hypsoline

(4.0) contaminé

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Iel pédale à toute allure, même si le vélo électrique chargé au maximum fait le principal du travail. Sur The Hollow Bridge, les véhicules sont excessivement rapides et trop peu se soucient des autres usager'es. En fait, tout le monde veut quitter cette route au plus vite, alors il n'existe aucune limitation de vitesse qui ne soit réellement respectée. La police ne passe plus depuis longtemps, d'autres routes plus sécurisées - et plus hautes - ont été mises en place et génèrent bien plus de trafic. The Hollow Bridge est mal fréquentée, en plus d'être connue pour ses accidents fréquents (volontaires ou non, d'ailleurs), il arrive que certains groupes s'amusent à faire des blocages ou à détruire les faibles installations de cette antiquité. Iel pourra s'estimer chanceux s'iel ne percute personne. A cette vitesse folle, les lunettes de protection fixées sur les yeux au dessus du masque noir, Ryan ne voit que de longues traînées de couleurs. C'est bien là les seules lumières qu'il perçoit, comme tout en contrebas semble drapé de nuages sombres. Iel ne se concentre que sur les véhicules beaucoup plus rapides qui manquent plusieurs fois de le faucher, sa confiance envers CLOUD est maximale ; "Prenez la prochaine à droite." Juste à temps. Iel souffle et libère cette respiration qu'iel retenait depuis son insertion sur la voie. Enfin, iel sort de cette route suspendue et redescend vers la Lower Lane.

Mais iel est bien en retard. Il fallait s'y attendre ; The Hollow Bridge a beau être une turbo-route, la technologie ne permet pas encore de miracle temporel. "387bis Lower Lane, Caspian Bledz code Z006391, commande 007040 prévue à 22h45, dix-sept minutes de retard." Iel se mord l'intérieur des joues. En arrivant enfin à destination, devant cette vieille façade aux volets bien fermés - sauf un, Ryan tire les lunettes de protection qui lui laissent toujours leur forme bien marquée tout autour des yeux et au-dessus du nez, comme iel n'a jamais pris le temps de bien les régler. L'Eyephone confirme l'adresse, le nom, le code, la photo d'identité et le retard notifié : il est 23h02. Sa nuit de travail ne fait que commencer, pourtant iel est déjà éreinté par toutes ces émotions. Essoufflé, iel sonne à l'interphone grésillant :

— Bonsoir, je suis Ryan Lynch, code H099309 de-

Encore coupé dans son discours pourtant obligatoire, iel n'est pas malheureux de trouver quelques secondes pour reprendre sa respiration. Sans même attendre que la porte ne s'ouvre, le livreur se dirige vers le coffre automatique de son vélo, sur lequel iel peste encore avant qu'il ne s'ouvre en grand ; découvrant toutes les autres commandes de la nuit ainsi que les "si besoin", en cas d'urgence, de toutes les tailles et de toutes les formes, mais toujours parfaitement emballées dans ce plastique blanc, mat, impeccable, le logo One Bite bien visible. Après une courte vérification du code barre, c'est en effet une autre pile de barquettes que Ryan doit livrer ce soir encore à cet étrange client qui semble ne pas respecter ses plannings imposés : décimer deux semaines de stock en une journée, c'est du jamais vu. S'iel se pose la question, pourquoi les ordinateurs n'en ont-ils pas fait de même ? Quand on sait que tout en Hypsoline est contrôlé...

— Ah ! Caspian Bledz, code Z006391, pour la commande-

— Oui, on le coupe à nouveau.

Décidément. Le blond se tient dans l'ouverture de la porte blindée à la poignée et aux verrous sûrement défaillants, à en juger par l'état général du bâtiment - et de tout Lower Lane. Ses cheveux sont cachés sous la capuche sombre d'un pull trop grand et sûrement beaucoup plus vieux que Ryan lui-même. Mais son regard noir, vide, et ses cernes creusées ressortent étrangement sur son teint toujours excessivement pâle, notamment sous les néons clignotants des panneaux publicitaires. Tremblant encore sous l'effort, le stress et la basse température d'automne, iel lui tend son lot de barquettes avec un sourire poli toujours masqué, auquel l'autre ne répond pas.