Chapitre 11

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...Duncan reprit conscience. Il observa le lieu où il se trouvait. Il n'avait pas bougé, il était toujours au même endroit, à son QG. Seul le ciel violet et pesant était devenu cette fois vert clair et la pénombre omniprésente s'était dissipée, laissant places à un brouillard léger.

Duncan ne savait plus quoi penser. Est-ce que le danger était toujours, malgré la disparition de ses assaillants ? Ou plus simplement, est-il toujours dans le coma ? Ou encore est-il mort ? Il ne bougea pas, il faisait appel à tous ses sens pour détecter n'importe quel signe qui pourrait lui apporter un minimum de réponse. Pendant de longues secondes, il était là debout, pile à l'emplacement où était placé cette sphère lumineuse, qui maintenant, s'était évanoui. Il ne savait plus où poser les yeux. Était-il toujours une proie? La seule chose qu'il savait, c'est qu'il était...PERDU !

Il sursauta lorsque quelque chose se posa sur son épaule. Il fit immédiatement volte-face, avec un mouvement de recul, prêt à faire front ou à déguerpir si la difficulté était trop lourde à supporter. Mais l'envie de fuir se dissipa aussitôt lorsqu'il vue que c'était une main protectrice qui s'était posée sur son épaule :

- Maman...sa voix était serrée et émue. Elle était si belle, en bonne santé comme avant... avant la maladie.

- Tu n'as rien à faire ici, mon loulou. Sa voix était une douceur, une voix que Duncan avait presque oubliée.

Les yeux humides, témoin d'un mélange de tristesse et de joie. Il l'observa longuement comme s'il était face à une œuvre d'art, que seuls les plus veinards peuvent voir. C'était un ange, avec sa robe blanche et sa chevelure magnifique longue et lisse :

- Maman... Finit-il par répéter.

- Mon fils, tu n'as rien à faire ici. Tu es dans les limbes, là où les gens meurent petit à petit jusqu'au dernier battement de leur cœur pour rejoindre l'endroit qu'ils méritent.

- Maman...répéta-t-il encore une fois. Qu'est-ce que tu fais ici ? Il lâcha cette question comme s'il venait d'apprendre la signification de chaque mot.

- Je suis là pour te ramener auprès de ton père. Il fallait que je descende ici pour te sauver, car tu ne dois pas rester ici. Je ne veux pas que tu sois là. Tu es trop jeune pour mourir et ton père ne pourra plus vivre sans toi. Il faut que tu vives. Elle lui prit la main
Viens, il faut faire vite, conclut-telle.

- Mais comment ?... On va où maman ?

- Laisse-moi te guider Duncan, il faut aller à l'hôpital pour que tu rejoignes ton corps.

Sur ces mots, sa mère  fit le premier pas, tirant le jeune adolescent. Rapidement, ils prirent un rythme et tous deux marchaient, maintenant, côte à côte. Pour la première fois, la sérénité gagnait Duncan, il se sentait protégé. Il ne lâcha pas la main de sa mère, quitte à la serrer trop fort. Il voulait que cela dure éternellement. Durant la marche, Duncan ne détacha pas les yeux d'elle, il était passé du cauchemar au rêve, il voulait en profiter au maximum. Après un certain temps, sa mère s'arrêta. Duncan, surpris, lâcha enfin son regard attendrissant et suivit le sien. Il était face au lac. Un frisson lui parcourut le dos :

- Tu te rappelles ?

Duncan était honteux et baissa la tête, regardant le sol. Ses larmes se détachèrent de son visage pour percuter ses pieds. D'une voix éteinte il lui dit :

- Je suis désolé maman, j'aurais dû venir...

Sa mère lui coupa la parole :

-  Ce jour-là ce n'était pas de ta faute. Mon heure était venue, tu n'aurais rien pu faire. Le fait que tu ne sois pas venu a pu te préserver. Mais là, regarde où on est, regarde ce lac, il ne te rappelle vraiment rien ?

