• Chapitre 12 • PC

435 42 4
                                    

Gabriella

Une fois la porte claquée, je m'appuie une seconde contre celle-ci et soupire. Le bar du cabaret était bondé ce midi, je suis claquée. J'ai quitté Connor tôt hier matin et depuis aucune nouvelle, il ne m'a pas envoyé de message et moi non plus et c'est très bien comme ça, je ne compte pas lui courir après.
Je dépose les clefs dans le pot en céramique et retire ma veste en cuir afin de la déposer sur le porte manteau. Soudainement, une silhouette sombre apparaît dans mon champ de vision et je sursaute. Nonna m'observe, les bras croisés et l'oeil tendu.
Buenos dias, que pasa ?
— Tout s'est bien passé au travail ?
— Euh oui, très bien. Il y a un souci ? m'enquiers, peu rassurée.
— J'aimerais te parler de quelque chose, Gabriella.
— Laisse-moi prendre une douche avant, j'ai transpiré.
— Non, j'ai besoin de te parler maintenant. Fait-elle, dure comme la roche.
J'ouvre la bouche puis la referme.
— Matteo est venu tout à l'heure, il s'inquiétait pour toi. Poursuit-elle.
Je plisse les sourcils, confuse.
— Je ne vois pas pourquoi il s'inquiète pour moi, tout va très bien.
— Gabriella...souffle-t-elle, peinée. Il m'a dit où tu travaillais.
L'impression qu'un poignard s'enfonce dans ma poitrine me fait grimacer. Comment a-t-il pu lui raconter ça ! En quoi ça le regarde putain.
— Je ne vois pas où est le problème.
Je m'avance, contourne son corps et commence à déboutonner ma chemise de travail.
— Je compte vendre la maison aux Florès.
Je m'arrête, sous le choc et Nonna continue sans se douter que mon coeur ralentit peu à peu.
— Ça fait un moment que j'y pense, les Florès peuvent la racheter à bon prix. Ça t'aidera à trouver un appartement et un travail qui te plaît.
Une bombe nucléaire explose dans ma poitrine et je me tourne violemment vers elle, des éclairs pleins les yeux.
— Quoi ? Je ne veux pas partir d'ici, mon travail me convient parfaitement et puis, où comptes-tu aller si la maison est vendue ?
— Maria et Alessio sont d'accord pour payer la maison de retraite.
Bromeas !?
J'aurais dû me douter que mes parents avaient un lien dans cette histoire. Friqués comme ils sont, ça ne doit pas les déranger de foutre Nonna dans une cage.
— Non, je ne plaisante pas Gabriella. C'est pour le mieux et je suis navrée mais j'ai déjà signé tous les documents.
— Tu ne te rends pas compte qu'ils font ça pour l'héritage ! Crié-je, les larmes au bord des yeux.
— Et combien même ! Crie-t-elle à son tour. Je refuse de vivre ici en sachant que tu te casses les pieds tous les soirs pour nous, point barre.
Sans que je ne puisse prononcer le moindre mot, elle tourne les talons et s'efface dans le couloir. Je reste sur place tel un morceau de glace hébété et passe une main rageuse dans mes cheveux. Je n'arrive pas à y croire, comment a-telle pu décider de ça sans prendre en considération mon avis ?

