40. Ultime chance

279 26 5
                                    

Je me retournai encore dans mon lit. Il devait être près de minuit et je ne parvenais toujours pas à dormir. Demain, j'allais me retrouver une nouvelle fois dans l'arène et même si j'étais dans un sens heureuse de quitter cette prison dorée, j'en rejoignais une autre bien plus terrible. Je n'arrêtais pas de penser à ma vie, à tout ce que j'avais fait, vécu, réussi et échoué. Je pensais à ceux que j'aimais, ceux qui étaient morts et ceux qui allaient mourir.

Je me sentais sale. Je revoyais tour à tour ceux à qui j'avais brisé la vie . Pour commencer, Shymer, la fille du Un que j'avais abattue comme un animal. Elle aussi avait une famille, des amis et peut-être même un petit-ami. Je n'osais pas imaginer sa peine à sa mort. Elle n'avait même pas été honorée comme il le fallait et la seule réaction que ça avait engendré était l'indifférence la plus totale des Carrières.

Ensuite venait Pasiphaé, la fille du Onze. Elle avait bien failli me tuer elle aussi mais par un concours de circonstances et le sacrifice d'Icare, j'avais survécu. Je n'avais jamais vraiment regretté ce que j'avais fait ce jour-là, j'avais été dévorée par la vengeance mais maintenant que j'y repensais, j'avais de la peine pour elle.

J'avais également tué Sylla, la fille du Quatre en l'empoisonnant avec la sève de l'arbre puis aussi Abraxan alors qu'il venait juste de donner le coup fatal à Alecto. Puis, évidemment Kaden, sans doute la chose la plus dure que je n'ai jamais eu à faire dans ma vie.

Aucun d'entre eux ne méritaient la mort. Ce n'étaient que des gamins, pas plus que ce que j'étais moi-même. Pourquoi personne ne se rendait compte de l'horreur de ces Jeux ? Pourquoi nous laissaient-ils mourir en silence ?

Une larme roula sur ma joue car au fond de moi, je savais que je n'allais pas m'en sortir une deuxième fois. J'allais bien m'accrocher à la flamme d'espoir qui brillait en moi mais je savais inconsciemment que Snow n'avait pas inventer ces nouveaux Hunger Games pour que je m'en sorte vivante.

Avant que je parte, il y avait tout de même quelque chose que je voulais faire. Quelque chose qu'il fallait que je fasse. Je me levai de mon lit, ne prenant même pas la peine de prendre des chaussures. Je sortis de ma chambre silencieusement.

Je devais avoir l'air dans un sale état ; les cheveux emmêlés, habillée un simple tee-shirt avançant pieds nus dans le couloir sombre. A vrai dire, mon esprit était dans le même état.

J'arrivai enfin au bout du couloir après ce qu'il me sembla une éternité. Je redoutai chaque pas qui me faisait avancer vers cette porte pourtant, j'avançais. Une fois que je me retrouvai en face, je sentis mon cœur se serrer. Je savais probablement à quoi je devais m'attendre mais je n'arrivais pas à m'y résoudre. Il fallait que j'essaie, au moins une dernière fois.

Je frappai deux premiers coups rapides puis un coup lent, comme nous avions l'habitude de faire entre nous. Un jour, il m'avait avoué qu'il avait inventé ce code car il était un jour en face de la porte de ma chambre et se répétait mon nom dans sa tête. Ce rythme lui était venu automatiquement.

J'entendis des pas derrière la porte et la poignée se tourna lentement avant que je ne puisse enfin voir son regard gris métallique. Il ne s'était pas encore déshabillé et portait encore sa chemise blanche de l'interview bien qu'il l'ait légèrement ouverte, sans doute à cause de la chaleur étouffante qui régnait dans sa chambre. Il me fixait d'un regard des plus neutres, comme si ma présence ici ne lui faisait ni chaud ni froid.

Je tentai de me rassurer en me disant que s'il ne voulait vraiment pas de moi, il m'aurait claqué la porte au nez en m'insultant comme il savait si bien le faire depuis quelques jours. Au lieu de ça, il s'écarta pour me laisser entrer sans faire le moindre commentaire. Ce simple geste dénué de haine me redonna du baume au cœur ; je resserrai mes bras autour de ma poitrine avant de m'avancer dans sa chambre, sans un mot.

Il s'assit sur mon lit sans rien dire tandis que je m'installai dans un coin de la pièce, me faisant toute petite. Mine de rien, j'étais assez intimidée par lui ; il avait tellement changé et grandi que je me trouvais minuscule comparé à ce qu'il était devenu. Il se mit alors à me détailler du regard sans la moindre gêne tandis que je détournais les yeux, les joues rougissantes.

- Pourquoi tu es venue ? Me demanda-t-il de but en blanc.

Je tournai les yeux vers lui, osant enfin l'affronter face à face. Je le devais, au moins une dernière fois.

- Demain, l'un de nous sera peut-être déjà mort, murmurai-je d'une voix si basse que je craignais même qu'il ne l'ait pas entendu.

Will prit sa tête entre ses mains avant de soupirer, comme si je n'étais qu'une gamine qui venait réclamer un morceau de chocolat alors que ses parents n'avaient pas les moyens.

- Ça, tu le savais déjà, alors je répète, pourquoi es-tu venu me voir ?

Je baissai une nouvelle fois les yeux ; son ton s'était fait glacial, comme auparavant. J'avais l'impression que la minuscule trêve que j'avais réussi à instaurer avait fini par voler en éclats. Je compris donc qu'il ne servait à rien de tenter les demies-mesures.

- Ça ne te fait donc rien ? Après tout ce qu'on a vécu ensemble on va finir par mourir ici ! Et si même cela ne t'importe plus, est-ce que tu as pensé une seconde à Dune et Anya quand tu as fait ça ? Elles ont déjà tout perdu et...

- Tu n'as toujours pas compris ? Combien de fois va-t-il falloir que je te le répète ? Justement, elles ont déjà tout perdu ! Me coupa-t-il brutalement. Et tu sais pourquoi elles ont tout perdu ? Elles ont tout perdu par ta faute Laureleen ! Cycy s'est portée volontaire pour sauver ta tête, Arran s'est sacrifié pour toi, Darius et moi avons pris des risques inconsidérés pour tenter de te protéger et comment tu nous remercies ? Tu tues ta mère sur un coup de tête, tu fraternises avec Warren Thompson, tu nous oublies et tu nous mens ! Est-ce que tu réalises à quel point tu nous a fait du mal ? A quel point tu nous as brisés le cœur ? A quel point tu m'as brisé le cœur ?

Il s'était levé et avait avancé vers moi au fur et à mesure de sa tirade. Je ne pouvais plus détacher mes yeux des siens tant il mettait une telle intensité. Il poursuivit :

- Lorsque tu es rentré de tes Hunger Games, tu ne peux pas savoir quel soulagement ça a été pour moi. Je t'attendais, à cette gare, tremblant de hâte de revoir ton visage, tes yeux rieurs et ton large sourire. La fille qu j'ai vu sortir ne m'a même pas accordé un regard ; elle n'était devenue qu'une boule de haine et de rage. Cette rage a dévoré ma Laura...

La Gladiatrice III - Fanfiction Hunger Games -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant