Dixième Esquisse

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La première semaine à Vérone s'était passée sans encombre et j'avais eu le droit de la part de mes grands-parents, à un superbe anniversaire. Nous avions fait le voyage jusqu'à Milan où ils m'offrirent un repas gastronomique et j'eus le droit de me faire plaisir dans une boutique de mon choix. Mon père m'avait appelé pour me souhaiter un joyeux anniversaire en compagnie de mon petit frère et se mirent tous les deux d'accord pour m'acheter cette encyclopédie médiévale que je voulais tant. Moi qui aime tant l'histoire je ne pouvais être plus heureuse. Simon aussi m'appela quelques minutes. Il prit rapidement de mes nouvelles, me demanda d'embrasser les grands-parents pour lui et m'annonça m'avoir envoyé un chèque que je recevrais d'ici quelques jours. Cependant, je n'eus aucune nouvelle de ma mère. Pas un message, rien. Au début, cela me peina grandement puis je finis par relativiser. Si elle était aussi bornée, pourquoi perdre mon temps avec elle ?

Aujourd'hui, mes grands-parents décidèrent de partir faire un tour au marché de la ville. Ne souhaitant pas vraiment faire le tour des stands, je suis partie de mon côté faire le tour des quartiers que je n'avais pas encore eu l'occasion de découvrir. Chaque jour je me disais que mon père avait eu raison de m'envoyer ici. Je m'y plaisais beaucoup plus que ce que je croyais et passais autant de temps que possible dehors. Il était encore tôt ce matin et le soleil n'était pas très haut dans le ciel. La chaleur était plutôt douce et le vent frais. J'avais revêtu ma petite robe blanche d'été que mon père m'avait offert l'an dernier et avais volé le magnifique chapeau de paille de ma grand-mère. Mes petites spartiates en cuir aux pieds, je déambulais de rue en rue, retenant de temps à autres mon chapeau lorsque les bourrasques de vent qui s'engouffraient dans les ruelles étaient un peu trop fortes. Je finis par trouver cette fameuse maison que Shakespear avait rendu célèbre, La Maison de Juliette. Il n'y avait encore personne, j'en profitais alors pour visiter un peu le jardin et l'intérieur de la maison jusqu'à arriver sur ce mythique petit balconnet. La vue n'était pas extraordinaire mais une drôle de sensation m'envahit. C'est comme si l'histoire était vraie, que Roméo et Juliette avaient réellement existés. Je venais, sans m'en appercevoir, de tomber amoureuse de Vérone.

-Ô ma belle Juliette, que fais-tu perché là-haut ? S'exclama un voix plus bas.

En me penchant légèrement je reconnu immédiatement sa frimousse et sentis mon coeur s'emballer et mes joues s'empourprer. Je descendis au rez-de-chaussée les jambes chancelantes et sortis de la maison avec hésitation.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? M'étonnai-je.
-Je suis sur le tournage de mon prochain film. Sourit-il.
-Comment tu as su que j'étais là ?
-Le tournage a commencé très tôt ce matin et en rentrant à l'hôtel j'ai vu une silhouette familière alors je l'ai suivi.
-Je vais finir par croire que tu me suis. Ris-je.
-Et toi ? Qu'est-ce que tu fais à Vérone ?
-Je suis chez mes grands-parents.
-Pour les vacances d'été ?
-Non pour un an.

Il me fit les gros yeux et se mit à sourire.

-Mare du climat londonien ?
-Un peu oui, puis j'avais besoin de me retrouver un peu je crois.
-Je suis en vacance pendant un mois la semaine prochaine, on pourrait passer du temps ensemble si tu veux ?
-Tu sais Tom, te sens pas obligé de faire ça, t'as sûrement envie de rejoindre ta famille.
-Je suis avec ma famille toute l'année, un mois avec toi ça va pas les tuer. Rit-il de bon coeur.
-Tu serais prêt à rester à Vérone pendant un mois ?
-Si tu es là, oui.
-Je... Oui, avec plaisir alors !
-Je rentre demain. On se donne rendez-vous ici mardi prochain, même heure ?
-D'accord !
-Super ! Je vais retourner à l'hôtel. A mardi Lily.

Il m'embrassa furtivement, caressa tendrement ma joue et disparut presqu'aussitôt dans la ruelle d'à côté. J'avais déjà envie qu'on soit mardi prochain et sentis mes joues rosir très vite. J'avais comme l'impression que Vérone me donnait un petit coup de pouce. Je me mis à sourire et posai délicatement ma main sur le mur de la prétendue maison de Juliette.

-Merci frangine ! Souris-je une pointe d'humour dans la voix avant de retrouver mes grands-parents au cœur de la ville.

Cette après midi c'était détente au soleil avec papi pendant que mami s'acharnait encore et toujours sur ses mots fléchés. J'étais installée dans une chaise longue sur la terrasse et le soleil me chauffait doucement de ses rayons. J'avais l'impression d'être au paradis.

-Bella ? M'interpella mon grand-père
-Sì ?
-Tu vas faire quoi demain ?
-Je sais pas trop pourquoi ?
-Pourquoi tu n'essaierais pas d'appeler ta Mamma ?
-Bof... nan.... Et si on allait voir les vignobles ?
-Tu changes de sujets comme on change de chemises ! Et je te rappelle qu'on a des tonnes de vignobles, tu veux voir lesquels ?
-On cas à l'emmener en Toscana ! Intervint ma grand mère.
-Lino habite en Toscane !
-Justement, il a un vignoble.
-Tu sais bien comment ça se passe avec lui à chaque fois. Se renfrogna mon grand père.
-Mattia, tu n'as plus deux ans !
-Nonna, c'est qui Lino ?
-Tuo prozio, ton grand oncle.

Je me tournais interloquée vers mon grand père qui fixa durement l'horizon. Je ne savais pas qu'il avait un frère.

-Demain, on ira voir Lino et tu verras les vignobles on en profitera pour aller à la mer.
-Gemma ! Protesta mon grand-père.

Le silence assourdissant de ma grand-mère fit comprendre à son mari que sa décision était sans appel et je ne pus me retenir de rire. Lui qui impressionnait les foules, n'impressionnait pas sa femme.

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Vocabulaire
Nonna = Mamie
Tuo prozio = ton grand oncle
Toscana = Toscane
Sì = oui

Linked - Tom HollandWhere stories live. Discover now