Chapitre 14

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Après ces vacances de Noël, le garçon avait repris une année scolaire normale. Faux rires, faux sourires, tout se jouait sur le paraître. Bien sûr il aimait toujours sa bande d'amis qui comptait plus que n'importe quoi à ses yeux. Mais ce n'était pas pareil.

La seule différence visible chez le garçon c'était ses yeux. Vides, vides de cette lueur que l'on pouvait voir éclater dans le regard de beaucoup, cette lueur appelée "joie". Même les dépressifs pouvaient la ressentir par moments, lui, il n'y avait jamais le droit, il n'arrivait plus à la ressentir même en se forçant de tout son être. Après avoir lu quelque part que le rire soignait tous les mots et apportait la joie il se forçait à rire lorsqu'il était dans sa chambre. Mais lorsqu'il se rendait compte qu'à part une profonde amertume il ne ressentait rien, son rire forcé se changeait en larmes, larmes qui coulaient d'elles-mêmes.

Pas des larmes de tristesse, des larmes de nerfs, comme quelqu'un en proie à une immense colère. Pourquoi il ne pouvait pas être comme tout le monde ? Pourquoi n'avait-il pas le droit d'avoir un père et une mère aimants et non pas une famille recomposée avec un connard sadique en guise de beau-père ? Pourquoi devait-il aller voir des psychologues depuis petit ? Pourquoi il avait été élevé dans la violence ? Pourquoi il n'avait pas le droit de se plaindre de petits problèmes mineurs comme le fait d'être privé de dessert ou que ses parents se prenaient la tête de temps à autre, ou encore le fait qu'il se sentirait rejeté de sa famille alors qu'au final il se rejetterait tout seul ? N'avait-il pas le droit de connaître ce genre de petits malheurs ? Pourquoi il aimait être seul mais ne supportait pas cette même solitude dans laquelle il se plongeait ? Pourquoi n'avait-il pas le droit au bonheur ?

Regardant les murs vides de sa chambre, puis les jouets qu'il avait cassés un peu partout, il saisit alors la poignée blanche de sa fenêtre et l'ouvrit. Il s'accouda au rebord de la fenêtre, et regarda les étoiles. Concentré sur le ciel, il avait l'impression que même son destin l'abandonnait et riait de son malheur.

– Pourquoi tu m'as laissé toi aussi ? Hein ? ! Pourquoi ? ! T'es pas un bienfaiteur Dieu. Ma mère est une menteuse t'es jamais là pour personne, et toutes les bonnes choses arrivent par hasard... T'es qu'un connard qui regarde notre monde et se délecte de la souffrance de ses créations. Tu sais quoi... ? JE T'EMMERDE ! TOI ET TOUS TES PRINCIPES ! TU VEUX ME DICTER COMMENT VIVRE ALORS QUE T'AS JAMAIS ÉTÉ LÀ POUR MOI ! TU FAIS QUE ME POURRIR LA VIE ! Tu m'as abandonné... Enflure. Mais tu sais quoi ? J'vais te montrer, que même le destin ne me fait pas plier. Je vais te montrer à quel point tu t'es fait un ennemi dangereux en me pourrissant la vie. T'as intérêt à avoir kiffé me voir en baver. T'as intérêt à me garder en vie le plus longtemps possible. Parce que quand je vais crever, je te jure sur toute la haine que j'éprouve envers toi et ton petit monde... Je te jure que je t'écraserai. Je prendrai ta place et je bâtirai un monde idéal !

Une fois après avoir maudit chaque cellule de son corps, insulté et défié celui qu'il croyait être Dieu, l'adolescent referma sa fenêtre avant de s'asseoir en tailleur. Afin de ne pas craquer, le garçon médita. Longtemps, très longtemps. Et ainsi le temps passait rapidement.

Cours, bagarre, cantine, bagarre, cours, bus, aller dormir sans manger pour éviter son beau-père, tel était le quotidien du garçon, et ce pendant un bon moment de son année scolaire. Il ne faisait plus de sorties nocturnes, il ne faisait plus de bêtises pouvant lui attirer de gros ennuis. Il évitait même de sécher. Un tel changement de comportement n'avait inquiété personne. Mais plus il attendait, plus il devait se contenir, plus il se contenait, moins il était lucide et plus il était sujet à de violentes crises. Lors de ses psychoses, pensant que le masque l'aidait à se contenir il le mettait. Mais lorsqu'il le mettait ses crises devenaient de plus en plus violentes et autodestructrices.

Ne mangeant que rarement ou seulement des cochonneries, le garçon avait soudainement maigri, pas énormément mais assez pour avoir des vergetures. Et lorsqu'il devait se faire saigner il commençait par s'attaquer aux vergetures pour que cela se voie moins. Plus il devait contrôler ses crises, plus il mettait son masque, moins il se souvenait de qui il était vraiment, et le cercle vicieux allait continuer comme cela un moment.

Et enfin, vint le jour J, le jour tant attendu. L'anniversaire de l'adolescent, qui fêtait enfin ses treize ans. Un jour assez monotone. Différentes enveloppes contenant de l'argent en chèque en guise de cadeaux, deux ou trois cadeaux matériels qu'il était sûr de se faire prendre par son beau-père au moindre faux pas ou à la moindre accroche. Et le gâteau avec ses treize bougies. Entouré par sa mère, sa sœur, sa grand-mère et l'être qu'il détestait le plus. Il avait soufflé ses bougies, faisant le vœu que rarement de gens font lorsqu'ils soufflent les bougies.

"Je veux être heureux. Et ressentir à nouveau de la joie de vivre."

Il alla se coucher après avoir regardé un épisode des Simpson à la télévision. Le garçon repensa à son groupe d'amis, les remerciant intérieurement pour l'avoir accepté malgré ses différences. Il se disait qu'il avait de la chance de les avoir eus dans sa vie, et que la moindre des choses était qu'il aille les voir une dernière fois, et leur dire au revoir. Et c'est avec ces sombres pensées que le garçon s'endormit.

Le lendemain, le garçon commençait sa journée à dix heures trente, mais ne pouvant pas être accompagné il devait tout de même se lever à six heures du matin et prendre le bus à sept heures trente. En revanche, hors de question de passer une seule minute en études pour son dernier jour, alors une fois arrivé devant son établissement, le garçon décida de faire un tour en ville en attendant.

Il n'avait absolument pas idée de ce qui l'attendait lorsqu'il s'était engagé dans cette ruelle qu'il avait l'habitude d'emprunter lorsqu'il patientait en ville.

"Il a tourné dans la ruelle. Ouais il arrive vers toi, bouge-toi."

The Masked of shadow (Creepypasta)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant