#9 Os

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Par réflexe, Uriel déploya ses ailes, plus grandes que la moyenne. Elles étaient noires, mais pas entièrement: leurs racines étaient restées blanches. Protégeant Gabriel et elle-même sous ses plumes, elle ne fit pas attention et bouscula un touriste belge armé d'une caméra qui filmait l'entièreté de la scène.

Si la caméra 16 millimètre avait été sonore, on aurait pu l'entendre jurer un énorme "Rondidju de rondidju!" après le développement du film. (Une cinquantaine d'années plus tard, lorsque le film de vacances de se retrouvera entre les mains d'un complotiste en kilt, l'absence de son sera vraiment le cadet de ses soucis face aux hommes en noirs qui firent tout pour récupérer la précieuse preuve ultime.)

"Uriel! Ha! Attention! Des anges!
-Des démons!"

Dagon croisa son regard, et elles claquèrent des doigts en même temps, figeant le temps. (sur la bobine à cet endroit, il y a une seule image sur les vingt-quatre images par seconde qui est entièrement blanche, comme si elle avait été sur-exposée.)

"Bon, on se calme, stop. Uriel, vous faites quoi ici?
-Bee m'a prévenu que le Duc et l'Archange étaient en partance pour les USA...
-C'est à Uriel que je parle!
-C'est pas parce que je t'ai prévenu qu'il fallait se pointer à l'aéroport! J'avais la situation en main, cervelle d'oiseau!"

Les deux amies regardèrent alternativement Gabriel et Bee. Ils étaient en contact. Ils se prévenaient les uns les autres. Et si...

"... Vous êtes... Amis?
-JAMAIS DE LA VIE!
-CERTAINEMENT JAMAIS!
-Ils sont amis, ça crève les yeux. Viens Dagon, laissons-les discuter...
-J'ai du verre dans les plumes, tu veux bien m'aider?"

Avec un grand sourire et sous le regard dépité des deux autres, elles entamèrent de s'enlever les petits bouts de verres qui s'étaient coincés dans leurs plumes.

🌍🦉🐍

"Az', atterrit, s'il te plait. J'ai mal. J'ai des bouts de verre dans les cheveux. Je crois qu'ils ont même traversé le plan de l'existence et que j'en ai jusque dans les ailes... Et toi? Montre-moi ta tête..."

Azazel pencha doucement sa tête vers l'ange. Cela avait été une dure journée. Ils jetèrent les quelques morceaux emmêlés dans ses boucles et ce fut le tour de Raphaël. Il y en avait beaucoup plus.

"Bon, les ailes, maintenant."

Raphaël n'était pas vraiment sûr qu'il y en avait dans ses ailes. Mais il avait envie de sentir les mains du démon s'y promener, et il avait une bonne excuse pour ça. Il le laissa faire (il y en avait, mais très peu, et il du se retenir de gémir lorsqu'une brosse fut impliqué dans le processus) puis se retourna pour réclamer les ailes d'Azazel.

"Non, je ne sens rien.
-Ne fait pas l'idiot, tu pourrais être blessé s'il reste des morceaux.
-Pas la peine, vraiment.
-Azazel! Montre-moi tes ailes tout de suite!"

Mais il s'éloignait déjà. Se jetant sur lui, Raphaël pressa juste en dessous des omoplates pour forcer ses ailes à sortir. Juste avant, il retint son souffle, se rendant compte qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir les ailes du démon.

La vision lui coupa le souffle. Tenant fermement Azazel dans ses bras, le menton posé sur son épaule, il regarda les os se déployer. Les os... car c'est tout ce qu'il restait de ses ailes: un squelette décharné. Seuls quelques tendons les maintenaient ensemble.

Lentement, Raphaël s'éloigna. Le visage du démon s'était entièrement refermé, et aucune émotion n'était lisible dans ses yeux glacés.

"... Tu vois, il n'y aucun endroit ou un morceau de verre aurait pu... Aouch!"

Only YesterdayWhere stories live. Discover now