chapitre 40 ◌ bouillotte

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Finalement, Ophelia aurait préféré pouvoir garder les yeux fermés et prétendre que tout ce qui défilait devant elle n'existait pas.

Prétendre que le monstre osseux de centaines de mètres qui s'était matérialisé sous ses yeux n'était pas tout ce qu'il restait de l'homme qu'elle aimait, et qu'il ne s'apprêtait pas à rayer toute forme de vie de la surface du monde en dirigeant ces milliers de Titans dépourvus de conscience comme il l'entendait.

La destruction des murs de Paradis avait elle-même causé des dégâts qu'Ophelia préféra ne pas imaginer tout de suite. La seule image qui se présentait toujours à elle était celle de la chose qui avait quitté le corps d'Eren pour le relier à sa tête décapité avant qu'il ne se transforme. Ce ne pouvait qu'être l'Originel lui-même, la source du pouvoir des Titans. Il aurait été difficile de dire si ce gigantesque parasite jouait un rôle direct dans les actions d'Eren, ou bien s'il ne faisait que lui léguer une partie de son pouvoir en tant que détenteur du Titan Originel.

À genoux sur le toit, les yeux rouges et le visage sali par la poussière et les larmes séchées, la jeune femme l'observa s'en aller, loin de Shiganshina et loin de lui-même. Il abandonnait ici tout ce qui avait fait de lui un humain : sa ville natale pour laquelle il avait tant combattu, ses amis et celle dont il avait dit être amoureux le jour-même. Les pas des Titans faisaient un bruit monstrueux, mais Ophelia se sentait comme plongée dans un silence sans fin.

Aurait-elle pu empêcher cela ?

Non. Elle avait essayé. Elle connaissait assez Eren pour savoir qu'il ne reculerait jamais devant rien s'il était persuadé qu'il s'agissait de la meilleure - ou bien la seule - solution. Et il le pensait, aujourd'hui.

— Ophelia !

Trop épuisée pour se montrer réactive, la concernée tourna mollement la tête vers le toit d'à côté. Les quatre amis d'Eren lui firent signe de les rejoindre et elle se redressa tant bien que mal, les membres engourdis. Son regard fut attiré par le gamin que tenait Jean et elle se sentit un peu plus éveillée en constatant qu'il l'avait attaché et bâillonné.

— Hey, qu'est-ce que vous faites ?

— Tu savais.

Ophelia ne tenta pas de nier l'accusation de Conny et ne fuit pas non plus son regard noir.

— Tu nous as menti, tout à l'heure ? intervint Armin avec peine. Pourquoi ?

— Parce qu'il fallait aider Eren. Réfléchissez, dit-elle calmement, s'ils avaient réussi à voler le pouvoir de l'Originel, à votre avis, on en serait où ? Tous les partis préparaient un génocide depuis des plombes, c'était juste à celui qui y arriverait en premier.

— Tu savais ? répéta Mikasa, dévisageant la soldate comme si elle venait d'apparaître devant elle. Tu l'as laissé-

— Eren n'a jamais été de ceux qu'on laisse agir, rétorqua froidement Ophelia. Il agit, c'est tout. J'ai essayé, crois-moi, et si tu penses que je me réjouis de le voir comme ça, tu te trompes. J'aurais aimé que ça se passe autrement aussi. J'ai tout perdu dans cette histoire, moi. Votre île restera en sécurité et votre peuple aussi, sans compter qu'Eren s'est arrangé pour vous préserver de la culpabilité en vous cachant ses intentions jusqu'au bout alors n'essaie même pas de me faire comprendre que je suis responsable de ce désastre. Maintenant, j'aimerais savoir ce que vous faites avec Falco.

Jean se renfrogna face à son regard trop inquisiteur, trop bleu, trop perçant et qui faisait facilement ciller nombre de personnes. Il n'amorça aucun geste pour lâcher l'enfant, mais elle devina à son attitude qu'il était bel et bien en train de douter.

𝐑𝐈𝐒𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐅𝐀𝐋𝐋.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant