Chapitre 8

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Eva se plaqua la main devant la bouche pour retenir le cris de surprise qui voulut s'échapper de ses lèvres. Elle tenta de réguler sa respiration et les battements affolés de son cœur, mais ses pensées fusaient dans son esprit, l'empêchant de se concentrer. Elle se força à reculer davantage contre la paroie métallique, mais un tintement raisonna dans l'édifice silencieux lorsque son dos entra en collision contre le métal froid.

Eva vit avec effroi l'homme en face d'elle se redresser soudainement, et braquer son regard dans sa direction. Ses yeux semblèrent fouiller l'obscurité, pendant ce qu'il parut durer des heures à la jeune fille, mais détourna finalement la tête.

— Il m'a semblé entendre quelqu'un, expliqua-t-il à l'autre homme, qui n'avait pas bougé.

— Mais personne n'est dehors, à cette heure, répliqua-t-il, d'une voix légèrement tremblante. N'est-ce pas ?

Eva remarqua alors qu'il se tordait les mains frénétiquement, et se balançait d'un pied sur l'autre nerveusement. Il semblait anxieux, ce qui l'inquièta profondément.

— Non, évidemment. Nous somme seuls.

Les deux hommes se turent, fixant la Serre, comme perdus dans leurs pensées. Eva hésita un instant à se laisser glisser le long du mur jusqu'à atteindre son appartement, profitant de leur déconcentration pour fuir sans être vue, mais ses jambes refusèrent de se mettre en mouvement. Elle tenta de faire taire la nouvelle vague de panique qui affluait dans son esprit, mais son corps restait paralysé par la peur. Elle inspira longuement, sans faire le moindre bruit, et parvint enfin à se décaler vers la gauche.

Plus qu'une centaine de mètres, se dit-elle pour s'encourager, ce qui eu pour effet de lui donner le sentiment inverse. Jamais elle ne pourrait parcourir cette distance sans que les deux hommes la repère, malgré la pénombre.

Eva ferma les yeux pour réfléchir, mais quand elle les rouvrit, sa seule option de fuite lui avait échappé. Le premier homme s'était arraché à la contemplation des champs de maïs, et s'était rapproché de son collègue. Son visage était désormais éclairé par un néon rouge encastré dans le mur, dévoilant ses cheveux coupés court poivre et sel, son nez droit et ses lèvres pincées, ainsi que son regard brun habituellement chaleureux, mais désormais remplis d'angoisse. Eva se crispa lorsqu'elle reconnut Stephen Hilang, président de la Ville 2. À présent, elle se souvenait du timbre de sa voix, qu'elle avait entendu lors de son discours aux élections, trois ans plus tôt, et lors de ses apparitions publiques. Il été passé dans sa classe, quelques mois auparavant, pour leur expliquer leur rôle dans la Ville, et se rendait régulièrement à la Serre. Elle ne comprenait pas comment elle n'avait pas pu le reconnaître immédiatement, malgré le fait qu'il n'ai presque rien dit. "Nous aurions tous pu mourir ce soir". C'était ses mots.

Eva tourna lentement la tête vers l'autre homme, qu'elle devina alors être Anders Winkel, l'un des cinq conseillers formant le gouvernement, tout juste élu. Elle ne pouvait que distinguer sa silhouette svelte plongée dans l'ombre, mais elle se souvenait de son visage jovial, aux yeux bleus et aux cheveux cendrés. Jamais elle ne l'avait vu si anxieux.

— Que devons-nous faire ? Demanda-t-il alors, sans se départir de sa voix tremblante.

Son intervention fit sursauter Eva, qui s'était habituée au silence pesant qui régnait dans le couloir.

— Que pouvons-nous faire, plutôt. Tout ne dépend pas de nous. Et à cela, pas grand chose, je le crains.

— Mais, Monsieur...

— Winkel, le coupa le Président. La situation de ce soir ne se représentera plus. Ce n'était qu'un court circuit, un problème mineur, qui n'a duré pas plus de trois minutes. De plus, seuls les étages à partir du quinzième semblent avoir été touché — et fort heureusement, sans quoi les médecins restés de nuit à l'hôpital s'en seraient immédiatement rendus compte. Mais le système d'aération fonctionne de nouveau ; nous n'avons donc plus à nous inquiéter.

Memoriae - Tome 1 : No man's landOù les histoires vivent. Découvrez maintenant