Chapitre 1.4

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Je pensais qu'un message sur le groupe WhatsApp suffirait à contenter mes parents et Angelina. Pour ma mère et mon père, c'est le cas, puisqu'ils ont simplement bombardés le groupe d'émoticônes et de GIFs pour témoigner de leur joie explosive. Mon problème, et non des moindres, a un nom et le physique d'une blonde décolorée, il s'agit évidemment d'Angie.

Je me doutais bien que pour elle ce serait plus compliqué d'admettre que je travaille avec Abel. Mais je ne m'attendais pas à la voir apparaître sur le pas de ma porte, furibonde et rouge de rage, un pack de bières à la main.

Elle qui a d'habitude une chevelure parfaitement lisse, présente une touffe désordonnée comme si elle avait couru pour venir jusque là. Ce qui est impensable, Angie s'est toujours arrangé pour éviter le sport sous toutes ses formes. La miss peut manger des cochonneries et rester svelte. Je la déteste pour ça.

– Angie, que me vaut le plaisir de ta visite ?

– Raphaël Jean Henri Perrin, c'est quoi ton foutu problème ? T'as pété un plomb ? T'as reçu un coup sur la tête ? Je t'en conjure, dis moi que tu as reçu un coup sur la tête sinon je te fais interner.

Furieuse, Angie entre en trombe dans mon appartement, pose ses fesses sur mon canapé dont les ressorts grincent avec le choc, et déballe deux canettes. Le pack repose à côté d'elle.

Si j'avais su, j'aurais appelé les parents et laissé Angie en dehors de ça.

– Angelina, t'as pas l'impression d'exagérer un peu ? Déjà, file moi une canette, qu'on discute de ça calmement.

Ma grand sœur me tend la bière avec une violence déconcertante. La dernière fois que je l'ai vu ainsi, c'est quand la fille de la voisine portait la même robe qu'elle. Angie était persuadée que la gamine l'avait fait exprès alors que ma sœur était plus âgée de deux ou trois ans. Parfois, je me dis que la maturité n'a pas évoluée comme il le fallait chez elle et qu'elle est restée bloqué à quinze ans.

Je m'installe à mon tour sur le vieux canapé, en prenant soin de laisser une place entre elle et moi, une sorte de no man's land.

– C'est un pacte avec le diable que t'as signé, Raph'.

Si elle savait que lui aussi continue de m'appeler Raph', elle lui épilerait tous les cheveux un par un en guise de torture.

– Il me fallait un job, et il me proposait un job, tu voulais que je refuse à cause d'une histoire d'il y a dix ans ?

– Oui ! Putain. Tu sais bien que c'est un connard manipulateur qui se contentera de se tourner les pouces pendant que tu feras tout le boulot. J'arrive pas à croire que toi, le génie de la famille, sois tombé dans le panneau. Et maman qui envoie quinze fois le même gif de singe qui applaudit, ça me débecte.

– Pour une fois de ta vie, Angie, cesse de croire que tout tourne autour de toi et de ce que tu veux. Je n'ai pas trimé pendant six ans, à dormir trois heures par nuit, pour ensuite dire non à une opportunité en or uniquement parce que ma sœur a encore le cœur brisé dix ans après !

La colère m'envahit malgré moi. Angie ne sait pas à quel point j'ai aussi souffert du départ d'Abel. Je ne lui en veux pas pour ça car il est normal qu'elle ne sache rien. Par contre, je ne supporte pas quand elle croit avoir le droit de diriger ma vie et mes choix sous prétexte qu'elle est l'aînée. J'ai ving-quatre ans, il est loin le temps où c'est elle qui décidait de ce qu'on allait manger et du jeu qu'on ferait l'après-midi. Tout ça est derrière nous, y compris la trahison d'Abel.

Mon sang pulse dans mes oreilles à cause de mon soudain excès de colère, mais la tension redescend rapidement alors qu'Angie sanglote, le visage caché dans ses mains. Je n'aime pas la voir pleurer.

– Hé blondasse, pleure pas.

Je l'attire vers moi en passant mon bras derrière ses épaules. Elle se blottie tel un chiot effrayé par l'orage. Derrière sa carapace de vêtements hors de prix et de fond de teint en couche, se cache un véritable cœur tendre et sensible.

– J'aime pas quand tu cries, Raph'.

– Je n'aime pas crier non plus, Angie. Excuse moi. Je ne pensais pas ce que j'ai dit.

– T'es mon frère préféré, tu le sais ça ?

– Je suis ton frère unique, c'est un peu normal.

Angie ricane et se remet à sa place initiale.

Quelques gorgées de bière plus tard, le drame semble être oublié et ma sœur me raconte en riant sa journée de boulot tout en caressant mécaniquement la tête de Wundt qui nous a rejoint discrètement. Elle me parle de ses clientes impolies auxquelles elle aurait bien voulu leur enfoncer un cintre dans les fesses. Puis elle s'attarde sur cet homme qu'elle a vu deux jours de suite alors qu'il achetait des dessous de deux tailles différentes. Angie est persuadée qu'il a une maîtresse et que sa femme est la plus grosse des deux. Elle déblatère également sur cette dame, qu'elle qualifie de bouteille de Fanta et qui a passé trois bonnes heures à essayer des vêtements qui ne collaient pas du tout à sa morphologie. Plus rien ne m'étonne quand il s'agit du talent de commérage de ma sœur.

– Et toi, c'est quoi ton boulot alors ? Vous bossez sur quelle enquête actuellement ?

On en revient au moment précis où j'ai signé quinze feuilles recto verso, dont la moitié m'oblige à garder le secret professionnel. Je ne peux rien partager avec mes proches. Parler du Cobra briserait l'accord que j'ai conclu en apposant mon nom sur tous ces papiers. Angie et sa curiosité malsaine resteront sans réponse.

– Je ne peux rien te dire mais si tout se déroule comme je l'espère, tu verras le nom de ton petit frère dans les gros titres.

– Tant que tu n'apparais pas dans la rubrique nécrologique, ça me va.

– T'es sentimentale quand tu as bu.

Angie pouffe d'un rire niais et repose sa tête sur mon épaule, lasse d'avoir autant bu. Les cadavres devant elle témoigne, c'est Angie qui a bu le plus.

– Je suis fière de toi, petit frère. Ni les parents ni moi avons doutés une seule seconde.

Sur ces mots, Angie ferme les yeux et je me retrouve seul, un sourire jovial aux lèvres.

Royal Cobra (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant