💍 CHAPITRE 49 💍

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Joséphine aurait très certainement pu restée là des heures durant à seulement le regarder. Les images de la veille au soir lui revinrent progressivement en mémoire, lui volant ici et là un sourire niais, parfois béa. Si cela était un doux rêve elle pria silencieusement pour que jamais il ne s'arrête. Ses doigts frôlent et caressent le visage endormi du jeune homme se tenant allongé à ses côtés et cela n'avait guère pour effet de le réveiller.

- Il semble que vous ne soyez pas le seul à être épris et fou, chuchote-t-elle

Quittant le lit, Joséphine enfile sa robe de chambre et quitte la pièce sur la pointe des pieds, traversant le couloir au parquet encore froid afin de passer une tête à travers la porte de la chambre d'Ambre. Cette dernière semblait encore endormie. Tant mieux. Il ne serait pas étonnant que sa petite vie si bien rodée soit à présent bouleversée. Le jour ne fait que se lever et tandis que la ville s'éveille, certains commérages rôdent d'ores et déjà dans les parages. Bien des choses se sont passées hier soir et ce fut sans nul doute la soirée la plus mouvementée qu'il y eut ces dix dernières années. Personne ne s'attendait à une fête improvisée par la Princesse elle-même, comme personne ne s'attendait à voir la Duchesse de Varsox faire le déplacement. Qu'était-elle venue faire jusqu'ici et qu'avait-elle dit à son neveu ? Bien des gens auraient payés des sommes tout à fait grotesques pour le savoir. Néanmoins, la curiosité de tout à chacun fut satisfaite quand, arrivant telle une furie, Joséphine armée d'une épée menaça le Comte Detina. Il était certain que ce geste n'allait pas resté sans conséquences et même si elle se faisait du souci pour sa cadette, Joséphine ne put s'empêcher de s'inquiéter pour elle également. Elle qui se pensait à l'abri et loin de tout ça, la voilà de nouveau menacée par une ombre dont elle ignore tout : Quand est-ce qu'elle frappera et surtout quelles conséquences cela aura sur elle et sa famille ?

Descendant les escaliers sur la pointe des pieds toujours, elle pouvait entendre les petites mains de la cuisine s'agiter de bon matin. Il n'était pas tout à fait six heures et certains étaient visiblement déjà à l'oeuvre.

Passant sous leur radar afin de ne pas se faire remarquer, Joséphine se faufila jusqu'au bureau de son père avant de s'y enfermer. C'était là le seul endroit dans lequel elle pouvait trouver un quelconque réconfort.

- Comme j'aimerais que vous soyez là...Peut-être me dévisageriez-vous avec toute la sévérité du monde ou peut-être vous montreriez-vous compatissant et clément comme vous l'avez toujours été face aux moindres de mes écarts, soupire Joséphine en se laissant tomber dans l'épais fauteuil en velours.

Le silence aurait pu régner si ce n'était pas pour cette vieille pendule dont elle envisageait sérieusement de se débarrasser. Son tic tac l'ayant toujours particulièrement agacée.

- Vous m'avez confié cette famille et je n'ai pas l'impression de vous faire honneur. Bien au contraire. Chaque journée est un combat épuisant qui me vide sans cesse de mon énergie et je me demande chaque matin en me levant si j'aurais la force d'affronter ce qui m'attends. Je me sens seule, non pas que je le sois réellement, mais je me sens seule car je crains que personne ne soit en mesure de comprendre les épreuves que je traverse. Ambre et Thomas sont trop jeunes pour que je leur fasse part de mes soucis réguliers...Bartolomé, lui, est trop loin et...Ninon n'a pas besoin d'un cheveu blanc en plus. Je dois certainement lui en causer bien assez.

Sa pensée alla alors vers Jonah et s'y égara un moment. Peut-être que lui fut l'exception à la règle, mais elle savait que lui-même avait ses propres batailles à mener et ses propres démons à chasser. Elle ne pouvait en rajouter à son fardeau déjà bien lourd.

- Je pense que si vous aviez eu l'occasion de le connaître, vous l'auriez apprécié. Il est humble, intelligent, très drôle et je vois dans son regard qu'il serait en mesure de traiter les enfants comme ses propres frères et sœurs, mais...dans ses silences, bien qu'il ne s'en rende probablement pas compte, je comprends qu'il a lui aussi à faire.

Un sourire lui échappe.

