Chapitre 3-1

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BLUEBELL

La nuit était tombée sur Harlem. Je rentrai chez moi, les bras chargés de documentations sur les groupes extrémistes que j'avais trouvés à la bibliothèque du quartier. Les rires qui venaient du salon m'indiquaient que nous recevions du monde ce soir-là.

Adriana servait le dessert à table, pendant que June racontait une anecdote sur sa journée, au magasin. Ethan, le fiancé de ma sœur et Shelby l'écoutaient attentivement, le sourire aux lèvres.

— Blue, s'exclama Adriana en me voyant apparaître dans la pièce. Veux-tu une part de tarte ?

Je posai mes livres et dossiers sur la commode, près de la porte puis parti m'asseoir à côté de June.

— Non, merci. Je n'ai pas faim.

Avec une grimace, je retirai ma paire d'escarpins et massai mes pieds douloureux.

— Alors ? s'empressa de demander mon amie. Comment s'est finie ta journée avec Dolfi Junior ?

Shelby ne put s'empêcher de rire. De mon côté, je lançai un regard appuyé à June.

— Ne l'appelle pas comme ça. Ce n'est pas correct !

Mon amie posa ses yeux sur moi puis sur les autres autour de la table avant de s'écrier comme pour se défendre :

— Enfin, comment veux-tu que je l'appelle, Blue ? Bambi ?

— Desya, il s'appelle Desya.

— J'ai loupé quelque chose ? demanda Ethan avant de planter sa fourchette dans sa tarte aux pommes.

Le fiancé de ma sœur avait trente-deux ans, mais il paraissait beaucoup plus jeune à cause de sa silhouette menue et son visage pointu encore juvénile. Des boucles blondes retombées la plupart du temps sur ses yeux bleus. Ethan était un petit ami attentionné. Avec ma sœur, il formait le couple parfait. Un couple capable de faire rêver n'importe qui, un exemple de mixité dans notre communauté aux traditions souvent perçues un peu lourdes par la nouvelle génération.

— Blue doit s'occuper d'un ancien détenu aux valeurs néonazi, répondit ma sœur sur un ton peu enjoué.

— Mon frère ne t'a pas fait de cadeau là-dessus, dit Shelby la bouche pleine. Lui aussi, c'est un enfoiré.

Je lui lançai un regard appuyé :

— Ne jure pas !

Mon amie s'excusa en levant les yeux au ciel. Heureusement, Ethan intervint pour calmer la discussion :

— Et l'as-tu déjà rencontré ce...Desya ?

Je hochai la tête en posant mes bras sur la table, le regard dans le vague :

— Oui, ce matin et je l'ai revu en fin d'après-midi, à l'association. Il est arrogant, détestable, mais à la fois je ne sais pas comment l'expliquer, il y a quelque chose d'indéfinissable et d'infiniment triste chez lui.

— Pas surprenant, marmonna Adriana, ça s'appelle la culpabilité du survivant. Ce mec doit en être rempli.

— Est-il dangereux ? s'inquiéta Ethan.

Je posai mon regard sur lui et clignai des yeux. Il me fallut un temps invraisemblable pour répondre à sa question :

— Je ne sais pas, à vrai dire. Il est un abîme de ténèbres et ça me terrifie. Je ne sais pas comment l'obliger à s'ouvrir à moi. Pour la première fois, je ne sais pas comment m'y prendre avec quelqu'un.

June ricana avant de lancer d'une voix charmeuse :

— Moi, je veux bien essayer avec Dolfi. Ce mec est certes une ordure finie, mais il est à tomber.

Shelby essuya d'un revers de main la remarque de ma cousine avant de s'adresser à moi.

— Suis ton instinct, Blue. Il est différent de tes autres protégés, fais les choses différemment. Inclus-le dans ton quotidien sans le brusquer ni attendre quelque chose de lui.

Les paroles de mon amie résonnèrent en moi. Comme d'habitude, elle avait trouvé les mots justes.

— Fais attention qu'il n'use pas de ses armes, m'avertit Adriana. S'il est beau, cet homme ne doit pas avoir de mal à utiliser son charme sur les femmes.

Ethan contredit ma sœur :

— Je doute que Blue puisse l'intéresser s'il est comme vous me l'avez décrit. Là, c'est quand même le choc des cultures.

— A-t-il des tatouages, des piercings comme ces Skinheads que l'on voit à la télévision ?

— Pas de piercing, répondis-je à ma sœur Juste de nombreux tatouages sur les bras et le dessin d'un corbeau le long de son cou qui indique son appartenance à son groupuscule.

June secoua la tête :

— Aïe, le corbeau est annonciateur de mauvaises nouvelles.

Un débat sur Desya s'ensuivit sans moi. Mon esprit saturé par la fatigue n'avait pas l'énergie suffisante pour se joindre à eux.

Durant toute la soirée, le nom de Mario Barrosa n'arrêtait pas de tourner en boucle dans ma tête. Quelque chose me disait que je devais creuser dans cette direction.

Burn, beautiful Crow ( Version Française )Where stories live. Discover now