Chapitre 3

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Duncan ouvrit les yeux avec beaucoup de difficulté, il échoua plusieurs fois avant de pouvoir les laisser ouverts. Les images troubles commençaient à s'éclaircir petit à petit. Quelque chose était devant lui, une espèce de bloc. Sa vision était toujours trouble. Voulant la stimuler, il voulut passer sa main sur son visage pour masser ses paupières. Mais très vite son mouvement fut bloqué par une chaîne tendue qui partait du plafond jusqu'à son poignet. Il était attaché, bras tendus comme un Christ sur son calvaire. Il reconnut  facilement où il se trouvait. C'était le seul endroit de la maison qui avait toute son isolation apparente et peut-être même la seule au monde qui avait un plafond qui tombait en débris. Le plancher du rez-de-chaussée  donnait l'impression de tenir par l'opération du Saint-Esprit. Il quitta le plafond des yeux. Les images étaient redevenu normale, il regarda alors devant lui pour deviner ce qui était à première vue, dès son réveil, un bloc opaque. Il eut un frisson qui parcourut tout son corps et les larmes se mirent à couler sur ses joues.
– Maman.... C'est pas possible... dit-il dans un murmure de souffrance.
Sa mère se tenait dans un lit d'hôpital qui était placé debout devant lui, de façon à ce qu'ils furent face à face. Elle était tenue au lit par des tuyaux respiratoires qui lui encerclaient les mains, les jambes, la taille, et le cou.
– Pourquoi ce n'est pas possible? La voix fébrile de sa mère fit frissonner Duncan.
Il releva sa tête vers elle, sans répondre à sa question, laissant juste entendre ses reniflements et quelques gémissements de pleurs.
– J'ai dit, pourquoi? Pourquoi c'est impossible?  Quand elle reposa la question son
intonation était agressive.
– Parce que maman c'est impossible... balbutia le prisonnier.
– Pourquoi? Je t'ai dit. Dis-le!!! le hurlement horrifia Duncan. C'était celui d'une voix
enrouée,  malade, poussé par une rage immense.
– Parce que t'es morte ! Balança-t-il dans un total désespoir. Le cancer, murmura-t-il, laissant une nouvelle fois tomber sa tête.
– Le cancer? Tu as été mon cancer! Tu m'as laissée mourir! Accusa-t-elle sur un ton glacial.
Les yeux cernés par la maladie, elle  fixait son fils sans un clignement. Malgré sa maigreur apparente et son crane nu, sa présence écrasa celle de l'adolescent.
Duncan garda les yeux baissés sans un mot. Comme un acquiescement face à l'accusation de sa mère. Depuis sa mort, il le savait au fond de lui. C'était de sa faute.
S'il avait été à l'hôpital comme il l'avait promis. Au lieu d'aller voir ses potes. Pour fuir la mort proche de sa mère. Il aurait pu appuyer sur le bouton d'urgence pour appeler les infirmières pendant qu'elle faisait son arrêt respiratoire. Il aurait pu la sauver.
«J'aurais pu la sauver» se martela-t-il.
– Tu aurais pu lui dire adieu mais tu as préféré fuir, comme tu le fais à chaque fois! Lui
cracha son père qui venait d'arriver dans la pièce. Il avait encore autour de la bouche des traces sèches de bave et de cette chose puante qu'il avait dévorée.
– Tu m'as déçu. Tu as déçu ta mère. Maintenant laisse lui le plaisir de te voir
mourir seul sans que personne puisse te venir en aide.  Tu vas souffrir autant qu'elle a souffert.
– Quoi?.. étouffa Duncan.
Son père s'approcha de lui avec un couteau de boucher.
– Attends papa, je t'en supplie, fais pas ça. Je suis désolé! Hurla-t-il. Il tira de toutes ses
forces sur ses bras en se dandinant pour pouvoir se libérer. Il lança des coups de pieds dan sa direction  pour le tenir éloigné. Pris de panique, il cria à l'aide. Son bourreau, quant à lui tenta plusieurs approches en évitant ses coups. Duncan était  bout de souffle. Il entendit une voix résonner: «Accroche-toi.»