Duncan resta muet, il leva tout de même la tête en direction de ce plan d'eau. Les paroles de sa mère firent écho au fond de lui. Une sorte de charge se délestait de ses épaules comme une libération :

- Alors mon loulou ? Reprit sa mère

Le jeune adolescent renifla deux trois fois avant de lui répondre :

- Si maman...on venait souvent ici, toi, papa et moi. Un léger sourire se dessina sur son visage triste. Je me rappelle que tu lisais un livre en faisant un bain de soleil. Et avec papa on allait se baigner, pendant ce temps. Le soir on faisait un barbecue et on jouait aux cartes. Les larmes de tristesse qui coulaient devenaient cette fois des larmes nostalgiques. Je crois que c'est le meilleur souvenir de nous trois. Finit-il.

- C'est le mien aussi, tu vois ne t'arrête pas à un seul événement pour un seul endroit. Ce lac ne doit pas te rappeler un mauvais souvenir mais un bon et beau. Tout ne s'arrête pas mais tout évolue. Tu comprends ?

- Oui maman, je crois...

Ils reprirent la route, Duncan recommença à contempler sa mère.

Un cri de détresse retentit, le visage détendu de Duncan se crispa aussitôt :

- Maman qu'est-ce que c'est ?

- Ne t'inquiète pas. Malheureusement, ce sont des âmes perdues, de ceux qui se sont suicidés. Tu sais, tous les destins sont écrits. Mais lorsqu'un suicide intervient, toute l'histoire de cette personne n'est plus. Tout ce qu'il aurait dû faire ou ne pas faire ne se passera jamais. Alors, leurs âmes, attendent ici le moment il pourront enfin être libéré de cette prison. Pour certain leur temps de passage est tellement long qu'il en devienne fou, désespéré et même mauvais. C'est pour cela qu'il faut que tu partes, car ce n'est pas un endroit pour toi. Pas pour le moment. Elle ajouta à cette dernière phrase comme une promesse de se revoir un jour.

Pendant le trajet Duncan essayait d'en savoir plus sur sa mère, il voulait savoir comment « c'était là-haut. » Mais elle resta évasive. Elle lui fit comprendre qu'il ne pouvait pas savoir, car ce n'est pas un endroit qui se décrit ou qui se raconte. C'est un endroit qui se voit parce qu'on n'a été invité. Un jour Duncan pourra voir et connaître cet espace. Mais, pour l'instant il appartient au monde des vivants.

L'hôpital est désormais devant eux, à quelques mètres. Duncan fût à la fois heureux et triste, car il savait que dans peu de temps, il allait devoir quitter sa mère, encore. Mais il le fallait et il savait qu'il n'avait aucune alternative.

Une fois à l'intérieur, les couloirs donnaient l'impression d'être distendus à chaque pas qu'ils faisaient. Une voix hurlante les dirigea jusqu'à une chambre :

- Reviens Duncan ! Reviens, ne me lâche pas ! Je t'en supplie... c'était son père, il était là,dos à eux devant le lit où se trouvait le corps de Duncan inanimé. Il avait une forme quasi fantomatique :

- Ton papa émet tellement d'énergie qu'il arrive à apparaître dans ce monde sans le savoir, pour te guider à lui, expliqua sa mère au travers des cris de supplice de son père.

Duncan réalisa la puissance et l'amour de son père. L'émotion le gagna :

- Chéri, il est temps. La main de la mère glissa lentement entre celle de son fils, pour qu'il en soit libéré. Une dernière chose, reprit-elle, sache que je ne souffre plus. Je suis libérée de la maladie. Tu n'as pas à t'imposer une telle souffrance. Tu as le droit de pleurer, d'être triste mais tu n'as pas le droit de t'en vouloir à ce point, tu dois continuer de vivre, libère-toi de ce poids. Vis pour toi... je t'aime mon p'tit loup.

Les larmes de Duncan envahirent son visage. Il regarda droit dans les yeux sa mère, la découvrant comme pour la première fois. Elle était si belle, si magnifique. Malgré la douleur, Duncan trouva la force de lui répondre d'une voix tiraillée :

- Je t'aime maman, je t'aime tellement...

Un halo aveuglant apparut jusqu'à faire disparaître tout à l'horizon, ne laissant qu'une lumière blanche inonder l'espace...

Face à soiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant