Chapitre 6 - partie 1

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Mes pieds trainent dans le hall de l'étage quand je sors de l'ascenseur. Seul, je rejoins mon appart, clef à la main, mais je n'ai pas le temps d'enclencher la serrure que la porte d'en face s'ouvre.

—  Max ! Brett et Jonas se sont enfermés dans son appart. Les autres sont ici, tu nous rejoins ?

—  Je vais aller mourir dans la douche, je souffle à Romeo. Je viendrai après.

—  Ça marche !

Je lui fais un signe de main avant de m'enfermer. Je balance mon sac dans ma chambre, attrape un short et un sweat puis je claque la porte de la salle de bain dans mon dos. Trente secondes plus tard, j'ai enclenché l'eau chaude et les jets de massage pour le dos. Quand Omare me les a montré, hier soir, on ressemblait à deux gamins alors que Lael se foutait de nous. Aujourd'hui, après ma journée de cours, je suis bien content de savoir m'en servir.

Lorsque je sors de la pièce, une serviette pour sécher mes cheveux châtains, tellement clair qu'en été ils virent au blond, je m'écroule dans le canapé. Sur la table basse, un ordi est allumé sur un cours de chimie, un manuel à côté. Une tasse fumante me fait alors froncer les sourcils. Puis Charleston sort de sa chambre, un bloc de feuille dans la main, une trousse dans l'autre et un fluo entre les lèvres. Il ne s'arrête pas quand il me remarque et vient s'asseoir dos à moi pour reprendre ses cours. Il s'étale largement sur le meuble et j'esquisse un sourire avant de rabattre un bras sur mon visage, l'entièreté de mon corps qui fourmille de fatigue. Le bruit du stylo qui gratte sur la feuille et les doigts de Charleston sur le clavier finissent par m'endormir.

Une main sur mon épaule me secoue doucement et je papillonne des yeux, mon bras glissant au-dessus de ma tête. Je n'ai pas bougé et en tournant la tête, je sais que Charleston non plus. Sauf que la nuit est tombée entre temps, la télé indique vingt-et-une heures passées et je grogne avant de regarder Omare, penché par-dessus le dossier du canapé. Ses yeux plissés à cause de son sourire me détaillent alors qu'il croise les bras sur le cuir.

— Ta douche a duré plus de trois heures, non ?

— J'aurai jamais dû m'allonger.

— La première semaine va être dure, le temps de chopper le rythme mais ça va vite venir, me rassure Omare puis il indique la cuisine du pouce. Il doit rester de quoi manger sans te prendre la tête. Fais-toi chauffer un truc et ensuite, retourne dormir. On se voit demain à l'entrainement.

Il repose sa main sur mon épaule, qu'il serre doucement. Je me redresse sur les coudes pour le voir glisser un sac à dos sur son épaule tandis qu'il sort de l'appart en refermant à clef derrière lui. Il m'avait dit qu'il n'était pas souvent ici et en deux jours, j'ai compris pourquoi Charleston et lui s'étaient retrouvés dans le même appart. Omare est simplement celui qui saisit le mieux à quel point le brun a besoin d'espace. Même si l'équipe accepte ses réponses brèves ou son silence, ils essayent constamment de l'inclure et j'ai rapidement remarqué qu'Omare est son rempart face à leur insistance. Pourtant, comme moi, il ne comprends pas pourquoi Charleston a demandé à ce que je vienne dans leur chambre s'il aime autant la tranquillité que lui offre le métis.

Avant de me recoucher comme une larve, je sors du canapé et suis les recommandations de mon coloc. J'ouvre le frigo, attrape un plat et lorgne avec envie les légumes farcies que les perruches ont mangé ici ce midi. Une fois mon repas posé sur le plan de travail, j'attrape une assiette et lance un regard vers la table basse.

— T'as mangé ?

— Hum hum.

— Hum hum oui ou hum hum non ?

Avec un soupir, Charleston secoue la tête de droite à gauche et je prends une seconde assiette. Quelques minutes plus tard, je m'assois devant lui en posant nos repas chaud sur la table. Puis je baisse l'écran de son ordi avant de le poser au sol. Charleston plonge immédiatement ses yeux dans les miens, le bout de son stylo posé contre sa pommette.

— Je bossais.

— Et maintenant, tu manges, je réplique en remontant ma fourchette à ma bouche. Mon dieu, c'est une tuerie.

— Second passion de Romeo.

— La cuisine ?

Charleston hoche la tête en attrapant enfin ses couverts. L'idée d'un Romeo derrière les fourneaux m'arrache un sourire en coin. On mange en silence, avec le son de la télé en fond qui diffuse un film de danse. Les yeux de mon coloc relisent ses notes tandis que j'essaye de comprendre ce qu'il a écrit mais lire à l'envers s'avère plus compliqué que prévu.

Mon assiette vide, je pose mes mains dans mon dos et ferme les yeux, lessivé. Mes jambes sont lourdes, j'ai encore mal aux bras de la séance de muscu et je sais que je serai courbaturé demain. La semaine s'annonce vraiment très longue, Omare a raison.

Le bruit d'un couvert sur la table me fait rouvrir les yeux et je constate que Charleston s'est déjà remis à ses cours, laissant son assiette sur le côté. Ma curiosité revient à la charge en une fraction de seconde et j'ouvre la bouche avant de la refermer. M'accueillir dans son appart, c'est une chose, accepter que j'empiète sur son espace, s'en est une autre. Donc je change de tactique et appuie mes coudes sur la table, posant mes doigts sur le haut de son ordinateur pour rabaisser l'écran. Son regard dérive vers moi mais je n'y lis pas de colère ou d'impatience. Il est simplement intrigué.

— Question.

Il incline la tête, cherchant à comprendre ce qui me traverse. Pendant un instant, la surprise glisse sur son visage quand il réalise que j'attends son accord pour lui poser ma question. Notre discussion d'hier soir tourne encore dans ma tête : il m'a empêché à deux reprises d'insister, comme si l'idée de s'ouvrir lui était insupportable. Je ne peux pas le forcer, parce que je sais ce que ça fait.

— Non.

J'acquiesce puis empile mon assiette sur la sienne avant de la reposer dans l'évier de la cuisine. La vaisselle attendra demain. En passant derrière le canapé, je lui souhaite une bonne nuit puis entre dans ma chambre où je m'affale dans mon lit. Satisfait d'avoir perçu le sourire en coin de Charleston en fermant la porte, je laisse le sommeil m'emporter. 

RACOONS #1Where stories live. Discover now