle s'empressa d'actionner la poignée, ouvrant la porte sur une chambre toute aussi sombre que le reste de l'appartement.

Le cœur battant de plus en plus vite, Eva chercha en vain l'interrupteur contre le mur. La lumière devait forcément pouvoir être allumée, en cas d'urgence. Elle trouva le boîtier, sur lequel elle appuya en vitesse, mais la lumière ne s'alluma pas.

Eva étouffa un juron, avant de scruter l'obscurité à la recherche de l'ombre de sa sœur. Rien ne bougeait. Elle crut alors distinguer sa silhouette assoupie dans son lit. L'air de la chambre n'était pas saturé comme dans celle d'Eva, aussi elle décida de ne pas tenter de la réveiller. L'air dans l'appartement ne circulait pas, aussi l'idée d'avoir une enfant qui panique ne lui semblait pas très judicieuse.

Eva fit donc demi-tour, rejoignant rapidement la pièce à vivre, où elle se laissa tomber près du lavabo. Elle actionna le robinet, pour enfin faire taire la brûlure de sa gorge, mais l'eau ne coula pas. Avec un grognement de frustration, Eva tourna sur elle même, à court d'idée. Elle survola la pièce du regard, sa vision s'étant peu à peu habituée à la pénombre. Elle s'arrêta devant la porte de l'appartement, une idée folle lui traversant l'esprit.

La jeune fille s'avança donc, puis s'accroupit pour poser sa main à la jonction entre le bas de la porte et le sol. Un soulagement l'envahit immédiatement, lorsqu'elle sentit l'air frai frôler ses doit. À l'exterieur, il semblait circuler sans problème.

Eva se releva, fixant en silence le bouton pour activer l'ouverture de la porte. Si elle le pressait, une alarme retentirait immédiatement dans le bâtiment. Mais elle n'avais pas le choix. Les dents serrées, elle y posa la main, et sans réflechir davantage, elle appuya.

Aucun bruit ne se fît entendre. Ni l'alarme qui aurait dû retentir, ni le grincement caractéristique de l'ouverture de la porte, ne vient briser le silence oppressant où ne résonnait que les battements effrénés du cœur d'Eva.

— Merde, grogna-t-elle, avant de forcer l'ouverture de la porte, y appuyant de tout son poids.

Le pan du mur ne frémit qu'à peine. Sentant l'oxygène se raréfier dans la pièce, la jeune fille poussa de nouveau, cognant son épaule contre le métal brûlant. Elle sentit une douleur aigüe se propager dans tout son bras, mais la porte céda finalement. Avec un crissement aiguë, elle parvint à la faire coulisser jusqu'à avoir assez d'espace pour pouvoir s'y glisser. Ignorant la souffrance de son épaule, Eva quitta l'appartement en courant. L'air frai lui clarifiait enfin l'esprit, mais elle avait besoin de bouger. La Ville était plongée dans la pénombre, mais elle avait emprunté suffisamment de fois le couloir cylindrique pour atteindre les escaliers sans encombre. Elle les dévala sans réfléchir, jusqu'au dixième ou neuvième étage, avant de s'arrêter pour reprendre son souffle. La Ville était silencieuse. Elle ignorait ce qu'il s'était passé dans son appartement, mais apparemment, elle était la seule à avoir vécue ça.

Eva soupira profondément, avant de laisser son regard survoler l'étage qui l'entourait. Au même moment, tous les néons se rallumèrent un à un, dans un magnifique spectacle qui n'éblouit pas moins Eva. Elle fît un pas en arrière, la main devant yeux, sans comprendre ce qu'il était en train de se passer. Puis les voix résonnèrent.

Elles devaient appartenir à deux femmes, un étage plus bas. Eva ne pris pas le temps d'écouter ce qu'elle disait. Elle partit en courant.

Elle ignorait pourquoi l'air s'était soudainement coupé dans son appartement, mais elle savait qu'elle n'avait pas le droit d'être de nuit dans les couloirs. Si quelqu'un la surprenait, elle n'osait imaginer ce qu'elle risquait.

Elle remonta la dizaine d'étages qu'elle avait dévalé quelques minutes plus tôt, jusqu'au vingtième, où elle s'engouffra au pas de course dans le large couloir, jusqu'à la porte de son appartement, restée ouverte pour permettre à Ines de respirer.

Elle n'en était plus qu'à une centaine de mètres lorsque un bruissement se fît entendre derrière elle. Elle se figea, réalisant trop tard qu'il s'agissait de chuchotements. Elle n'eut que le temps de se plaquer contre la paroi métallique avant qu'un homme apparaisse devant elle, le visage tourné vers la Serre, les mains enfouies dans les poches de son pantalon, dans une posture sérieuse.

Eva tenta de se fondre davantage dans l'ombre. À présent que l'homme était à sa hauteur, elle commençait à distinguer certains mots de ce qu'il disait, mais ce ne fut que lorsqu'il haussa la voix pour se faire entendre d'un autre homme, resté en retrait, que la jeune fille comprit une première phrase.

— Nous aurions tous pu mourir, ce soir.






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Memoriae - Tome 1 : No man's landOù les histoires vivent. Découvrez maintenant