Chapitre 10 : Le conflit

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En ouvrant sa première paupière de la journée, une image de la veille s'imposa directement à l'esprit d'Amétrine. Elle passa une main sur son visage.

Leur douche s'était éternisée, tout comme leurs baisers. Mais dès que l'un et l'autre s'étaient revêtus, toute leur alchimie s'était soudainement évaporée. Au début, la hackeuse n'y avait pas fait attention, elle n'avait même pas vraiment réalisé ce qu'il s'était passée. Mais une fois dans son appartement, elle avait pu souffler. Réfléchir. Comment réagiraient-ils l'un en face de l'autre désormais ? Pourquoi cet air glacial entre eux une fois leurs vêtements enfilés ? Que pensait Hippolyte de son côté ? Allait-ce se reproduire ?

Elle secoua la tête quand les évènements de la veille défilèrent avec un peu trop de détail dans son cerveau. Elle s'habilla en vitesse, se brossa les dents et prit le temps de dessiner un beau tait d'eyeliner sur ses yeux noirs. Ça faisait une éternité qu'elle ne s'était pas maquillée et le fait de se revoir avec un tel artifice la réjouit. Ça lui donnait des yeux de biche.

Une fois préparée, elle ne perdit pas beaucoup de temps avant de descendre au réfectoire quémander un petit-déjeuner. Il était encore assez tôt, huit heure quinze pour être exacte, mais son estomac criait famine. En arrivant devant les grandes portes en bois, l'odeur sucrée du chocolat chaud et du croissant la happèrent, et elle se précipita à l'intérieur.

Erik, toujours aussi souriant à son comptoir, la salua avec chaleur quand elle arriva à son niveau.

- Bonjour, répondit-elle. Je veux bien un croissant et un chocolat chaud s'il te plait.

- Tout de suite ! Attends-là, je t'apporte ça tout de suite.

Elle opina et regarda le trentenaire brun s'agiter de l'autre côté du bar. Après quelques secondes, il posa avec douceur un plateau devant elle.

- Et voilà pour toi ! s'exclama-t-il.

- Merci.

Ladite A. M. attrapa son petit-déjeuner, se retourna, et chercha une table du regard. Elle en repéra une à quelques pas de là, vide. Se concentrant avec intensité sur sa tasse de chocolat remplie à ras bord, elle se mit à avancer avec lenteur vers son objectif. Son regard vers le support de bois qu'elle tenait, elle voyait juste assez ses pieds pour éviter les chaises sur son chemin.

Les chaises, mais pas les gens. Son corps heurta violemment à un obstacle et renversa son plateau. Bien entendu, la tasse chaude, déborda et finit par se briser sur le sol en mille morceaux. Les yeux noirs, elle tomba nez à nez avec le visage un peu trop calme d'Hippolyte.

- Putain mais tu peux pas faire attention ?!

Ce fut la première chose qu'elle aboya en voyant le visage d'Hippolyte. Ce dernier ne semblait même pas culpabiliser de l'avoir bousculée. Il n'avait pourtant aucune excuse : pourquoi diable ne regardait-il pas en face de lui ? Avait-il fait exprès ? Quoiqu'il en soit, son beau chocolat chaud qu'elle voulait déguster avec douceur venait de tomber en lambeau, par sa faute !

- T'étais sur mon chemin, répondit-il sans une once de culpabilité dans la voix.

- Ah parce que Monsieur a un chemin qui lui est réservé ?

Le ton ironique et agacé d'Amétrine finit d'achever toutes les discussions dans la salle – la boisson tombant au sol ayant déjà bien commencé le travail.

- Repaye-moi un chocolat chaud.

- T'as quel âge pour boire un chocolat chaud ?

- C'est pas la question Monsieur-je-bois-que-du-thé-vert, repayes moi mon chocolat chaud.

- Non.

- Si.

- Non.

- Bordel, si Hippolyte ! De toute façon si tu le fais pas de toi-même je prendrais directement l'argent sur ton compte en banque.

Le châtain avança d'un pas, l'air malveillant.

- N'essaye même pas.

- Sinon quoi ? Tu vas pleurer sous les jupons de Maxime ?

Erik arriva au pas de course vers les deux individus en plein conflit.

- Calmez-vous, calmez-vous. Ce n'est qu'un chocolat chaud. Je t'en refaits un Amétrine, offert par la maison.

- C'est gentil mais non merci. Question de principe.

Le regard de la hackeuse ne quittait pas celui du chasseur. Et même si elle avait mal au cou parce qu'il était à la fois trop grand et trop près, elle ne comptait pas baisser les yeux.

- T'avais qu'à regarder devant toi.

- Et toi alors ?

- T'es trop petite, je t'avais pas vu.

Ses poings serrés, Amétrine jeta le plateau qu'elle tenait toujours dans ses mains au sol.

- T'as oublié que je pouvais détruire ta vie en quelques clics.

- Tu seras morte avant d'y arriver.

- STOP !

La voix d'Erik raisonna dans toute la pièce.

- Pas de ça dans mon restaurent ! Vous avez quel âge sérieusement ?! Si Amétrine n'était pas une femme, je dirais même que ce combat de testostérone m'exaspère.

- Personne n'a vérifié, elle a peut-être un pénis caché.

- De un, je ne vois pas en quoi je devrais avoir honte d'être transgenre. De deux, il me semble que toi si, tu as vérifié, hier. Tu veux que je te rafraichisse la mémoire ? demanda Amétrine de nouveau concentrée sur Hippolyte en face d'elle.

Les mots avaient franchi la barrière de ses lèvres sans qu'elle n'ait eu le temps de les retenir. Mais ce qui était fait était fait et elle ne comptait pas pleurer pour avoir exposé leur aventure insignifiante.

Hippolyte approcha son visage de celui de la jeune hackeuse.

- Non, c'est bon, je m'en souviens parfaitement.

Amétrine ne faiblit pas, il en fallait plus pour la faire rougir. Elle soutint son regard, puis le châtain se releva et passa son chemin.

- Mets le chocolat chaud sur ma note Erik, dit-il en prenant place au bar.

Amétrine leva les yeux au ciel et grogna, mais ne dit rien de plus. Elle avait eu ce qu'elle voulait.

Elle se pencha pour ramasser le plateau et les plus gros débris de verre et jeta tout dans la poubelle la plus proche. Quand elle demanda un balai à Erik, ce dernier lui indiqua qu'il se chargeait de nettoyer et qu'elle pouvait attendre son chocolat chaud en mangeant son croissant, seul rescapé de l'altercation.

Peu à peu, le réfectoire recommença à se faire bruyant. Amétrine sentait déjà que sa petite révélation allait faire le tour de l'agence en quelques heures à peine. Pourquoi les gangs échapperaient-ils aux commérages après tout ? Le seul point positif à cette situation était que le froid qui aurait pu naître de leur échange charnel avait totalement laissé place à leur bonne vieille amie la haine. La jeune femme n'était pas sûre que l'un était mieux que l'autre mais elle ne comptait pas se prendre la tête avec cela.

Le reste de la journée le prouva d'ailleurs, puisque le duo passa son temps à mutuellement se pomper l'air. Même quand ils entendaient des petits bruits de couloir à leur sujet, ils s'en servaient pour attaquer l'autre. Robin n'osa même pas les interrompre pour demander si, en effet, ils avaient couché ensemble. De toute façon, sa sœur était grande, elle était bien libre de faire ce qu'elle voulait avec qui elle voulait. Et puis, ce n'était pas comme si ce qu'il se passait entre Hippolyte et elle allait un jour devenir sérieux.

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