Yasuke

7 : TOMOE

UNE VINGTAINE DE JOURS PLUS TARD

Tomoe fit son entrée dans le dojo d'entraînement, suivie comme à son habitude par Pedro.

Alors que l'invité du shogun se rangeait en observateur sur le côté, plusieurs des combattants qui s'entrainaient déjà au kenjutsu jetèrent un regard peu amène à Tomoe lorsqu'elle enfila son armure d'entrainement au-dessus de son yukata. Sans y prêter attention, elle attrapa un katana de bois, et fit face à l'une des mauvaises langues en lui présentant sa lame.

Celui-dégaina son arme à son tour sans dissimuler son manque d'enthousiasme : il ne dissimulait pas sa répugnance à combattre contre le samouraï féminin, mais il serait pour lui encore plus déshonorant de fuir une demande si directe d'affrontement.

Après les salutations rituelles, les deux adversaires se mirent en position de combat. L'adversaire de Tomoe attaqua en premier, visiblement certain de sa victoire. Il s'agissait sûrement d'un jeune fraîchement adoubé, encore trop orgueilleux et certain de ses capacités.

Il avait beau être physiquement plus massif qu'elle, il était aussi plus lourd.

Utilisant sa rapidité et son agilité, Tomoe détourna le coup de son adversaire avec sa propre lame. Elle profita de la perte d'équilibre de son adversaire pour le frapper dans l'omoplate.

Malgré la protection offerte par l'armure, son adversaire grimaça légèrement. Vu la force avec laquelle elle l'avait frappé, il en tirera certainement un beau bleu. Le jeune homme serra les dents avant d'attaquer une nouvelle fois, moins frontalement. Tomoe esquiva l'attaque de justesse, puis bloqua une nouvelle fois le sabre de son adversaire avec sa lame.

Utilisant l'ouverture ainsi créée, elle répliqua immédiatement, arrêtant sa lame à peine à quelques centimètres du cou du jeune samouraï.

Celui-ci laissa tomber son arme de bois au sol, reconnaissant sa défaite. Le silence dans lequel était plongé le dojo fut alors éclaté par de discrets applaudissements.

Tomoe ne put réprimer son sourire en voyant Pedro arrêter son mouvement face aux regards scandalisés des autres spectateurs. Après une bonne heure d'entraînement, elle lui fit finalement signe de le suivre dehors.

L'invité et sa guide sortirent de la cour d'entraînement, pénétrant dans le jardin du palais pour rejoindre les appartements du shogun.

— Je n'aurais pas dû t'applaudir, n'est-ce-pas ?

— En effet, répondit Tomoe en soupirant. Nos dojos sont des salles d'entraînement, pas de spectacle. Mais cela ne change rien au fait que j'apprécie ton attention.

Pedro lui offrit un sourire amusé, faisant ressortir une rangée de dents blanches au milieu de sa peau sombre. Son japonais c'était beaucoup amélioré depuis qu'il séjournait chez le shogun, et il ne chercha pas ses mots avant de répondre d'un ton enjoué.

— C'était un beau combat. Je suis content d'avoir pu t'observer en pleine action, Masato.

Après avoir passé plusieurs jours en compagnie du shogun, Pedro avait en effet poliment fait valoir sa curiosité vis-à-vis des us et coutumes de la vie des samouraïs. Le seigneur de guerre avait alors invité Tomoe à reprendre sa routine quotidienne sous le regard de l'invité d'honneur.

Tomoe s'était largement habituée à la présence presque perpétuelle de l'homme noir à ses côtés. En fait, force était de constater qu'elle avait même commencé à apprécier sa spontanéïté et sa curiosité insatiable.