INTRODUCTION : Tomoe

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(NDA : à prononcer "Tomoé"  !)

Japon, non loin de Kyoto, à la même époque.

Tomoe courait dans la cour du palais fortifié. Elle portait une simple tunique de nuit, qui se soulevait au rythme de ses pas. Un sourire mutin releva les lèvres de la fillette alors qu'elle entendait le souffle de sa nourrice s'essouffler au fur et à mesure que leur course s'éternisait :

— Tomoe-sama ! Revenez tout de suite vous habiller !

Naoya était d'une endurance peu commune pour une femme d'une soixantaine d'années... D'autant plus que ses mouvements étaient légèrement entravés par le kimono tiré aux quatre épingles qu'elle ne quittait jamais pour s'occuper de sa jeune protégée.

Cela faisait de longues minutes que Tomoe fuyait sa nourrice, et en particulier le furisode qu'elle tenait entre les mains. Tomoe avait horreur de ces kimonos de cérémonie, trop serrés pour qu'elle ne puisse faire la moindre acrobatie. Elle leur préférait mille fois les tuniques simples et amples portées par ses compagnons de jeux, enfants des vassaux de son père. Malheureusement, ce n'était pas une tenue convenable pour les héritières de bonne famille.


Tomoe arriva finalement devant la limite de la cour fortifiée, marquée par le lieu où on élevait les bêtes. Elle grimpa agilement sur la barrière délimitant l'enclos des porcs. Plus que quelques mètres en équilibre, et elle pourra basculer hors de la cour, dans la zone allouée aux domestiques. Là-bas, épaulée par ses copains habitant sur place, elle pourra disparaître pour plusieurs heures.

Trop excitée à l'idée de passer de l'autre côté, Tomoe glissa sur la barrière. Avant que sa nourrice ne puisse refermer la main sur le col de sa chemise de nuit, la fillette bascula, et s'écrasa dans la boue malodorante tapissant le fond de l'enclos.

— Mais ce n'est pas possible !, se lamenta Naoya. Vous êtes bien la fille de votre guerrier de père, impossible de vous faire tenir en place.


La vieille dame sortit la gamine de l'enclos en la tirant par l'oreille, redoublant de précautions pour ne pas salir le précieux kimono qu'elle portait à la main.

— Que va dire votre mère lorsqu'elle verra que vous serez en retard au Miyamairi de votre propre petit frère ? 

— Elle ne s'en rendra même pas compte, ronchonna la fillette. Déjà que c'était à peine si elle me regardait avant, elle n'a d'yeux que pour Masato depuis sa naissance.

Naoya soupira tout en continuant à trainer l'enfant vers les bains.

— Ne soyez pas triste, Tomoe-sama. Votre mère a beaucoup d'affection pour vous, mais en tant que premier-né mâle de votre famille...

— Masato est le chouchou, l'héritier. J'ai compris, Naoya-chan.

Arrivée aux bains, la nourrice retira précautionneusement la chemise de nuit, avant de plonger l'enfant dans une bassine d'eau glacée. Restant sourde à ses grognements, elle commença à lui frotter énergiquement la peau pour faire disparaître toute trace de boue.



Naoya réalisa un miracle, et Tomoe fut en tenue de cérémonie à peine une vingtaine de minutes plus tard. La nourrice saisit la main de l'enfant, et la traina avec le même empressement dehors.

— Dépêchons-nous de rejoindre le temple. Nous avons que quelques minutes de retard.

Alors que les deux femmes se dirigeaient vers le temple de la ville, situé juste à côté du palais, Tomoe vit avec ravissement que son père, encore en tenue d'archer, était lui aussi en retard à la cérémonie.

YasukeWhere stories live. Discover now