J'arrive au cabaret avec 10 minutes de retard, les cernes creusés et l'esprit ailleurs. Je n'ai pas réussi à dormir cet après-midi, les mots de Nonna tournent en boucle dans ma tête. N'y pense plus, Gaby, tu dois bosser...
Pour la dixième fois, je bouscule par mégarde Giorgio et ce dernier me lance un regard meurtrier. Je ne sais pas ce qu'il a aujourd'hui mais il vaut mieux ne pas se retrouver dans ses pattes – ce que malheureusement, je n'arrête pas de faire. Ce soir, nous dansons sur trois musiques, c'est une première depuis mon arrivée. C'est Lucia qui nous les a apprises, c'est une vraie petite ballerine.
J'enfile ma queue-de-pie par dessus le chemisier et redresser mon nœud papillon, on se croirait au cirque avec cette tenue. J'ai l'impression d'être une magicienne prête à faire sortir un lapin de son chapeau haut de forme !
— Vous avez une idée de ce qu'il se passe ce soir ? Un troupeau d'hommes fringués en noir viennent de débarquer. balance Gloria, guettant par le rideau.
Des hommes fringués en noir ? Je m'approche d'elle et zieute la salle d'un œil curieux. Plusieurs hommes sont debout derrières deux hommes qui eux, sont assis aux tables privées, près de la scène. Qui sont-ils ? Les men in black ! Gloussé-je tout bas.
Celui qui est au centre me donne la chair de poule, ses cheveux noirs tirant vers le gris sont plaqués en arrière et une cicatrice lui barre la joue. Il doit avoir une cinquantaine d'années, pourtant son expression sinistre lui donne dix années de plus. Bouh ! Il fout les chocottes. Un sourire s'invite sur ses lèvres lorsqu'il lève son verre en direction du deuxième homme cette fois, plus jeune et plus séduisant.
— Il est canon le brun, à droite du vieux...minaude-t-elle, hardie.
Est-ce que c'est à cause de ces hommes que Giorgio est aussi anxieux ? Les lumières s'obscurcissent et je m'empresse d'enfiler mon masque avant que la première musique ne se lance.
— Les filles, ça va être à nous ! s'exclame Gloria, folle de joie.
Lucia balance ses boucles caramel par dessus ses épaules et enfile son chapeau. Je prends une inspiration digne d'un buffle et m'arme de courage lorsque le rideau glisse sur le sol.
Dès que l'on s'avance sur le podium, les deux hommes nous détaillent de la tête aux pieds, comme si nous étions du bétail à vendre sur le marché noir. Je ne les regarde pas et préfère me focaliser sur mes pas de danse, nous ne sommes pas ici pour séduire les clients. Néanmoins, Gloria ne semble pas être de mon avis, elle se déhanche vers eux comme si sa vie en dépendait.
La seconde mélodie se lance et je récupère l'accessoire à mes pieds, une cravache. Me voilà transformée en Christian Grey ! Je m'amuse avec la cravache une minute et remarque que la porte au bout de la pièce vient de s'ouvrir. Connor apparaît sous les leds rougeâtres et je plisse le front. À quoi il joue, merde ? Je tente de faire abstraction de sa présence et poursuis mes mouvements circulaires avec mon instrument de torture en main. Il compte se rendre ici tous les soirs ou c'est juste un passe temps pervers ? Quel crétin.
La troisième musique surgit et j'arrache d'un coup sec ma queue-de-pie ainsi que la chemise pour laisser apparaître la brassière dentelée en dessous. Les lèvres de Connor s'ourlent et il s'adosse au mur, d'une façon si naturelle et charismatique qu'il me faut une seconde de réflexion pour me souvenir de mes pas. Ne te foire pas, Gaby ! Giorgio va me tuer si j'ose me tromper.
Au bout d'une minute, le morceau se termine, les notes de piano ralentissent et comme prévu, nous lançons toutes les trois notre chapeau en direction du public. Amusée, je vise Connor et il rattrape l'accessoire sans grande difficulté. Il est beau ce soir, sa chemise blanche, déboutonnée de deux boutons fait ressortir la couleur dorée de sa peau. Oh, et ce pantalon...je suis sûre qu'il lui fait des fesses d'enfer !
