Treizième Brouillon

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Remonter à cheval me parut étrange. Mes jambes et mon dos me faisait  mal et j'avais oublié à quel point ces bêtes étaient hautes sur pattes.  Milo en revanche, avait l'air de se débrouiller comme une chef. Sa  position était un impeccable et il avait un sourire gigantesque sur les  lèvres. J'en étais à me demander comment il supportait cette chaleur  d'enfer assis sur cette selle en cuir qui m'ébouillantait plus qu'autre  chose. Néanmoins, le paysage était à couper le souffle. Des vignes  s'étendaient à perte de vue, ondulant sur les collines appréciant chaque  rayon du soleil. Milo me parlait de leur récolte, des raisons pour  lesquelles on plantait des vignes ici et pas ailleurs et tout un tas  d'autres choses qui honnêtement, ne m'intéressaient pas le moins du  monde. Je n'arrivais pas à me sortir Simon de la tête. Je ne savais pas  pourquoi il ne m'avait pas parlé de son séjour en Toscane.

-Je peux te  poser une question, Milo ?
-Sì, Bella, sourit-il.

Je marquais une pause à cette familiarité soudaine puis repris.

-Simon, qu'est-ce qu'il a fait tout ce temps ici ?
-Avant, comment toi tu connais Simon ?
-C'est mon frère.

Milo eut un rire franc qui, étonnement, me vexa.

-Simon, ton frère ? Comment est-ce possible ? Vous ne vous ressemblez absolument pas !
-Beaucoup de frères et soeurs n'ont pas de ressemblances, assurai-je.
-Je ne parlerais pas de Simon tant que tu ne m'auras pas dit comment tu le connais.
-Je te l'ai dit, c'est mon frère.
-Il ne m'a jamais parlé de toi.
-Possible, il a coupé les ponts avec sa famille, dis-je.

Milo détourna le regard, ce petit sourire aux lèvres qui commençait doucement à m'agacer.

-C'est mon demi-frère, nous n'avons pas le même père ! Content ?
-Peut-être. Pourquoi tes parents l'ont chassé de la maison ?
-S'il ne t'en a pas parlé c'est qu'il ne veut pas que tout le monde le sache, je ne dirais rien.
-Tu sais, ça vaut pour toi aussi.
-Comment ça ?
-Si ton frère ne t'as rien dit pour la Toscane, c'est parce qu'il ne voulait pas que tu le saches.
-Tu sais quoi, Milo ? Continue ta promenade tout seul.
-Tu risques de te perdre si tu pars toute seule, m'informa-t-il d'un ton joueur.
-Oui, mon dieu entre deux vignes, comment retrouver son chemin !

Encore  une fois, il se mit à rire et je partis au galop dans le sens inverse.  Sans même avoir à me retourner, je sentis ses yeux m'épier dans mon dos  et sentis la colère me gagner.

Contrairement aux dires de ce  cher Milo, je retrouvai sans mal le chemin du domaine où mes  grands-parents et Lino sirotaient tranquillement un verre de vin. Enfin  devrais-je dire, où Nonna et Lino sirotaient un verre de vin pendant que  Nonno tirait une tête de six pieds de long, les bras fortement croisés  contre son buste, comme un enfant. J'entrai dans le salon où les adultes  discutaient entre eux, et m'installai près de mon grand-père qui fixait  son frère, une pointe de colère dans le regard.

-Tu es déjà de retour, Bambina ? me demanda Lino.
-Oui, j'avais un peu trop chaud.
-Où est Milo ?
-Je n'en sais rien, sûrement perdu ! pestai-je.
-Tu as fait vite, Bella ! m'interpela l'intéressé.

Je  soufflai la mort dans l'âme et parti chercher mon livre qui traînait  dans la voiture pour me poser sous l'olivier du jardin et continuer ma  lecture.

Je pensais que Simon et moi n'avions aucun secret l'un  pour l'autre mais je me rends compte que son passé est parsemé de tâches  d'ombres dont il ne veut pas me faire part.

