Chapitre 5 - partie 1

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Le message est passé : Kim se tient à l'opposé de moi dans la pièce. Un gobelet dans la main, j'écoute les perruches et d'autres gars de l'équipe parler de leurs vacances. Déjà trois heures que la soirée dans l'appartement de Romeo a commencé et je me suis retrouvé balloté de droite à gauche par Lael. Accueilli chaleureusement par tout le monde, je suis comme sur un nuage avec quelques verres bien chargés dans le sang. Merci Omare pour les doses de titan, il a simplement oublié qu'on n'avait pas la même carrure. D'ailleurs, tout le monde a su me faire remarquer que je suis le plus petit. Pas de beaucoup avec certains gars mais je reste le nain de l'équipe des Racoons. Petit, lent, pas endurant pour un sou, j'ai eu le droit à quelques remarques bien senties.

— Brett ne viendra pas finalement, nous lance soudainement Jonas en s'incrustant dans notre cercle. Il a un empêchement mais il a hâte de te rencontrer demain.

— Je crois que c'est lui qui me terrifie le plus, j'avoue et Romeo se marre. Je suis sérieux, il a l'air super froid.

— Il l'est.

— Tu me rassures.

Romeo passe un bras sur mon épaule et je serre mes doigts sur mon verre pour éviter qu'il s'écrase au sol. Jonas sourit alors que le reste de l'équipe me parle de leur stoppeur. Brett est un vrai boulet de canon sur le terrain : le pilier de la défense et un mur presque infranchissable. Il est franc, brute et le concept de gentillesse lui échappe la plupart du temps. Pourtant, toute l'équipe affirme qu'il a la main sur le cœur et qu'il est génial. Ça ne me rassure pas plus que ça, surtout quand Omare me soutient qu'il aime terrifier les nouveaux pour endurcir leur mental. Je vais mourir dès le premier entrainement étant donné que le coach m'a officiellement donné la position qui m'oblige à jouer en duo avec lui sur le terrain.

— Si à la fin de l'entrainement, tu es encore vivant, c'est que tu auras passé son épreuve avec brio !

— Et si je suis une carpette sur le sol ? je tente alors que je ne veux pas connaître la réponse.

— Tu peux dire adieu à ta place, éclate de rire Romeo et je gémis. Mais il n'y a pas de risque que ça arrive, hein capitaine ? Vous devez pas vous entrainer pour qu'il rattrape son retard ?

— Si, d'ailleurs on se lève dans quelques heures.

— Attends, quoi ?

Le sourire qu'il me lance fait courir un frisson le long de mon corps. Ce n'est pas Brett qui va m'achever mais le capitaine de mon équipe. Je n'aurai pas le temps de faire mon premier entrainement avec tout le monde que je serai déjà six pieds sous terre.

— Six heures au stade, tu as déjà oublié ?

Je tire mon téléphone de ma poche et déglutis quand je lis vingt-trois heures trente sur l'écran. Je vais être une épave demain. Catastrophique. La seconde d'après, j'ai posé mon verre sur le plan de travail dans mon dos alors qu'Omare se fout clairement de moi. Jonas me tapote l'épaule avant de retourner auprès de Kim qui discute avec le bulldozer. Daren. C'est à peine s'il m'a salué quand je suis arrivé et depuis, il passe le plus clair de son temps avec Kim et d'autres gars de l'offense.

— En vrai, si tu dois te lever tôt demain, va te reposer, me glisse Lael avec son coude sur la main de Romeo, qui est sur mon épaule. Dans une heure, tout le monde aura oublié pourquoi on a fait une soirée.

— C'est franchement moyen de se tirer pendant une soirée en son honneur.

— Soit ça, soit demain tu risques de te faire dégommer par notre capitaine et le co-cap.

— Le co-cap ? je répète et c'est Romeo qui me répond avec un sourire.

