Chapitre 9

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Duncan fut éjecté du lac, tiré par une force invisible. Son corps atterrit lourdement sur le bord de l'eau. Il se releva aussitôt et se retourna face au lac qui manifestement ne portait plus aucune trace de déformation annonçant un passage récent. Rien ni personne se trouvait ici désormais. Ils avaient tous disparu. Il reprit le contrôle sur sa respiration puis porta son attention sur sa main. Il avait la sensation qu'une pression se relâchait autour de celle-ci. Il l'observa jusqu'à ce que cette «protection éphémère » disparaisse totalement. Il ferma les yeux et se concentra. Il lutta contre le froid qui le transperçait au travers de ses vêtements. Il resta quelques secondes comme ceci pour puiser au plus profond de lui la force d'avancer.

« C'est ton univers, tu n'es pas perdu. Tu dois avancer, sortir de cette merde ! »

Duncan ressentait qu'il avait passé un cap. Il ne pouvait pas abandonner, plus maintenant. C'est ce que lui dictait son instinct.

La tâche s'annonçait dès-lors plus laborieuse, car malgré la présence de la peur quasi-constante, à tel point qu'elle en devenait familière, il devait faire face à une difficulté supplémentaire, celui de la visibilité. Les arbres qui constituaient la forêt dans laquelle il se trouvait, cachaient le ciel violacé, ne laissant plus aucune éclaircie passer. Ce n'est arrivé qu'à quelques centimètres d'un obstacle, qu'il put en deviner la forme. La course effrénée se transforma en marche rapide. Il s'adapta à ce nouveau milieu en utilisant, cette fois, son audition ainsi que son touché et non pas sa vue. Toutefois, même s'il marchait « à l'aveugle » il bénéficiait d'un atout : Sa mémoire. Cela faisait des années que Duncan parcourait ces milieux boisés. Et grâce à ses souvenirs, il arrivait à compenser ce manque de visibilité.

Durant sa marche, il s'efforça de s'évader pour parer à cette sensation de solitude persécutante. Mais rien à faire ! Mais même son cerveau ne voulait pas lui donner cette tranquillité d'évasion. Á chaque moment propice où le chemin qu'il empruntait était sur le point de s'apparenter à un passage de sa vie, sa mémoire le ramenait toujours à ce lac et l'apparition de ses quatre amis. Mais Duncan tenta tout de même de prendre part à ce bras de fer en essayant d'en tirer une onde positive de ce passage où il avait bien failli se noyer :

« Kill, ne faisait pas partie de ceux-là. Donc, l'espoir que ce soit lui qui ait allumé cette lumière au niveau du Q-G, reste viable. Faut juste que je croise les doigts en arrivant là-haut pour qu'il ne me saute pas dessus pour me tuer, lui aussi, comme mes amis... »

- Mes amis. Répéta-t-il dans un murmure pensif.

Duncan était toujours conscient que tout ce qu'il subissait n'était qu'une représentation malsaine de son esprit, depuis son coma. Mais ça le blessait, que son esprit lui ait construit cette scène. En soit, en comptant Kill, il ne lui restait plus qu'eux ! À cette réflexion Duncan commença à faire une sorte de bilan :

« C'est vrai, mon père est devenu un psychopathe, ma mère... » Il réfléchit et ne savait pas quelle adjectif utiliser. Le fait de l'avoir revue dans cette cave dans ce même état cancéreux qui l'avait toujours hanté depuis sa mort, lui a fait ressurgir une douleur difficile, qu'il ne connaissait que trop bien. Pour éviter ce tourbillon d'émotions, il reprit son bilan : « Mon ex et Cirémay donnant naissance à un monstre après la fusion de leurs deux corps et tout ça sans compter « Lui» MON double-cadavéreux, LA première créature que j'ai vue. Et maintenant eux ! Des genres de nymphes portant le visage de mes amis. »

Après qu'il eut fini sa conclusion déconcertante, il s'attarda tout de même sur eux et surtout à une partie de ce qu'ils lui disaient en même temps, quand ils s'approchèrent de lui :

« Nous sommes présents YO, WILL, BED, AD »

Duncan se répéta leurs surnoms une dernière fois dans sa tête :

« YO, WILL, BED, AD. »

Il resta dans une réflexion profonde, pendant quelques secondes, tout en continuant de marcher les bras tendus devant, évitant ainsi toute collision avec ce qui pouvait se trouver devant. Puis son visage afficha une grimace. Ce qui aurait pu ressembler en premier lieu à un sourire, n'était qu'en fait du mépris et de la frustration :

- PFFFF... Même mon cerveau me lâche et se fout de ma gueule. Souffla-t-il, avant de reprendre plus audiblement : YO WILL BED AD. YOU WILL BE DEAD. Il leva sa tête en arrière et cracha avec rage une insulte destinée à son organisme en direction de la cime des arbres : Espèce de connard !!