Essoufflées, nous quittons la scène et je me dépêche d'aller chercher mes affaires pour me changer.
— Tu vas encore nous abandonner pour ton canon sur pattes ? Chouine Gloria, les bras croisés et une bouille d'enfant sur le visage.
Je ricane et hausse les épaules, radieuse d'aller le retrouver. Je m'empresse de retirer ma tenue trop excentrique et plonge dans des vêtements plus à mon image. Je lance un au revoir vif et quelque peu négligé à Lucia et sors discrètement des coulisses pour rejoindre Connor qui m'attend patiemment près de la sortie. Je m'élance, toute guillerette mais heurte par mégarde l'épaule d'un homme. Joder, ça fait deux fois aujourd'hui.
Il se retourne vers moi et je le reconnais tout de suite, il s'agit du deuxième homme assis aux tables privées. Mierda, il fallait que je le percute lui. Les deux molosses dans son dos me fusillent du regard mais l'homme lève la main et les arrête net.
— Excusez-moi.
— Ce n'est rien.
Son regard ébène ne me lâche pas et tout à coup, quelque chose me conseille de fuir à toute vitesse. Je baisse les yeux et le contourne pour retrouver Connor qui observe le type par dessus mon épaule, les sourcils froncés.
Holà, ça ne va pas ?
— Ils viennent souvent ici, ces types ?
Son ton est sec mais quelque chose me dit que ce n'est pas dirigé vers moi.
— Non, c'est la première fois que je les vois.
— Okay, tu viens. Il prend ma main dans la sienne et m'entraîne à l'extérieur.
Je ne suis pas sûre de comprendre sa réaction.
— Connor, qu'est-ce qu'il se passe, tu les connais ?
— Non mais, ils ne m'inspirent pas confiance.
— C'est sûr, vu leur allure de parrain...bougonné-je.
Connor glousse et son regard retrouve de sa bonne humeur. Il secoue sous mon nez le chapeau que je lui ai lancé et l'enfonce sur ma tête avant de prendre mon menton pour embrasser mes lèvres...
— Je t'ai manqué ? Siffle-t-il.
— C'est plutôt moi qui t'ai manqué.
— Oui, c'est vrai. Tu m'as manqué, confirme-t-il s'emparant une nouvelle fois de mes lèvres. Je te ramène ?
— Carrément, mi apuesto.
Il entrelace nos doigts et me pousse en direction de son pick-up. Installée dans la voiture, je tends la main vers la radio lorsque Connor arrête mon geste et tend son téléphone.
— Tiens, choisis une musique qui te plaît.
Sans broncher, je récupère son téléphone et fais défiler les musiques à l'aide mon index. Il en a des centaines ! Passant par Nirvana jusqu'à Bach, je continue de défiler et m'arrête sur une chanson que j'ai écouté plus d'une dizaine de fois. Dangerous Woman de Ariana Grande.
— Je n'aurais jamais cru que tu aurais du Ariana Grande dans tes musiques.
— Détrompe-toi, c'est sûrement ma sœur qui ajoute ses titres préférés dans ma playlist. Tu aimes Ariana Grande ?
— Je suis une fan, oui mais pas plus que je ne le suis avec Lady Gaga. J'ai sûrement dépensé des millions pour ses albums.
Il ricane et je me mets à chanter sans pudeur. Connor me lance plusieurs regards et se met lui-même à fredonner les paroles. Je n'aurais jamais cru vivre un moment pareil en compagnie d'un homme, encore moins un homme comme Connor. Lorsque la musique s'arrête, la voiture se gare devant le portail de la maison. Nous nous regardons en silence et je crois que je n'ai pas envie qu'il rentre chez-lui ce soir.
— Tu veux rentrer, un moment ? Je pince les lèvres, sûrement trop honnête.
— Ta grand-mère est là, non ?
— Elle est sûrement en train de dormir, elle n'entendra rien.
Ma phrase, remplie de sous-entendus coquins ne le laisse pas de marbre. Ses lèvres s'ourlent et il coupe le moteur du Ford, ne me lâchant pas du regard.

•••

Je vous conseille de ne pas oublier ces fameux hommes en noir eheh ;)

Enivre-moi Where stories live. Discover now