Je ne suis pas de ceux que le soleil couronne.
Tout me fuit hors la nuit de mes songes précieux -
Je ne suis pas pour vous et ne suis pour personne.
Fou que je suis, bien fou! Mais la nuit de vos yeux
Scintille sur mon coeur au désir silencieux.
Jadis une Muse m'offrit la pure ivresse
Au vin d'anciennes strophes... je bus l'or divin
Et la lune dansa et berça ma tristesse.
Fou que je suis, bien fou, à vous aimer en vain
À vouloir tout confondre en un baiser sans fin.
Je ne suis pas de ceux qu'un air léger console.
Au silence pensif je referai mon choix -
Je ne suis pas pour vous et tout, tout me désole.
Fou que je suis, bien fou! Mais douce, votre voix
Ruisselle sur mon coeur et s'y coule parfois.
J'étais seul, j'étais las du siècle qui s'égare
J'avais même délaissé luth et clavecin -
Mais à vous contempler ma rêverie s'effare.
Fou que je suis, bien fou à vous chanter en vain
À vouloir tout confondre en un hymne sans fin.
Je ne suis pas de ceux qu'un mirage ensorcelle.
Mais un sourire a fait ce monde plus humain -
Las! ne suis pas pour vous et mon âme en chancelle.
Fou que je suis! Mais un signe de votre main
Dessine sur mon coeur l'espoir d'un lendemain.
J'irai vers le couchant pour oublier ma peine
J'irai jusqu'à la mer pour dormir en son sein...
Au Pays de l'Été votre rire est fontaine!
Fou que je suis, bien fou à vous aimer en vain
À vouloir tout confondre en un baiser sans fin.
Je ne suis pas de ceux que la gloire couronne
Mais le clair de la lune m'est plus délicieux -
Las! las! ne suis pour vous et ne suis pour personne.
Fou que je suis, bien fou! Mais la nuit de vos yeux
Miroite sur mon coeur au chagrin merveilleux.
Paris, 15 Octobre 1992.
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Solos pour le Sylphe
PoetryRecueil de poèmes dans le style symboliste et très mallarméen... Un faune est épris d'un sylphe insaisissable qui le fascine et l'ignore cruellement.