— Brett, co-capitaine. Normalement, ça n'existe pas dans les équipes de foot mais la nôtre a un fonctionnement assez spéciale, tu t'en apercevras demain. Du coup, Brett s'est imposé pour gérer les entrainements et apporte son soutien à Jo.

— Donc je vais devoir convaincre deux capitaines demain ?

— Tu vas survivre, ricane Omare avant de m'indiquer la porte du doigt. Maintenant, va te coucher pour être en forme. Je crois que Charleston est déjà... ah, non.

Je tourne la tête pour jeter un œil derrière moi et le brun se dirige vers nous, comme s'il savait qu'on parlait de lui. Lael se décale immédiatement pour le laisser s'introduire dans notre cercle à côté de moi.

— Je croyais que tu étais parti, lâche Omare en fronçant les sourcils.

— J'ai eu Ness.

— Et il ne vient pas évidemment, soupire théâtralement Romeo à Charleston en attirant mon regard. Il est assez spécial, tu verras. Puis pourquoi t'es encore là ?

— J'ai saisi, je me casse !

Les perruches rient et me serrent rapidement dans leurs bras avant de me laisser partir. En traversant le salon, je croise le regard de Jonas et je lui fais un signe de tête alors qu'un rictus me répond. Il me met un coup de pression puis se fout de moi quand je décide de quitter la soirée. Je m'apprête à refermer la porte derrière moi mais une main la retient et je suis obligé de reculer quand Charleston sort à son tour. Il me dépasse en claquant la porte derrière lui puis s'engouffre dans notre appartement sans un mot. Quand je le rejoins, il est déjà dans sa chambre et je me sers un verre d'eau dans la cuisine pour faire passer le goût de la vodka sur ma langue.

— Ta clef.

Je fronce les sourcils quand Charleston se plante devant moi, main tendue. Je la fais tomber dans sa paume et il desserre l'anneau pour y glisser deux nouvelles clefs. Un second porte-clef pend aussi et je reconnais le blason de l'équipe : un écusson vert pâle où des traits noirs plus ou moins épais forment la silhouette d'une tête de raton-laveur.

— La clef pour ton casier dans les vestiaires. Et celle-là, c'est la clef du toit.

— Du toit ?

— De l'immeuble, soupire Charleston en pointant son doigt vers le plafond. Jo m'a demandé de t'en faire un double.

— Je... Un double ? Qui a cette clef ?

— Trop de questions.

Tendu, il attend que je réplique mais je me contente de le fixer quand il me rend les clefs. Il finit par enfoncer ses mains dans les poches de son jogging et ses yeux se perdent sur le trousseau bien plus lourd dans ma main. Les secondes s'égrainent sans qu'on ne bouge et il finit par me répondre, un peu plus détendu devant mon silence.

— On est quatre : Jo, Ness, toi et moi.

— Pourquoi je l'ai aussi ? Il y a un truc spécial avec ?

— Demande à Jo. Ou Ness mais bon courage.

La mention de Ness me fait tilter. Je sais qu'il est le second goal de l'équipe et qu'ils font un match sur deux avec Charleston. Mais personne ne l'a mentionné, personne n'a expliqué pourquoi il n'était pas là.

— Stop, m'arrête Charleston quand j'ouvre la bouche. Plus de questions. Bonne nuit.

Il se détourne et se dirige vers sa chambre alors que je baisse les yeux sur les clefs. Son aversion pour les questions me fait froncer les sourcils mais je suis rapidement captivé par ce que j'ai dans la main. Je ne comprends pas du tout pourquoi j'ai l'accès au toit mais d'une manière ou d'une autre, l'idée de pouvoir me retrouver en haut de l'immeuble me plait.

— Merci.

Charleston lève la main avant de fermer la porte derrière lui. Je rejoins ma chambre en éteignant les lumières et, les doigts qui jouent avec le trousseau, je m'allonge sur mon lit avec la conviction que ma première journée dans l'équipe va être décisive.

RACOONS #1Where stories live. Discover now