Chapitre 6-1

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Desya

Presque deux heures que j'essayais d'assimiler toutes les informations que me donnait ce Diego Sanchez, le propriétaire du Marcus Café. Il était dix heures et les clients commençaient à affluer à l'intérieur de l'établissement. Assis à une table, à l'écart, Diego faisait le point avec moi :

— Bon, l'américain, je compte sur toi pour apprendre la carte aujourd'hui.

— Aujourd'hui ? répétai-je de mauvaise humeur en prenant les feuilles plastifiées entre les mains. Comment voulez-vous que j'y arrive ? Il y a au moins cinq pages.

— Angèle va t'aider. Elle doit prendre son service dans trente minutes. Elle sera ta guide pour la journée.

Diego paraissait habitué à faire travailler les personnes que Rojas lui envoyait. Il ne m'avait posé aucune question sur mon passé ni sur les raisons de mon séjour en prison. Était-il au courant ou voulait-il juste que je fasse mon job ? Il allait à l'essentiel, ce n'était pas plus mal. Je n'aimais pas les fouineurs.

— Viens avec moi. Nous allons passer derrière le comptoir pour aider Emma. Le week-end, nous ouvrons plus tôt. Ce sont les deux jours les plus chargés de la semaine.

L'homme se passa une main dans ses cheveux grisonnant pour vérifier qu'ils étaient bien coiffés en arrière. Sa peau hâlée, tannée par le soleil, était marquée par des rides bien creusées. Avant que je me lève de ma chaise, il leva son doigt en l'air pour me demander encore une minute d'attention. Il se pencha, saisit le livre de poche posé sur la table à côté de lui et me le tendit :

— Tiens, ça va t'aider.

Je levai mes yeux sur Diego. Dans un effort, je parvins à contenir un reniflement de mépris.

— Un dictionnaire d'espagnol. C'est une blague ?

— Pas le choix si tu veux t'en sortir ici.

L'homme se leva de sa chaise en poussant un soupir à fendre l'âme.

— Desya, tu peux faire de cet endroit ton enfer ou ton coin de paradis. Tu as ton libre arbitre. Je rentre au Mexique dans un an pour profiter de ma retraite. Tu es le dernier petit protégé de Blue que je verrais passer dans ce restaurant.

Je restai assis quelques instants après que Sanchez se soit levé pour rejoindre la serveuse aux cheveux rouges, derrière le bar. Putain, il ne manquait plus que ça. Un dictionnaire d'espagnol. Je me levai en ruminant puis rangeai le livre dans la poche arrière de mon jean.

C'était le coup de feu. Au milieu de deux commandes, Emma me montrait la composition des cocktails et la façon dont le café devait être préparé. Elle m'expliquait les choses avec patience et bienveillance. Cette femme d'une quarantaine d'années, très active, arrivait parfaitement à m'enseigner les rudiments du métier tout en gérant l'afflux de clients de plus en plus nombreux au bar et en salle. Heureusement, une autre serveuse était là pour aider l'équipe. Angèle n'était pas plus vieille que moi. Plus timide, la jeune femme s'empourprait dès que je posais mes yeux sur elle ou lui adressais deux mots. Châtain aux yeux bleus, elle était plutôt mignonne. De couleur blanche, elle détonnait dans le paysage.

— Hé, l'américain ? m'interpela une vieille dame, au bout du comptoir. Un breakfast bowl et un jus d'orange, s'il te plaît.

— C'est Javier qui s'occupe de la préparation des repas et des petits déjeuners, me dit la serveuse aux cheveux châtain avec un sourire timide.

Elle m'invita à la suivre.

— Je vais te le présenter.

Angèle m'entraîna à l'arrière du restaurant, dans la cuisine. Sur le chemin, elle osa enfin me poser quelques questions :

— En fait, je m'appelle Angèle. Tu es d'ici ?

Je répondis tout en continuant de la suivre.

— Du quartier ? Mon Dieu, non. Je viens du nord-est de Manhattan, du côté de l'Upper East Side.

Angèle déclara sur un ton ironique :

— C'est la première fois que je vois un employé aussi perdu pour son premier jour. Tu n'as jamais eu besoin de faire la plonge plus jeune pour gagner ta vie, je me trompe ?

La jeune femme s'arrêta devant une immense table métallique où un cuistot nous tournait le dos. Occupé à préparer les commandes, la musique à fond dans le poste radio, l'homme ne fit pas attention à nous.

— Non, je n'ai jamais eu besoin de faire ce genre de chose.

Mon ton cassant laissa Angèle bouche bée. Avec un signe de tête, je demandai :

— C'est Javier ?

En réponse à ma question, la demoiselle hocha la tête. Elle se ressaisit rapidement, sortit son calepin puis arracha une feuille.

— Tu poses ça ici. Quand Javier te bip, tu viens récupérer ton plat pour le servir au client.

Burn, beautiful Crow ( Version Française )Onde histórias criam vida. Descubra agora