- Nous sommes deux êtres individuels et pourtant, je ne peux m'empêcher de me sentir complète et épanouie avec lui. Je n'ai pas à faire semblant, pas à prétendre, ni à me cacher. Je n'ai pas besoin de faire attention à ce que je dis, à quel pied je mets devant l'autre ou de quelle façon je tiens ma tasse. Etait-ce se sentiment que vous me poussiez à découvrir ? Je dois bien admettre que je me sens...perdue. Distancée serait plus juste à dire. Je vis un jour après l'autre sans pouvoir me dire que je vis ma vie avec plaisir. Bien au contraire. J'ai l'impression de la subir car dès que je m'accorde un moment de répit...Dès que je ferme les yeux un instant et que je m'enfonce dans mes songes...La vie me rattrape, me tacle et me mets au sol. Et très honnêtement, je suis fatiguée de chuter constamment.

Se recroquevillant sur elle-même dans le fauteuil, Joséphine enfonce son visage dans le creux de ses bras. Voilà un bien affligeant constat car tandis qu'elle semble être perdue dans ses pensées, luttant tant bien que mal afin d'affronter cette nouvelle journée, une silhouette se tient silencieusement de l'autre côté de la porte qu'il avait légèrement entrouverte en toute discrétion.

Voilà cinq minutes que Jonah se tient-là, l'écoutant, le cœur serré, affligé devant sa propre impuissance. Malgré l'incroyable moment qu'ils ont tous deux partagés la veille, le réveil semble être une claque d'une brutalité choquante. Bien qu'il savait que Joséphine était inquiète, il ignorait profondément tout son mal être. Avait-il été aveugle à ce point ou était-elle une bien trop bonne comédienne pour lui ?

Oh comme il aurait aimé l'interrompre en entrant dans la pièce et en lui faisant comprendre bien qu'il l'ait mainte fois répété déjà que jamais elle ne serait un poids ou bien-même un frein pour lui. Certes, il avait lui-même des rêves, des objectifs bel et bien définis, mais jamais il ne s'est dit qu'elle serait un obstacle à sa réussite, bien au contraire. Joséphine était pour le jeune homme une source constante d'inspiration, de motivation et d'admiration. Elle qui lui semblait si proche et si lointaine à la fois telle cette étoile vous guidant à travers la nuit noire. Il espérait un jour secrètement la tenir dans le creux dans sa main, mais avant qu'il ne puisse s'en rendre compte c'était elle qui le tenait.

- J'aimerais tellement que vous soyez là et que vous m'aidiez, mais je présume que je dois apprendre à me débrouiller, n'est-ce pas ? Vous ne m'avez pas élevée afin que j'abandonne ou que je baisse les bras si facilement...relance Joséphine en se redressant, Vous m'avez élevée afin que j'assure la position de Baronne. Vous m'avez élevée afin que je fasse de grandes choses et que je réalise mes rêves. Je le sais. J'en suis consciente. Mais Père...Cela est si dur que parfois je me demande si j'en suis capable.

«Tu l'es», pensa secrètement Jonah n'ayant toujours pas quitté sa position. Il n'existait pas une personne aussi forte et courageuse que Joséphine et ça, il en avait été témoin à de multiples reprises. Ce petit bout de femme que tout le monde aimerait enfermer, mettre sous une cloche de verre afin de la préserver n'a en réalité, aucunement besoin de protection. Elle n'a pas besoin qu'on lui dise quoi faire car elle le sait. Elle n'a pas besoin qu'on lui accorde une quelconque permission, elle se l'octroie elle-même. Voilà qui elle est. Et cela, il l'avait remarqué aux premiers instants. Joséphine était une personne destinée à de grandes choses et à marquer la société. Il en était certain.

Mais à force de porter le monde à bout de bras, on finit naturellement par les baisser d'épuisement. Même si, parfois, nous souhaiterions plutôt continuer nos combats, certains demandent à ce que l'on se retire avant de revenir plus fort qu'avant.

S'apprêtant alors à faire son entrée dans la pièce, le jeune Duc est interrompu quand soudainement, quelqu'un vient frapper brutalement à la porte de la maisonnée. De si bon matin ? Qui cela peut bien être ?

Surprise, Joséphine sort du bureau et remarque Jonah sur le pallier, mais n'a guère le temps de lui demander quoique ce soit qu'un domestique arrive à sa hauteur en compagnie de deux officiers de police.

- Madame, ces Messieurs désirent s'entretenir avec vous, annonce le jeune homme en regardant sa Maîtresse l'air inquiet.

- Joséphine Conquérant, nous souhaiterions que vous nous accompagniez jusqu'au commissariat.

- A quel propos ? interroge le Duc présent mais visiblement ignoré

Les deux hommes échangent un regard et l'un finit par dire :

- Madame la Baronne est suspectée du meurtre du Comte Francis Detina.

JoséphineWhere stories live. Discover now