III- 3.1. Célie

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La dernière. Le chiffon glissa sur la surface lisse de la table, la carte fut redressée, placée derrière le petit encart. Un coup d'œil à la salle. Elle s'autorisa un sourire satisfait. Tout était en ordre. Ses doigts dénouèrent les ficelles de son tablier bleu nuit. Elle le replia et le posa sur le siège avant de s'asseoir. Ses pieds la faisaient souffrir. Elle étendit ses jambes devant elle en soupirant. Être debout toute la journée avec des nouvelles chaussures aux pieds n'étaient pas la meilleure idée du siècle. Elles avaient beau être jolies, elles venaient de lui faire vivre un enfer. Pourquoi n'avait-elle pas attendu le week-end pour les faire ? Parce que tu voulais parader avec devant une certaine personne, lui répondit sa conscience. Elle la fit taire aussitôt. Pour ce que cela avait servi ! Il lui avait à peine jeter un coup d'œil.

— Tu fais pitié ma fille, se dit-elle tout haut.

Sa main se saisit du tablier avant de se lever. Il était temps de rentrer chez soi. Un bon bain avec un verre de vin. Un programme idéal. Revigorée par cette idée, elle rangea les dernières choses derrière le comptoir, suspendit son tablier et alla dans le vestiaire chercher son sac.

Elle retint un cri de frayeur quand une silhouette pénétra dans la pièce. Deux yeux d'un gris intense. Elle relâcha son souffle aussitôt.

—Tu m'as fichu une de ces trouilles, haleta-t-elle en se passant une main fébrile dans les cheveux.

— Tu n'es qu'une inconsciente. La dernière fois ne t'a pas servi de leçon ? Je ne serais pas toujours là pour te sauver les fesses.

Elle le regarda avec de grands yeux ronds, interloquée par sa tirade. Qu'est-ce qu'il lui prenait à la fin ? Il ne la calculait pas de la journée et là, il se pointait ici pour lui faire la leçon.

— ça te prend souvent d'agresser les gens sans raison ? lui rétorqua-t-elle.

Elle n'allait pas se laisser démonter par ce con arrogant. S'il s'était levé du pied gauche ce n'était pas son problème. Lui tournant le dos, elle saisit ses affaires et le contourna pour sortir. Une main lui attrapa le bras au passage, l'empêchant d'avancer. Elle se dégagea d'un mouvement sec. Il détailla son visage, la bouche légèrement crispée. Voilà, il était assez prêt pour voir ses cernes et son teint de déterré. Elle détourna le visage pour mettre fin au supplice. Elle gagna le comptoir, empocha son téléphone et sortit le trousseau de clés du bar. Elle se tourna ensuite pour l'interpeller. Son corps eut un mouvement de recul en le trouvant plus près qu'escompté.

— Bon, je vais fermer, balbutia-t-elle.

Il la surplombait, la regardant avec une intensité qui fit tressaillir sa poitrine.

— La journée a été dure ?

Elle cilla, s'attendant à tout sauf à cette question. Elle ouvrit la bouche avant de la refermer.

— Tu es fatiguée au point de ne plus savoir parler ? la taquina-t-il.

Voilà, d'un sourire il lui faisait perdre tous ses moyens. Satanés hormones, jura-t-elle intérieurement. Elle haussa les épaules, pas d'humeur à se prendre la tête avec ses piques, se contentant d'enfiler son manteau.

A la lisière de nos âmes [Terminée]Where stories live. Discover now