RACOONS #1

Chapitre 12

C'est avec plaisir que j'ai fui les entrainements de lundi et mardi. Mais même sans y avoir participé, je sais ce qu'il s'est passé : Lael est passé chaque soir pour me faire un compte-rendu. Brett est venu m'engueuler dimanche, Jonas ne s'est pas gêné pour l'accompagner et j'étais soulagé de ne voir pas Kim ou Daren les suivre. Ness est venu, m'a dévisagé puis il est ressorti avec Charleston, sans un mot et toujours avec son foutu sourire. Le reste de l'équipe, je l'ai croisé dans les escaliers, dans le hall, sur le palier et ils n'ont pas fait une seule remarque sur mon comportement des derniers jours. Parfait, je n'avais rien à leur dire.

— Déjà levé ?

— Memphis a menacé de me foutre sur la touche une semaine de plus si je ne venais pas ce matin, je marmonne à Omare. T'as dormi ici ?

— Romeo sortait avec une nana hier soir donc, ouais.

Il ricane en me tendant une tasse de café et je m'appuie contre le plan de travail, le temps qu'il se prépare son petit-déjeuner. Tout en l'écoutant me parler de ses propres conquêtes, je prends mon médicament et bouge mes orteils. Ma cheville est toujours gonflée, je m'appuie très peu dessus mais on est que mercredi et il me reste encore une semaine et demi avant de pouvoir reprendre les entrainements. Je hais Selena, Memphis encore plus pour avoir accepté sa décision.

Charleston sort alors de sa chambre et Omare ne loupe pas l'ambiance qui devient électrique. Au lieu de faire en sorte de l'apaiser, il tapote mon épaule et s'enferme dans la salle de bain en saluant notre coloc.

Trois jours que Charleston ne m'a pas adressé un mot. Depuis que je suis revenu avec des béquilles, il me dévisage de loin et ne fait aucun effort pour me parler alors qu'il répond aux perruches. J'ai essayé de comprendre, lundi soir en rentrant, mais il a simplement plaqué la poche de glace contre mon torse avant de sortir de l'appartement. Ça ne pouvait pas être plus clair comme réponse.

Alors qu'il met à bouillir de l'eau, je suis ses mains des yeux. Je n'arrive pas à m'en empêcher depuis samedi, malgré tous mes efforts pour l'éviter. Chaque mouvement, je le guette avec l'impression que quelqu'un finira par me frôler et dépasser mes limites. Charleston finit par s'en rendre compte quand il se tourne vers moi. Il remplit sa tasse et s'adosse ensuite au mur en face de moi. Son regard me sonde alors que je cherche mes mots. Son silence commence à m'oppresser. Je n'ai pas été habitué à ça, à son visage fermé, ses yeux froids, sa colère.

— Si tu cherches à t'excuser, laisse tomber.

Ça a le mérite de me refroidir instantanément. Mes doigts se referment sur ma tasse mais je ne baisse pas les yeux. Charleston repose la sienne dans un soupir et fait ensuite un pas vers moi. Dans la salle de bain, Omare est sous la douche et on entend à peine sa voix chanter une vieille chanson. Mon esprit l'oublie totalement quand la main de Charleston se lève vers mon visage. Ses yeux se font plus doux quand mes épaules se tendent.

— Je peux ?

Sans prévenir, mes doigts entourent son poignet. Je ne veux pas le retenir mais depuis la soirée au bar, personne n'a posé un doigt sur ma peau. A travers mes vêtements, je n'avais pas le choix avec Lael mais j'ai toujours réussi à esquiver le contact direct. Je ne sais pas si je peux le supporter, si les sensations vont rester terrées là où elles doivent être.

— Trois jours.

L'incompréhension passe dans son regard mais je suis focalisé sur ses doigts. Je desserre à peine ma prise, ayant conscience qu'il ne lui faut qu'un mouvement pour toucher mon visage.

— Trois jours que j'évite ça.

— Dis-moi non alors, murmure Charleston en captant mon regard.

Il n'y a que de la sincérité dans ses yeux clairs. Il refuse que je me sente obligé, il ne veut pas que j'accepte sous la pression. Et ça remue ce truc au fond de moi, que je déteste ressentir parce que je ne le contrôle pas. Alors je change de sujet tout en gardant son poignet dans ma main. Son sweat sous ma peau me sert de rempart et c'est ce qu'il me faut.