Memoriae - Tome 1 : No man's land

Chapitre 14

Le déroulement du plan était encore flou dans l'esprit d'Eva. Elle savait qu'elle aurait besoin de l'aide de ses amis pour le mettre complètement au point ; et pour ça, elle avait besoin de leur adhésion.

— On va quitter la Ville, le soir... L'idéal serait de nous enfuir après le couvre-feu, car les couloirs seront déserts, mais je ne sais pas comment on pourrait sortir de chez nous sans déclencher les alarmes. Si on part avant, on sera d'un côté plus discret, noyé dans la foule, mais d'un autre côté, il y aura plus de monde : donc plus de témoins potentiels.

— Tu oublies notre problèmes principal, lui fit remarquer Jayden en ignorant Chris qui essayait vainement de prendre la parole. Comment on sort de la Ville ? Parce qu'à moins que j'ai loupé un épisode, il n'y a pas de porte.

— Je sais bien, et j'avoue qu'à ce niveau là, je sèche complètement. On pourrait essayer de passer par les fenêtres, mais seuls les étages au dessus du cinquième en sont pourvus donnant sur l'extérieur. Il nous faudrait une corde immense, ce sera plutôt risqué, et de toute manière, elles sont scellées. Si on les casse, on peut dire immédiatement adieu à la discrétion.

— Et admettons qu'on arrive à sortir, fit remarquer Megan, on ne sait pas à quoi s'attendre. Tout ce qu'on sait de la forêt, c'est ce qu'on peut apercevoir depuis les fenêtre : pas grand chose.

Eva se tourna vers sa meilleure amie, un sourire éclairant son visage, détendant ses traits crispés.

— Alors tu es d'accord ? Tu viendrais ?

Megan secoua la tête, comme si elle refusait encore de croire ce dans quoi elle était en train de mettre les pieds.

— Est-ce que j'ai vraiment le choix ? Je sais que rien ne vous arrêtera, et au moment où vous vous enfuirez et que la Ville réalisera votre disparition, je préfère largement être loin dans la forêt plutôt qu'être accusé de trahison.

Le mot fit l'effet d'un coup de poignard glacé dans le cœur d'Eva. Elle avait déjà considérer cette idée comme étant illégale, mais pas comme étant un véritable acte de trahison — c'était pourtant bien ce qu'il était. Sans réfléchir, Eva tourna la tête, cherchant le regard de Chris. Un nouveau coup impitoyable vient lui déchirer le cœur. Elle connaissait Chris depuis toujours, elle ne pouvait imaginer partir sans lui.

Le garçon fuit obstinément son regard, réduisant ce qu'il restait du cœur d'Eva en lambeau.

Je ne peux pas, suffoqua-t-elle intérieurement. Pas sans lui.

Même si cela la soulageait, savoir que Megan viendrait ne parvenait pas à combler le vide que causerait l'absence de Chris. Elle avait besoin de tous ses amis, au complet.

Eva attrapa alors soudainement la main de son ami, l'obligeant à fondre son regard dans le sien. Elle tressaillit légèrement lorsque ses yeux verts s'écarquillèrent de surprise, avant de plonger dans ceux marrons d'Eva. Il l'interrogea silencieusement, mais elle se contenta de resserrer son emprise sur son poignet.

— Eva, bafouilla-t-il, qu'est-ce que...

— Viens.

Le regard de la jeune fille se fit d'abord dur, puis bientôt implorant. Elle refusait l'idée de le laisser derrière elle, elle avait horriblement besoin de lui, de sa présence, et le fait de l'admettre lui en coûtait.

— J'ai déjà dit ce que j'en pensais, Ev'... lâcha-t-il, désolé. Je sais que je ne pourrais pas vous retenir ; j'aimerai, pourtant. Mais je ne peux pas venir. C'est du suicide, et vous ne serez pas les seuls condamnés : c'est l'équilibre entier de la Ville que vous risquez de perturber.