Memoriae - Tome 1 : No man's land

Chapitre 6

Le rêve dans lequel Eva flottait depuis plusieurs heures s'estompa peu à peu lorsque les voix de ses parents s'y immiscèrent. Elle cligna des yeux, avant de jeter un regard circonspect autours d'elle : elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle s'était endormi.

Avec un profond soupire, la jeune fille se redressa dans son lit, puis se dirigea à contre cœur vers la porte de sa chambre. L'horloge numérique indiquait 19:00, il était l'heure d'aider ses parents à préparer le dîner.

Pourtant, au moment où elle passa devant le miroir, accroché à son armoire, elle se stoppa net. Le reflet qu'il renvoyait l'empêcher de quitter la chambre sans au moins se passer un coup de brosse.

— Pourquoi faut-il que j'ai toujours une tête abominable au réveil, pesta-t-elle à voix haute, en se passant une main dans ses cheveux décoiffés.

Il existait sûrement sur Terre un animal auquel elle aurait pu se comparer à cet instant même, et elle l'imaginait gros, poilu, et particulièrement puant. Bref, une douche s'imposait de toute urgence.

Eva se dépêcha donc d'attraper des vêtements propres dans son armoire. Elle ne mit que quelques secondes avant de choisir un haut en coton bleu marine et un pantalon de toile noir. Les vêtements étaient créés par les ouvriers travaillant dans ce domaine, à base des plantes cultivées dans la Serre. Ainsi, les citoyens recevaient deux fois par an un ensemble de pantalons, de pull ou de hauts aux couleurs neutres, qu'ils avaient ensuite la possibilité de teindre ou d'ajuster selon leurs goûts.

La jeune fille cala sous son bras sa tenue, avant d'attraper de l'autre sa brosse, et quitter enfin sa chambre. Elle cligna des yeux, éblouie par la lumière du couloir, puis traversa le couloir jusqu'à arriver devant la porte de la salle de bain, qu'elle poussa en y appuyant l'épaule.

C'était une petite pièce aux murs métallique stériles et aux couleurs impersonnelles, le sol recouvert d'un carrelage blanc, mais la présence de miroir sur trois des quatre murs donnait à la pièce une atmosphère bien plus chaleureuse. La majorité de l'espace était occupé par une cabine de douche aux parois de verre. À son opposé, se trouvait un petit meuble encastré sous l'un des miroirs, où gisaient des flacons en verre de crèmes à moitié vide, des bloques de savon et de shampooing, ainsi que plusieurs serviettes marrons-beiges pliées.
Eva en attrapa une, laissant tomber ses habits qui se dispersèrent sur le sol, avant d'ôter rapidement ses habits couverts de sueur, après la longue journée qu'elle venait de passer ; entre le travail à la Serre et le sport, ses habits s'étaient imprégnés d'une odeur fétide.

Elle soupira lorsqu'elle pénétra finalement sous la douche, où elle s'empressa de presser le bouton pour actionner le mécanisme. Aussitôt, des jets de vapeur d'eau s'échappèrent de la paroi trouée de minuscules cavités, jusqu'à s'accumuler sur la peau frissonnante d'Eva. Elle s'empressa de frotter les particules d'eau à l'aide d'un gant rêche, avant de se savonner en vitesse : le temps était compté. L'eau clair était trop précieuse pour se permettre de la gâcher dans des douches brûlantes et interminables, aussi un système de minuterie était placé dans chaque salle de bain pour ne laisser jaillir la vapeur que le temps nécessaire minimum.

Eva finit de sa rincer à l'instant même où les cavités se tarirent. Frissonnante, le corps humide, elle resta pourtant un instant debout dans la douche, les yeux fermés, profitant du contact de la faïence froide son ses pieds nus, et la chaleur que renfermait les vitres transparentes.

Enfin, elle poussa la porte de la douche et s'enroula dans une serviette, rejetant en arrière ses boucles mouillée. La jeune fille s'essuya le visage, puis fit face à l'un des grands miroir, couvert d'une fine pellicule de buée. Avec un sourire, elle y traça son prénom du bout de l'index, avant de l'effacer d'un seul coup. Son visage apparut alors dans le reflet, et Eva grimaça en découvrant ses traits.