Chapitre 8 - partie 1

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Consterné, je regarde Romeo préparer le repas pour ce midi. Il y a trois jours, on apprenait que notre premier match a lieu dans une semaine et demi et depuis, il s'est mis en tête de surveiller notre apport nutritif pour nous assurer la victoire. Demain, c'est lundi et ce midi, au lieu des sushis promis par Omare, je me retrouve à manger une bouillie de quinoa. Personne n'a osé s'opposer à Romeo alors que c'est dimanche et qu'on aurait pu démarrer son programme que demain matin.

Je grimace quand il touille le tout et Omare me lance un regard peiné. Dans le canapé, j'aperçois le sourire amusé de Lael et devant moi, Charleston pointe mon ordinateur. Je grogne et replonge dans mes cours. Mon portable vibre au même moment et je l'attrape avant mon colocataire. Un message d'un gosse du centre me demande s'il peut m'appeler. Sauvé par le gong. Je laisse en plan mes affaires sur la table et enfile mon sweat sur mon t-shirt alors que les yeux de Charleston suive mes mouvements. Il fronce les sourcils et je réponds à sa question silencieuse en secouant mon téléphone.

— Une urgence. Je reviens.

Il roule des yeux alors que je leur tourne déjà le dos pour sortir. Romeo me prévient que le repas sera bientôt prêt et Omare me supplie de nous ramener une pizza quand je ferme la porte. J'aurai bien aimé, si j'étais certain que Romeo ne m'achèverait pas dans la seconde. Je prends les escaliers pour descendre et dans le hall, je déverrouille mon portable. Sauf que je n'ai pas fait un pas de plus que je me retrouve plaqué dans un renfoncement qui donne accès à la laverie du dortoir. Mon téléphone cogne le sol et je serre les dents sous la force des doigts qui tiennent mes bras.

— Je te conseille de faire rapidement profil bas.

J'écarquille les yeux quand Daren se colle à moi, menaçant. Sa haine est palpable alors qu'il ne me laisse pas la possibilité de bouger, de répondre.

— Tu n'aurais jamais dû intégrer l'équipe. Ils en ont que pour toi et il vaudrait mieux que tu calmes ça avant que je te le fasse payer, c'est clair ? grogne-t-il. Tu vas regretter d'avoir accepté de nous rejoindre, sinon.

Je me débats, plus pour lui coller mon poing dans la tronche que pour fuir ses mains. Mais il m'écarte du mur et m'y renfonce avec violence avant de se tirer, les mains dans les poches. Je gémis en me laissant glisser au sol. Mes doigts frottent l'arrière de mon crâne et je récupère mon portable un peu plus loin.

J'aurai tenu deux semaines avant que Daren ne me tombe dessus. Ses regards noirs, ses coups d'épaules, son aversion à me parler. Dès que Brett a décidé de m'entrainer, bulldozer a marqué mon front d'une cible. Mais à son malheur, il ne m'intimide pas. J'ai traversé pire que ça et je ne compte pas lui céder ma place. Je me suis battu pour entrer dans les Racoons, je me battrais avec un d'eux s'il le faut pour y rester.

Je prends une inspiration et appelle enfin le gamin du centre sans bouger de ma place. Je ne peux pas laisser Daren m'arracher ce que j'ai durement gagné. Je n'ai pas le droit de faiblir. Alors je repousse les sensations qui me vrillent l'estomac, j'ignore le haut-le-cœur qui me prend quand je revois ses doigts sur mes bras, j'enfouis la rage qui s'insinue lentement en moi. Je fais au mieux.

Lorsque je remonte, une demi-heure plus tard, la table est mise, mes affaires sont posées devant la télé et Omare étale sa purée de quinoa en grimaçant. Lael et Charleston n'ont pas l'air beaucoup plus emballé mais ils ont le mérite de manger sans tirer la tronche.

— J'ai cru que tu avais fui, me lance Romeo en tendant sa fourchette vers moi. Assis-toi et mange ce divin repas.

— Assassin, souffle Omare.

— On m'avait vendu des sushis, geint Lael.

— Pas mauvais.

Les garçons fusillent Charleston du regard et il se contente de hausser les épaules. Entre Lael et Omare, je me retrouve face à lui et constate qu'il apprécie vraiment le truc gluant dans nos assiettes. J'ai juste envie de vomir en voyant la texture. Mais je parviens à bout de mon repas, tout comme Omare qui boit après chaque gorgée. Lael a renoncé, Romeo l'a menacé, Charleston a souri en coin et Lael a balancé son assiette à la poubelle.

