Yasuke

8 : TOMOE

Tomoe patientait devant la salle où Pedro avait été pris en charge. Fidèle à sa fonction de guide, et un peu plus inquiète qu'elle ne voudrait bien l'avouer quant à l'état de l'invité d'honneur ; elle avait rapidement quitté les côtés du shogun.

Celui-ci avait de toute façon à peine pris le temps de changer ses vêtements couverts de sang qu'il avait convoqué l'ensemble de ses seconds, ainsi qu'une bonne partie de ceux qui étaient chargés de surveiller les allées et venues dans le domaine, pour une réunion d'urgence.

La rumeur quant à la présence d'un shinobi sur le domaine s'était de toute façon répandue comme une traînée de poudre. Tomoe ne doutait pas un seul instant que celui qui avait commis l'erreur d'inattention ayant conduit à la tentative d'assassinat réaliserait un seppuku avant la tombée de la nuit, pour laver son honneur et racheter sa faute.

La porte coulissante finit par s'ouvrir sur le médecin du domaine, qui s'inclina avec respect face au samouraï.

— Sa blessure n'est pas profonde. Il sera sur pieds d'ici quelques jours.

Après l'avoir remercié, Tomoe pénétra dans la salle de repos. Pedro semblait effectivement en bon état, et s'était assis sur son futon. Un bandage couvrait son épaule gauche, témoin de l'attaque qu'il avait détournée. Il releva un regard inquiet vers le samouraï en le regardant entrer.

— Masato-san. Le shogun va-t-il bien ?

— Il est sain et sauf.

Tomoe s'agenouilla au sol, et s'inclina jusqu'à toucher les tatamis avec son front.

— Si tu n'avais pas été là, c'est lui qui aurait reçu cette lame. Tu as permis de sauver le shogun, malgré ma piètre réactivité. Merci infiniment.

— ... Relève-toi, Masato-san.

Tomoe releva lentement la tête. Pedro la fixait d'un air à la fois choqué et stupéfait.

— Ce que j'ai fait est parfaitement normal. Ishokage-sama m'a accueilli en m'offrant d'incroyables honneurs. Je n'ai fait que racheter ma dette.

— En parlant de dettes, Pedro...

Tomoe garda le silence un court instant, cherchant les bons mots à mettre sur la situation.

— Le shogun te doit la vie. Il t'est en conséquent redevable, et m'a dit être prêt à faire preuve de gratitude à ton égard.

— Tu veux dire que je peux lui demander une faveur ?

L'esclave semblait perturbé par la brusque annonce de Tomoe. Il réfléchit un long instant, avant de secouer la tête en serrant les poings.

— Je ne vois pas ce que... quelqu'un comme moi peut faire valoir à un homme aussi puissant. Mon maître doit me récupérer d'ici deux jours. Peut-être même viendra-t-il dès demain en apprenant la nouvelle de l'attaque.

— Alors pourquoi ne pas lui demander de te rendre ta liberté ?

Pedro se figea face à la proposition de Tomoe, visiblement troublé. Au bout de quelques secondes de silence, il reprit la parole du bout des lèvres.

— Et pour devenir quoi ? Plus personne ne m'attend sur mes terres d'origine... Et on ne m'accueillera pas à bras ouverts au Portugal.

— Alors restes parmi nous, répondit Tomoe du tac au tac. Le shogun t'apprécie beaucoup. Je suis certaine qu'il acceptera de t'intégrer à son armée.