-Hey, Bella, je ne  voulais pas t'énerver, m'assura Milo, mais Simon est un ami très  précieux. Je ne peux pas parler de sa vie comme ça.
-Oui, c'est pas somme si j'étais sa soeur.
-Demi-soeur, rectifia-t-il.
-Sa soeur, insistai-je.
-Pourquoi tu ne lui poserais pas la question toi-même ?
-Je ne veux pas le brusquer. Il a disparu pendant tellement de temps que je ne veux pas le faire fuir.
-Ce  qu'il a fait est terrible mais le questionner sur son passé ne l'aidera  pas, il faut que tu t'intéresses au Simon d'aujourd'hui.
-Il  faudrait déjà qu'il daigne me parler. Ses appels durent à peine cinq  minutes, soufflai-je. Puis j'aimerais lui parler plus de David et de  tout ce qui s'est passé depuis son départ mais j'ai l'impression qu'il  n'en a rien à faire.
-David ? C'est ton copain ? osa-t-il.
-Quoi ? Non ! C'est mon petit frère.

Milo se mit à rire légèrement et me tira mon livre des mains.

-J'accepte de te parler de Simon si tu acceptes de reprendre la balade ce soir.
-Pourquoi ?
-Il y a un coin où ton frère adore passer du temps.
-Si je viens, tu me promets de me parler de mon frère ?
-Parole d'homme !
-J'accepte.
-Bien, je viendrais te chercher ce soir alors !

Toujours ce stupide sourire aux lèvres, il rejoignit tout le petit monde à l'intérieur.

Nonna  était aux fourneaux depuis une bonne heure déjà, refusant l'accès à la  cuisine à quiconque voulait s'en approcher, même à moi. Lino était parti  je ne sais où et mon grand-père regardait la télé. Je me laissai tomber  à côté de lui comme une enclume et me mis à souffler plusieurs fois  d'affilée pour attirer son attention. Lui aussi soupira et éteignit la  télé en me jetant un regard ennuyé, ce qui me fit sourire.

-Tu t'ennuies, j'ai raison ?

J'acquiesçai vivement puis il se leva pour fouiller le grand bahut du  salon duquel il sortit une immense malle en bois. Je me levai,  intriguée, et m'installai en face de lui pendant qu'il sortait chaque  chose qui se trouvait dans cette malle. Loto, petits chevaux, dames,  échecs, cette boîte rescellait d'innombrables jeux un peu ringards pour  les jeunes d'aujourd'hui mais qui pourtant, parvenaient à garder toute  une famille occupée pendant plusieurs heures. Je n'avais pas vu un tel  objet depuis longtemps. Mes grands-parents maternels avaient une boîte  similaire, d'un bois plus clair et plus abîmé de celui-là. La malle que  Nonno avait sortie était dans un état impeccable, le vernis ne  présentait aucune imperfection et chaque gravure était aussi nette qu'il  était possible d'en voir. Nonno me proposa en premier un loto, ce que  je déclinai poliment. J'avais horreur de ce jeu, David m'en avait  vacciné pour un bon moment. Il souffla la mort dans l'âme et se résigna à  installer le plateau d'échec pour mon plus grand plaisir. Je m'extasiai  devant la beauté des pièces d'ivoire qu'il disposait sur le plateau.  L'échiquier que nous avions à la maison était en bois simple, mon amour  pour ce jeu m'avait poussé pendant des années à demander un plateau de  collection pour mon anniversaire ou pour noël ce que ma mère n'a jamais  voulu m'accorder. Selon elle, celui que nous avions déjà faisait très  bien l'affaire et comme j'étais la seule à y jouer, il n'était pas  nécessaire de mettre autant d'argent dans un échiquier. Je m'étais alors  résignée mais cette envie resurgit subitement à la vue de ses pièces.  Nonno tourna le plateau de façon à me donner les noirs et se mit à  sourire.

-Tu fais ça parce que les blancs commencent toujours ? souris-je.
-Forse*, dit-il un sourire sournois aux lèvres.
-Bella ! Tu as prête ? On y va ! intervint Milo.

Je sursautai et regardai automatiquement l'heure au dessus de la porte du salon.

-Mais,  il est bientôt 20h, on va pas tarder à manger. Puis j'allais entamer  une partie avec mon grand-père, dis-je en lui montrant le plateau de  jeu.
-J'ai pris de quoi manger. Mattia, ça ne te gêne pas si je te l'enlève ?
-Vas-y, je sais très bien comment aurait fini cette partie de toute façon, rit-il. Je préviendrai Nonna, file.
-Mais...
-Andiamo* Bella ! Il ne faut pas traîner, sourit Milo en m'attrapant la main.

Le  visage souriant de mon grand-père disparu dans l'angle de la porte  tandis que Milo me tirait à sa suite pour rejoindre l'écurie. Je me  demandais si finalement, c'était une bonne idée d'accepter sa  proposition.

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Vocabulaire

Forse : Peut-être
Andiamo : Allez

Linked - Tom HollandWhere stories live. Discover now