Lorsqu'il l'abaissa en direction de sa marche, il porta immédiatement sa main, comme une visière, à ses yeux qu'il fronça. Quelque chose l'éblouissait. Avant de comprendre d'où venait cette source lumineuse, il grommela, encore une fois :

- Quoi encore !?

Son désespoir était tel, qu'il avait remplacé tous ses sentiments de peur par de la colère. D'une certaine manière, sans s'en rendre compte, il avait modifié son comportement. Le fait d'avoir ressenti une persécution constante, une forme de rage combative commença à voir le jour. Son regard était agressif, il fixait droit devant lui. Il faisait face. Mais cette fois, malgré son nouvel état d'esprit, ce qui se tenait devant lui n'était pas une forme de menace, mais enfin son objectif – LA LUMIERE –

Duncan fut surpris d'y être déjà arrivé. Peut-être que ce fut une nouvelle faille spatio-temporelle? Il n'en savait rien, mais pour une fois si tel était le cas, c'était en sa faveur. Maintenant que son chemin était éclairé, il reprit son sens primaire pour s'orienter : la vue. Il accéléra le pas, aussitôt. Les derniers mètres furent plus pénibles à monter, la pente était plus raide. Duncan s'accrocha aux branches et aux troncs des arbres devant lui, pour se hisser. Il arriva enfin, à la fin de cette épreuve le dos courbé, la tête proche du sol, essayant de trainer vers l'avant le reste de son corps sur le plat de la terre qui appartenait à son QG. L'effort terminé, il reprit son souffle dans une position de soumission qui rappelait celle des sous-fifres face à un roi. Il leva la tête, il n'y avait pas de Kill à première vue. Mais une sphère de la taille d'un homme dégageant une énergie lumineuse, vacillante par moment, comme une étoile.

– Une malheureuse étoile, qui elle aussi, se retrouvait enfermée dans ce cauchemar, ce tourment–

Duncan se redressa face à cette « étoile », il n'avait pas le sentiment que cette sphère était une menace, au contraire, sa présence était rassurante et presque attirante. Il lui tourna autour, gardant un œil dessus, mais surtout pour observer si Kill était là. Duncan gardait l'espoir que son ami était présent, que son esprit lui aurait, au moins, fait apparaitre quelqu'un qui aurait pu l'aider. Sinon pourquoi avoir été attiré dans cet endroit si particulier ?

Il se mit à l'appeler discrètement, en chuchotant son prénom. Mais aucune réponse ne revint à lui. Après un instant, il reprit ses appels en forçant sur sa voix, passant du chuchoteur au crieur public. Duncan en oublia les risques de se faire repérer. Des cris menaçants quasi-imperceptibles, au départ, se manifestèrent, mais Duncan les couvraient largement. C'était après qu'il se furent  rapprochés que Duncan les avait, cette fois, entendu. Encore une fois, Duncan n'avait pas peur. Il arrêta d'appeler et il resta immobile et silencieux, tendant l'oreille. Un bref instant passa pour qu'il puisse comprendre que c'était eux tous. Créatures, monstres, zombies et autres appartenances malsaines qu'il avait croisé étaient là, à courir dans sa direction. Comme-ci la bataille finale arrivait, que la fin était là et qu'une résolution devait naitre et conclure dans cette histoire. Mais pourquoi maintenant ? Qu'est-ce-qui avait changé ? Duncan chercha, tandis que ses ennemis s'approchaient de plus en plus, gagnant du terrain :

- La lumière ! s'exprima Duncan, puis il ajouta en s'adressant à celle-ci directement. Tu ne sort pas de mon imagination... . C'est ça ? Mais un passage ! Vers quoi ?...

Le temps n'était plus à la réflexion mais à la prise de décision et rapidement. Les cris devenaient très proches. Evaluer le pour et le contre de sauter dans cette sphère était simple :

Continuer de s'échapper sans cesse dans une éternité cauchemardesque et laisser derrière lui sans doute un passage vers une rédemption, la vie ? La mort ? Mais au moins une alternative.

Les derniers remparts entre lui et ces choses étaient désormais minimes, quelques arbres sans doute. La seconde suivante, ils apparaissaient déjà les uns après les autres, courant frénétiquement vers leur cible. Duncan sauta immédiatement dans la lumière chaude et douce avant que les mains froides et décharnées, n'étant plus qu'à quelques centimètres de lui, ne l'attrapèrent...

Face à soiWhere stories live. Discover now