Comme un conseil venu de nul part. Alors, dans un dernier espoir avant de se faire poignarder, il planta ses jambes au sol, s'accrocha aux chaînes et, de tout son poids, il exerça une force vers le bas. Les attaches fixées au plafond cédèrent sous la tension. Son père, pris d'un élan, balança au même moment un coup de couteau, pour lui trancher le ventre mais la lame loupa sa victime et continua son chemin dans le vide. Duncan, dos au sol, eut aussitôt le réflexe de lui placer à pieds joints un coup dans le thorax pour le faire reculer. Son assaillant perdit l'équilibre et s'étala de tout son long. Duncan se releva immédiatement et courut en direction de la porte qui donnait directement accès au jardin. Cette fois, il était sûr de lui, c'était impossible qu'elle soit fermée à clé, elle n'avait pas de verrou. Il se rua sur la porte, l'ouvrit, monta les escaliers en pierre. Arrivé au jardin, il sauta la clôture et se retrouva sur la route. Il enroula ses chaînes à ses poignets pour ne pas être encombré et reprit sa course. Il fallait absolument mettre de la distance le plus vite possible entre ce qui venait de se passer et lui, et il était hors de question de risquer de prendre le scooter devant la maison.
Il courut à ne plus pouvoir reprendre son souffle, jusqu'à avoir l'impression que son sang devienne de l'acide dans ses veines. Il s'arrêta au moment où la douleur dans ses jambes en devenaient insupportable. Il s'assit brutalement sur le trottoir. La tête baissée, il se concentra pour reprendre sa respiration, il crachait pour évacuer sa salive qui remontait au fond de sa gorge en feu. Quand son cœur reprit un rythme normal, il repartit sur la route en marchant, jetant régulièrement des regards inquiets derrière son épaule pour voir si personne ne le suivait. Il se repassa les scènes en boucle en cherchant une logique. Aucune ne lui vient en tête. La thèse du cauchemar? Improbable pour la simple et bonne raison que si c'était le cas, il ne se poserait pas la question. Tout lui paraîtrait normal jusqu'à son réveil. Du moins, il l'espérait. Il posa ses mains sur sa tête et la leva en direction du ciel en souhaitant trouver une réponse ou même un indice. Il découvrit autre chose, un ciel violet foncé aux nuages défilant à la vitesse d'un train. Aucune autre lumière n'était présente à part celle du ciel qui éclairait faiblement.
– Je suis mort ou quoi? Se lança-t-il à haute voix.
Et si c'était ça la réponse et que tout ce qui se passait était son enfer. Mais comment? Par qui? Par quoi? Pourquoi? Les yeux exorbités, il réfléchit à cette hypothèse.
Un genre de grésillement apparut autour de lui. Il eut l'impression d'être proche d'une vieille télévision qui ne captait aucune chaîne. Le son l'entourait, il tourna sur lui-même pour déceler une fréquence plus intense pour pouvoir la suivre. Mais ce bruitage incessant resta constant. Sans avoir aucune explication, cela lui rappela cette voix qui avait résonné, lorsqu'il était enchainé. Le fait d'y repenser le plongea dans une angoisse. D'ailleurs, il jeta un énième coup d'œil derrière lui pour voir s'il n'était pas suivi par ce taré ou par autre chose. Inquiet, il reprit un rythme soutenu, de peur d'être repéré. Ce brouillage perpétuel ne s'atténua pas, bien au contraire, il eut l'impression d'entendre dans ce brouillage des mots, cependant, ce n'était pas assez clairs pour pouvoir les distinguer. Il secoua la tête comme pour éloigner un insecte qui lui tournait autour.
«Reviens»
Il s'arrêta net. Tout était redevenu silencieux. Pendant une fraction de seconde son cœur s'arrêta de battre. Le mot avait été prononcé derrière lui, tout prés. Immobilisé par la peur, il sentit  un souffle lent et constant dans sa nuque.
«Était-ce son père brandissant son couteau? Sa mère? Peut-être même son double cadavéreux? Ou Pire?» Son imagination lui balança à son insu plusieurs scènes qui pourraient se dérouler dans les secondes qui suivaient. Il ferma les yeux en forçant dessus, de la même façon lorsque le soleil apparaissait d'un coup à travers un rideau tiré franchement au moment du réveil.  Enfin, après ces secondes sans fin, il se retourna rapidement.

Face à soiWhere stories live. Discover now