#2 Fondations

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"Vous êtes vraiment sûr, Mon père?
-Parfaitement sûr, Caporal deuxième classe Tracy. Je suis certain qu'il s'agit d'un Sorcier, et que vous devriez...
-Le brûler?
-Non, je vous connais, ce n'est pas votre genre. Le... remettre sur le droit chemin, peut-être? Toutes ces herbes... ne voyez-vous pas la déchéance propre à votre génération?
-J'ai vu les images de Woodstock, mon père, et j'étais horrifiée."

Derrière le voile du confessionnal, le démon rigola doucement pour lui-même. Il avait bien fait d'investir dans des semelles compensées. S'il jouait finement, il allait faire d'une pierre, deux coups.

"Ce sont des jeunes femmes comme vous, droites, pieuses et en bonne santé, qui sauverez notre peuple du jugement dernier, soyez-en assurée.
-Mais comment puis-je procéder, mon père? Je ne connais pas vraiment les hommes, encore moins ceux de son espèce."

Azazel n'était pas prêt pour la discussion à propos d'abeilles et de fleurs, donc il fut aussi direct que possible.

"Il vends ses charmes au coin de St. Archibald Street. Prenez de quoi dans la caisse dans l'armée de l'Inquisition, j'épongerais la dette, pas d'inquiétude. Invitez-le à dîner, ne vous laissez pas corrompre, soyez bonne et miséricordieuse. C'est votre première grande mission, mon enfant."

Il écouta la jeune femme marmonner des paroles divines pour se donner du courage. Ça le démangeait. Il avait hâte de rentrer à la librairie et de prendre une bonne douche. Ou un petit remontant. Ou les deux, mais sans excès pour l'alcool. Après tout, ce soir, Raphaël l'invitait au Ritz.

🌍🐍🦉

L'ange nouait et dénouait ses cheveux longs, hésitant sur la coiffure qu'il allait porter ce soir lors du dîner. Il observa son reflet dans le miroir, et soupira.

Il ne fallait pas se faire d'illusion, il n'y aurait jamais aucun changement. Il pouvait se pointer au Ritz habillé en canari, Az le regarderait toujours avec un profond désintérêt.

Se décidant sur une tresse fine qui retenait ses cheveux en arrière, il termina de s'habiller.

Il avait... oh, une bonne heure et demie d'avance. Il en profita pour finaliser le rapport trimestriel d'Hastur, qui s'était aventuré sur terre, une fois n'est pas coutume, et était remonté en pleurant dans les bras de Ligur car on l'avait pris pour un fantôme et qu'il avait fait peur à un groupe d'enfants.

Raphaël précisa dans le formulaire qu'il avait juste oublié d'emporter son corps physique avec lui, et que cette petite erreur ne devait pas venir entacher ses millénaires de célestes et loyaux services. Il cacheta l'enveloppe et souffla dessus.

Quelque part là-haut, du courrier apparut pile sur un exemplaire usé de Jojo Lapin. Dagon soupira. Elle avait espéré que sa journée serait finie, elle avait à peine achevé son rapport à propos de Bee, et elle pensait réfléchir calmement durant la soirée à un nouveau prénom un peu plus moderne.

Au même instant, un autre rapport apparut sur son bureau, mais déposé en main propre, cette fois.

"Le rapport de Raphaël. S'il te plait, prends ta soirée, va lire ton bouquin et détends-toi. Les dossiers seront encore là, demain.
-D'accord, Bee.
-Parfois, tu es plus rigide qu'un démon. Sois cool, fais comme Raph'... tu liras demain, mais il a passé quelque jours sur l'île de Wight cet été, son récit est intéressant."

Esquissant un petit sourire contrit, elle reposa son courrier et emporta ses affaires.

🌍🐍🦉

La cartouche 8-pistes tournait en boucle sur l'autoradio de la Bentley depuis 15 jours. C'était un best-of qu'il s'était offert juste après avoir assisté au festival de l'île de Wight, avec les plus grands tubes de folk-rock-psyché-tout ce que tu veux de l'époque. En roulant posément jusqu'au Ritz, il lui pris une envie fort peu angélique d'envoyer la cassette par la fenêtre, juste après avoir écouté Mrs. Robinson de Bob Dylan, In the Year 2525 de Bob Dylan et Sugar Sugar de... Bob Dylan?

Only YesterdayWhere stories live. Discover now