CHAPITRE 3 : Tomoe

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Kyoto, Palais shogunal, un mois plus tard

Tomoe inspira, puis expira profondément. Elle serra entre ses mains rougies par l'entraînement les rennes de Seifu, sa fidèle jument.


Puis elle s'élança au galop le long de la piste de course.

Alors que la première cible approchait à une vitesse affolante, le samouraï banda son arc, et tira la première de ses trois flèches. En plein dans le mille.

Sans prendre le temps de savourer sa performance, Tomoe brandit de nouveau son arc, et atteint une seconde cible en son centre. Puis elle termina son carquois, avec un troisième tir parfait.


Sans dissimuler son rictus satisfait, la jeune femme fit ralentir progressivement sa jument, jusqu'à ce qu'elle s'immobilise en bout de piste, devant la poignée d'hommes qui l'observaient.

Tous abordaient la même mine renfrognée devant sa performance, excepté le plus habillé d'entre eux, qui lui sourit avec chaleur.

— Belle performance, Masato. Ton sans-faute nous portera peut-être chance, et nous garantira un mois sans défaite militaire.

— Merci, Ishokage-sama.

Derrière le seigneur militaire, ses lieutenants étaient manifestement beaucoup moins enthousiastes à l'égard de la prodigieuse habilité de Tomoe au tir à l'arc. Pour pouvoir accéder officiellement au rang de samouraï, Tomoe avait dû prendre une identité masculine, à savoir celle de son jeune frère décédé. Cependant, la vérité quant à son sexe de naissance était un secret de polichinelle, et nombreux étaient ceux parmi eux qui étaient opposés à laisser une femme pratiquer l'art rituel du yabusame.

La jeune femme ne doutait pas un seul instant que si elle n'avait pas été la protégée du shogun, jamais elle n'aurait eu le droit de fouler cette piste.

— Vous autres, prenez donc exemple sur la maîtrise de l'arc de Masato-san. Un samouraï se doit de maîtriser à la perfection toutes les armes.


Voir ces faces déconfites était presque plus réjouissant que les félicitations de son père adoptif, qui l'invita à descendre de selle pour le rejoindre. Elle s'exécuta, laissant un écuyer ramener sa monture aux écuries.

Le seigneur et Tomoe s'éloignèrent dans les jardins intérieurs du palais shogunal, tandis que les guerriers, en réponse de la remarque acerbe de leur souverain, se précipitèrent en direction du champ de tir. Alors qu'ils marchaient parmi les cerisiers en fleur, le shogun soupira, avant de prendre la parole.

— Tomoe.

La jeune femme haussa un sourcil en entendant son prénom de naissance. Le fait que le shogun l'emploie pour attirer son attention lui fit comprendre qu'il s'apprêtait à aborder un sujet délicat :

— Ton père était l'un de mes meilleurs seconds. C'est d'ailleurs par égard pour lui que je t'ai recueillie et adoptée il y a 12 ans de cela. Et c'est pour cette même raison que je me dois de te demander si tu ne veux pas reprendre officiellement ton identité, et épouser un homme.

— Personne ne voudrait d'une épouse sans terres et sans fortune familiale, remarqua Tomoe d'une voix tranquille. Et encore moins d'une femme combattante.

— C'est peut-être vrai, mais je pourrais personnellement te fournir une dot nécessaire. Un grand nombre de mes guerriers de basse extraction seraient prêts à passer outre ton... profil particulier en échange de ma bénédiction.

YasukeWhere stories live. Discover now