✈︎ Chapitre 22

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Le jeune docteur rangea ses outils, retira ses gants, et quitta la salle d'opération en soupirant.
Lorsqu'il ferma la porte, il s'accorda une pause pour fumer une cigarette à l'arrière du bâtiment, dans une petite cour prévue à cet effet.

Le cinquantenaire qui s'était occupé du noiraud le rejoignit après la consommation de la première tige de tabac.

- Il vous en reste ?

Pour seule réponse, l'homme perdu dans ses pensées enfumées lui tendit un petit paquet duquel le second tira une cigarette, avant de l'allumer avec son propre briquet.

Les deux médecins se livrèrent alors à la fade contemplation du mur gris et abîmé de la structure qui leur faisait face, en silence.
Ce fut le moins expérimenté qui parla le premier, après avoir suffisamment erré dans son esprit.

- C'était dur aujourd'hui.

- Plus jamais je forme des gars aussi incompétents. cracha l'aîné, qui ne digérait toujours pas la bourde monumentale de son apprenti.

Sa réplique eut au moins l'effet d'arracher un sourire en coin à son partenaire, qui souffla un cercle de fumée blanche avant de reprendre.

- Des fois, j'me dis que j'ai rien à foutre ici. Non, tout le temps. Et j'ai qu'une hâte, c'est quitter cet endroit pourri. C'est pas contre vous, doc', mais j'en peux plus de savoir que...

- Qu'on tue des gens ? finit le grisé à sa place.

- Ouais, ça.

- Voyez-le comme une évolution. Un mal pour...

- Un mal pour un bien, oui, j'ai cru capter ça. J'ai rien contre votre philosophie, mais elle me dépasse parfois. Et puis c'est quoi comme type d'évolution, de buter des innocents qui ont juste eu le malheur de tomber sur la mauvaise personne ? On pourrait pas juste...

- Vivre avec ? Non, on ne peut pas. trancha fermement le plus âgé. Et vous savez pourquoi ?

- Éclairez moi...

- Parce que l'idée même de me forcer à aimer le chocolat me dégoûte.

Le jeune docteur cru un instant avoir perdu le fil de la conversation en entendant ces mots, avant de se rendre compte que son aîné venait bien de les prononcer, le plus sérieusement possible.

- Vous m'avez perdu, doc'.

- La plupart des gens aiment le chocolat, non ? Je déteste ça. Et si un gène en moi me forçait à aimer ce goût qui me répugne sous prétexte que c'est une espèce de norme chez l'humain, je voudrais m'en débarrasser si j'en ai la possibilité.

- Mais ça ne tuerait personne. On parle de vies, là, pas d'aliments.

- Je vous l'accorde. Toutefois, c'était l'idée qui comptait dans mon exemple, pas le détail.

- Parce qu'arracher une vie n'est qu'un détail à vos yeux ? fit le médecin, tendu par ce qu'il entendait.

- Un simple pas vers la finalité d'une démarche plus grande encore.

- Décidément, je ne vous comprendrai jamais.

Il avait beau respecter son aîné et ses travaux, il n'adhérait absolument pas à sa cause.
Par ailleurs, il s'était lui aussi retrouvé dans cette clinique qui le rendait malade pour une raison financière.
Le jeune homme aspirait à de grandes études pour devenir un éminent spécialiste dans sa profession, mais personne n'avait les moyens de le supporter dans son projet, surtout pas ses maigres économies.
Alors, lorsqu'il s'était proposé pour rejoindre la clinique un an auparavant, ses capacités avaient été reconnues et récompensées.
Il poussait ce travail jusqu'au bout pour s'assurer un bon avenir et la certitude qu'il ne remettrait jamais les pieds dans un tel endroit.

DNA - ChanglixWhere stories live. Discover now