On finit devant la télé sur laquelle Omare lance un film tout pourri. Assis au sol, je reprends mes cours à côté de Charleston qui réarrange ses notes. L'après-midi passe au rythme de mes doigts qui tapent le bois, de mon cerveau qui n'enregistre rien à part les mouvements de Charleston et les rires des garçons, et des deux autres films qu'ils lancent. Mais à dix-huit, je range mon bordel et enfile mes baskets dans ma chambre avant de glisser mes clefs dans ma poche.

En début de semaine, Kim a laissé un programme d'entrainement dans mon casier, aux vestiaires, pour travailler mon endurance. Il ne m'en a pas dit un mot, ne m'accompagne pas comme le lui a ordonné Brett mais je m'en fous. Il remplit sa part du marché en créant un programme, je remplis la mienne en l'appliquant à la lettre.

— Tu y vas ?

— Ouais, je rentre dans deux heures, je marmonne à Omare en me dirigeant vers la porte. Mon portable reste ici.

— Ça marche.

Rapidement, je me retrouve dehors et je me mets à trottiner jusqu'au stade. Mis à part la sécurité, il n'y a personne et je rejoins les vestiaires en silence, sans allumer la lumière. Je trouve le programme dans mon casier, prends les clefs de la salle de muscu dans le bureau de Memphis et traverse le terrain. Comme d'habitude, mes yeux fouillent l'endroit et je profite du silence. Seul sur la pelouse, le lieu parait immense. Les couleurs de l'équipe habillent les gradins vides, le panneau d'affichage est éteint et sur les bancs trainent quelques bouteilles d'eau vides.

Je tâtonne le mur et trouve enfin l'interrupteur pour éclairer la salle de muscu. J'évite du regard la porte du fond et me dirige vers la petite table où Memphis laisse trainer les fiches des circuits à réaliser selon nos objectifs. J'y dépose mon programme et m'étire en lisant ce que je dois faire. Pendant deux heures, j'enchaine entre la course sur le terrain, le renforcement musculaire ici, et les escaliers dans les gradins. Je pensais qu'au bout d'une semaine, les exercices seraient moins difficile mais Kim a pris soin d'augmenter légèrement les durées à chaque session. Je ne m'habitue pas à la précédente que je dois déjà donner plus d'efforts. Il essaye de me tuer. Et ça va finir par fonctionner.

A la fin, je me laisse tomber sur la pelouse, le souffle court et éreinté. Mes jambes sont du coton, mes poumons vont exploser et le bourdonnement dans mon crâne m'oblige à fermer les yeux. La seule chose qui me soulage, c'est de constater que mon corps est insensible au contact de l'herbe. Insensible, à nouveau, à tout.

Je parviens à me redresser et m'essuie le visage avec le bas de mon t-shirt. Je passe une passe dans mes cheveux et me lève, pantelant. Rejoindre la salle de muscu me fait serrer les dents puis je m'étire de longues minutes, les yeux posés sur le miroir devant moi.

Mes cheveux clairs sont en bordel, mon regard vert me juge et les traits tirés de mon visage m'assure que j'ai tout donné. Pourtant, j'esquive un sourire : le vert pâle de l'équipe me fait toujours autant d'effet. Mon nom, brodé sur les manches du sweat que j'enfile, me rappelle que je fais partie des Racoons, que je mérite ma place. Et ce n'est pas l'autre bulldozer qui y changera quelque chose.

Sur le chemin du retour, mon esprit est plus serein. Je suis épuisé, à bout de force, mais le sentiment de bien-être qui m'atteint à la fin des sessions me détend. Dans le hall du dortoir, je détourne l'ascenseur et monte les escaliers lentement. Mes jambes sont toujours aussi lourdes mais je déteste capituler pour ce simple fait. Si je dois tenir un match entier, je dois être capable de prendre des escaliers après un entrainement.

Sur le palier de mon étage, je ne croise personne et rentre dans mon appartement. Cette fois, Omare a un sourire immense sur le visage et je fronce les sourcils en le déviant pour rejoindre ma chambre. Je récupère de quoi me changer et retourne dans le salon. Les perruches ne me quittent pas des yeux, Lael joue avec son portable en se penchant vers Charleston, toujours assis au sol devant la table-basse.

— J'ai loupé quelque chose ?

— La capitulation de Romeo, s'extasie Omare. On mange pizza ce soir !

Romeo croise les bras en s'appuyant sur le plan de travail dans la cuisine. J'évite de paraître soulagé mais c'est foutu lorsqu'il ricane. Lael se retrouve alors à côté de moi et me fourre un papier dans les mains pour que je fasse mon choix. Cinq minutes après, je suis enfin dans la salle de bain et les gars continuent d'exprimer leur bonheur de l'autre côté du mur.

RACOONS #1Where stories live. Discover now