III- 18. Zachary

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Il entrouvrit un œil et le referma aussitôt face à la lumière crue du jour. Un léger mal de tête lui martelait les tempes. Il grogna tout en se redressant. Il grimaça en sentant des courbatures dans son dos. Quand il réussit à voir enfin, il détailla les lieux. Il se trouvait sur un canapé, son torse nu recouvert d'un plaid. Des murs nus lui faisaient face. Où diable se trouvait-il ? Une odeur de café flottait dans l'air.

— Réveillé l'ami ? s'enquit une voix.

Ah oui. Son cerveau se remit à fonctionner et lui rappela la soirée de la veille. Ils avaient bu, de la bière essentiellement, mais en grande quantité. Derek lui avait conseillé de rester dormir. Il se souvenait avoir protesté pour la forme mais à peine avait-il fermé les yeux qu'il avait sombré.

— Ouais. Laisse-moi quelques secondes pour émerger et j'arrive.

— Prend ton temps. Je te sers une tasse ?

— Volontiers.

Zachary rejeta la couverture et se passa une main sur le visage pour chasser les derniers vestiges de sommeil. Il attrapa son téléphone sur la table basse et en balaya l'écran. Aucun message. Il ravala sa déception. Qu'espérait-il ? Un message d'excuse de sa part ? Il se leva et fourra l'appareil dans sa poche.

Les mots de Derek résonnaient encore. « Peut-être voulait-elle t'épargner. »

Il n'avait pas mérité ces paroles blessantes, même si elle était à bout. Il ne les avait toujours pas digérées. Il but son café en silence, remercia son ami pour son hospitalité avant de retourner chez lui. Un après-midi à sillonner la ville pour les clients s'avérait prometteur pour éviter de se torturer l'esprit. Il déchanta rapidement. Lors de la première course, il eut droit à un mec qui le bassina avec sa rupture, les deux suivantes, les passagers ne cessèrent de s'embrasser, lui laissant un goût amer. L'univers se liguait contre lui.

Au moment de prendre son service au bar, il était tellement sur les nerfs que la tentation d'appeler Rey pour le prévenir d'un empêchement fut forte. Justement, il venait de recevoir un message de sa part. En lisant le contenu, il retint un juron. Putain de karma. Ce soir, Rey leur confiait la bonne marche de l'établissement. Il ne pouvait même pas lui en vouloir : son ami se rendait au chevet de sa belle-mère. Il lui répondit qu'il gérait. Une migraine pointait. Cette journée était loin d'être terminée. Il appréhendait de revoir la jeune femme. Une part de lui s'en réjouissait pourtant. Son côté maso assurément.


Cette distance entre eux le rendait fou. Il lui en voulait. Il s'en voulait aussi. Il ne cessait de se repasser cette soirée, cette dispute. De simples mots pouvaient faire si mal. Il se frotta le thorax, glissa un coup d'œil vers la silhouette menue derrière le comptoir. Bientôt elle rentrerait chez elle. Il ne l'accompagnerait pas cette fois. Même s'il en mourrait d'envie. Elle avait été claire. La colère gronda de nouveau à ce souvenir. Il n'était pas comme elle l'accusait. Jamais il n'avait eu un geste ou une parole lui manquant de respect, jamais il n'avait agi comme un connard ne voulant qu'une aventure. Il crispa les poings, s'acharna sur le chiffon. Un piètre exutoire. Il passerait à la salle pour se défouler au retour. Après l'avoir suivi de loin. Il ne pouvait se résoudre à la laisser regagner seule son domicile. Il gardait, gravé au fer rouge, le souvenir de l'agression dont elle avait été victime. Même si elle le détestait, il tenait encore à elle. Pauvre imbécile. La princesse avait rembarré le prince... A moins qu'il ne se soit octroyé le mauvais rôle. En effet, qu'avait-il du prince ? Une âme torturée comme la sienne, entravée par des démons qu'il n'arrivait pas à chasser.

Que ferais-tu Sandro ? Si seulement son ami lui soufflait des conseils. Il lui dirait de se battre pour ce qui comptait vraiment. Il voulait bien, mais elle ?

Le son du carillon résonna. Il se tourna et sourit. Ah oui, Derek lui avait dit qu'il passerait ce soir. Il envoya le chiffon dans le bac et s'apprêta à ranger le tout. Un coup d'œil pour voir où en était Célie. Son sang ne fit qu'un tour. Il lâcha les affaires et se rua vers elle. Le visage blême, elle donnait l'impression d'avoir vu un fantôme. Il eut juste le temps de la soutenir alors que ses jambes la lâchaient. Un instant, la peur qu'elle ne le repousse le fit frémir. Au contraire, elle posa sa main sur son bras, s'y accrocha. Soulagé, il suivit son regard pour voir ce qui la mettait dans un tel état.

Tiens, son ami venait de s'arrêter et bloquait sur... La jeune femme contre lui. Une brusque flambée de jalousie lui tordit les entrailles. Non, pas ça, pensa-t-il. Le destin aurait été bien cruel si son nouvel ami était un ex de celle qu'il... Il tressaillit. Qu'il... aimait. Le terme explosa dans son cerveau, inonda ses synapses. Il l'aimait ; Il était foutu. Pour le coup, il ne pouvait rendre les armes sans se battre. Alors qu'il en était encore à intégrer cette révélation, elle le lâcha. Il se sentit comme dépossédé. Elle allait vers lui, elle... Tout son corps se tendit, prêt à encaisser la suite. Maintenant qu'elle était libre... Il empoigna le bord du comptoir.

A la lisière de nos âmes [Terminée]Where stories live. Discover now