Aurore et les Mondes de la Nuit

Chapitre 2: Pagaille dans le Manoir

Aurore prenait tranquillement son petit déjeuner. Enfin... tranquillement, le mot était fort. Désiré était à côté d'elle, en train de réciter les leçons qu'elle devait écouter et retenir par coeur. Elle devait continuellement s'instruire. C'était comme ça. Et quand elle ne révisait pas, elle partait à la chasse aux Monstres. Elle avait passé le peu de temps qu'il lui restait à enquêter à la recherche du livre. Mais j'y pense... On l'a maintenant ce fichu bouquin ! Et si... pensa t-elle. Et si je pouvais avoir un peu de temps libre ? Du temps libre. L'idée était incongrue. Après tout, qu'est-ce qu'elle en ferait, de ce temps libre ? Elle ne le savait pas, elle n'en avait jamais eu pendant ses six années d'existence. Bon, elle exagérait un peu ; quand son frère était vivant, elle n'avait pas un emploi du temps aussi chargé. Elle devait cependant déjà à cette époque apprendre la théorie de la magie, même si la pratique lui était impossible. Cela ne changeait pas le problème, à savoir qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire pour se détendre ? Quel genre de choses faisaient les gens de son âge ? D'ailleurs... Est-ce qu'il faut que je compte mon âge physique ou mon âge réel ? se demanda t-elle soudainement. Elle avait déjà posé la question à Douglas, son cousin, et il lui avait répondu que selon lui son esprit vieillissait autant que son corps. Je vais bientôt avoir douze ans, est-ce qu'il faut encore que je garde ma poupée au lit ? se demanda t-elle tristement. Elle avait toujours dormi avec, et malgré le nombre de sorts lancés, elle n'avait pas la moindre envie de s'en séparer.

« Dame Aurore, pouvez-vous répéter ce que je viens de dire ?

La voix inquisitrice de Désiré l'avait tirée de ses pensées de manière brutale. Si le canard découvrait qu'elle s'était laissée rêvasser, il allait encore lui passer un savon !

- ... l'utilisation de catalyseur est essentielle afin d'utiliser la magie tout en réduisant ses effets néfastes. Le potentiel magique d'un individu est dès lors divisé par cent, mais ses conséquences en sont quasiment nullifiées, dit-elle immédiatement.

- Vous avez oublié environ trois mots et vous avez improvisé pour que ça ne se voit pas. J'en conclus donc que vous n'écoutiez pas et que vous avez juste récité ce dont vous vous souveniez des précédentes leçons.

- Arf... On peut rien te cacher ! Dit-elle avec un petit sourire que Désiré ne lui rendit pas, premièrement parce que c'était un canard incapable de sourire ; ensuite parce que même s'il en avait eu la possibilité, il ne l'aurait pas fait. Désiré était toujours très dur avec elle, mais au fond il l'aimait bien. Enfin... A vrai dire, elle n'en savait rien. Elle supposait qu'il devait quand même avoir un peu d'affection pour elle. Car même s'il se montrait constamment intransigeant, sévère et même rabaissant avec elle, il avait toujours été là pour l'accompagner et la soutenir, à sa manière.

- Vous apprendrez donc par cœur pour cette après-midi les trois cents composants possibles pour fabriquer des catalyseurs.

Aurore bondit de sa chaise.

- Quoi ?! Mais pourquoi ?

Désiré lui lança un regard noir.

- Il me semble qu'après votre usage déraisonnable à deux occasions hier de votre Don, c'est une punition assez légère. Je vous laisserai donc une demi-heure pour vous consacrer à cela. Ensuite, nous nous occuperons du livre...

- Mais je...

- Un souci, Dame Aurore ?

- Je me disais que vu que j'ai trouvé le livre, j'aurais peut-être le droit à une pause, expliqua la jeune fille à voix basse.

Désiré éclata d'un rire désagréable avant d'immédiatement reprendre son sérieux.

- Une pause ? Une pause ?! Et pour faire quoi, au juste ?