💍CHAPITRE 35 💍

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Dès que Joséphine fermait les yeux, elle se revoyait dans cette sombre cellule où seul le cliquetis de la chaîne à sa cheville lui rappelait le triste sort qui l'attendait. Elle pouvait encore sentir les mains du Comte sur ses cuisses lors du trajet, ses allusions, ses envies...

Quand elle les rouvrit au beau milieu de la nuit, elle se retrouvait là où elle s'était précédemment endormie. Non pas dans cette immonde prison, mais allongée le plus confortablement possible près d'un feu tandis qu'à ses côtés, adossé contre un tronc d'arbre, le Duc somnolait. C'était la première fois qu'elle le voyait dormir. La première fois que ses inquiétudes furent chassées, balayées par la simple vision de son visage. Naturellement, elle ne put s'empêcher de repenser à leur conversation, à sa demande, mais aussi au défi qui l'attendait dès qu'ils rentreraient.

«Courtisez-moi».

Bien évidemment que ces mots étaient porteurs d'une forme d'espoir, mais était-ce vraiment une bonne idée ? Le Duc n'avait-il pas raison à son propos et sur toute la ligne ? Et si ce chemin qu'elle voulait arpenter ne lui convenait pas ? Et si elle n'arrivait pas à atteindre ses objectifs ? Que se passerait-il alors pour elle et pour toute sa famille ?

Prises par ses propres pensées, Joséphine quitte le petit campement dans le plus grand des silences, faisant quelques pas dans la forêt silencieuse.

- Veux-tu en parler ?

La voix éclatante de Bartolomé lui arrache un vif sursaut tandis qu'elle se retourne pour le retrouver adossé un arbre, les bras croisés, portant cet habituel regard inquiet. Un regard qu'elle n'a que trop vue récemment.

- As-tu pu en tirer quelque chose ?

- Non. Et quand je suis allée dans la maison, les lieux avaient déjà été déserté. Je ne pense pas que le Comte en reste là.

- Tant mieux, dit-elle, Ainsi je pourrais me préparer.

- Joséphine, tu sais aussi bien que moi que cette histoire n'annonce rien de bon et que cela pourrait être dangereux.

- Néanmoins, je ne peux décemment pas ignorer ce qu'il vient de se passer.

- Et ce n'est pas ce que je te demande, mais la vengeance n'est pas une solution. Tu es plus forte et plus intelligente que ça. Tout ce que je te demande c'est de ne pas céder à la facilité quand bien même cette dernière te tendrait les bras.

- Bartolomé, dis-moi, te rappelles-tu de la règle que nous imposait père quand nous étions enfants ? «Vous avez la stricte interdiction de vous battre et par conséquent de porter le premier coup. Néanmoins, vous avez tous les droits de vous défendre».

- Cette règle ne s'appliquait qu'à toi car tu étais toujours bien prompt à jeter le premier coup, rit le cadet en se souvenant des bagarres que déclenchaient son aînée, Et quand père intervenait tu te débrouillais pour faire passer cela pour te la légitime défense. Tu as toujours eu un talent inné pour le mensonge détourné.

- Alors nous savons tous deux qu'il est trop tard pour me demander de me tenir tranquille. J'ai été attaqué, je compte bel et bien répliquer.

Soupirant et comprenant qu'il ne changerait en rien la détermination de sa sœur, Bartolomé se résigne en se rapprochant vers elle.

- Dans ce cas, promets-moi une chose, lui demande-t-il en lui souriant tendrement.

- Je t'écoute.

- Le moment venu : Fais-lui mal.

Souriant à pleines dents, Joséphine rit avant d'approuver la requête de son frère.

- Crois-moi, il regrettera d'avoir un jour posé ses yeux sur moi.

- J'espère bien.

- Au fait ! Sache que j'ai demandé au Duc de Varsox de m'épouser, lui annonce Joséphine en changeant complètement le sujet de leur conversation.

- Et qu'a-t-il dit ? s'étonne Bartolomé s'attendant à une réponse négative de la part sa soeur

- Il m'a dit de le courtiser, éclate-t-elle de rire

Surpris, ce dernier peine à cacher sa réaction tandis qu'il s'attendait à entendre tout le contraire. Le Duc aurait-il changé d'avis depuis leur discussion ? Ne lui avait-il pas dit qu'il ne comptait aucunement épouser sa sœur ? Alors pourquoi ce brusque changement d'avis ? Néanmoins, outre la possibilité, ce qui le surprit plus était la demande absurde qu'il venait d'entendre.

- Joséphine, tu ne comptes tout de même pas courtisez le Duc ? Es-tu au courant que les choses ne fonctionnent normalement pas de la sorte ? C'est à l'homme de faire le premier pas ?

- Et qui l'a décidé ? Y'a-t-il une loi empêchant une femme de demander la main d'un homme ou de lui montrer par tous les moyens nécessaires sa sincérité ?

- L'es-tu ? la coupe-t-il

- Que dis-tu ?

- Es-tu sincère dans ta démarche ? Aimes-tu cet homme ?

- Non.

- Mais tu veux l'épouser ? Pourquoi ? Il y a encore peu tu me disais voir le mariage comme une sorte de restriction. Tu m'as clairement fait comprendre que ce n'était pas dans tes souhaits.

- Et cela est toujours d'actualité si l'entendre peut te rassurer mon cher frère. Cependant, je ne pense pas qu'il soit très judicieux d'être fermé d'esprit et de ne pas étudier sérieusement certaines...éventualités.

- Joséphine...Que prépares-tu ? Je te connais depuis suffisamment longtemps maintenant pour savoir que tu n'agis jamais sans y réfléchir à deux fois. En outre, épouser un homme, sans le moindre sentiment, ne te ressemble pas.

S'approchant de quelques pas de son frère, Joséphine se penche à hauteur de son oreille et lui dit alors :

- Si je te disais tout, Bartolomé, où serait l'excitation de la découverte ?

S'éloignant dans un clin d'oeil et un sourire confiant, Bartolomé savait que cela ne présageait rien de bon. Joséphine avait une idée en tête qui allait probablement déclencher une catastrophe comme elle en a le don d'ailleurs. S'attendait-elle à réussir ? Le Duc était-il lui même sérieux ? Pourquoi avoir accepté cette ridicule requête ? Il n'était pas un homme né de la dernière pluie donc il était probablement au courant qu'il n'y avait aucun amour à son égard dans le cœur de sa sœur. Néanmoins, il y avait autre chose. Quelque chose qui les poussèrent tous deux à envisager cette possibilité qu'ils refusaient si ardemment depuis longtemps.

Dans un autre registre, il fut dit qu'au petit matin, aux portes de la ville, on vit revenir le jeune Lieutenant et le jeune Duc avec la Baronne disparue, endormie sur le cheval du Duc. Rapidement, le retour de la disparue fit le tour de la ville et on ne parla plus que de cela. De l'héroïque sauvetage effectué par le Duc de Varsox pour revenir avec la Baronne Conquérant et cela donna lieu à plus d'un fantasme concernant leur romance qu'ils garderaient secrète. La rumeur fit si vite le tour, qu'en fin de matinée, elle ne tarda pas à atterrir dans les oreilles de la Princesse Sophia.

Voilà que la veille elle avait elle-même prit le soin d'inviter le jeune homme au palais pour un thé et qu'elle ne fut pas sa surprise quand elle apprit que le Duc avait personnellement mit ses affaires de côté pour partir à la recherche de la Baronne disparue. Pour la Princesse, cela serait nier l'évidence même : Il y avait quelque chose entre eux. Quelque chose qui ne cessait de les ramener l'un vers l'autre. Quelque chose qui se mettait clairement en travers de son chemin et dont il fallait, par tous les moyens, se débarrasser une bonne fois pour toutes.

Tous liens qui existent sur cette terre finissent par être coupés avec le juste outil.

Et l'outil en question, elle l'avait trouvé. Un moyen d'être certaine que cela briserait jusqu'à leur amitié elle-même.

- Faites parvenir ces documents au notaire le plus proche et assurez-vous de trouver un homme...qui n'a pas sa langue dans sa poche.

- Bien Votre Altesse.

Qui eut cru qu'une simple enveloppe pourrait alors causer autant de mal ?

JoséphineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant