Chapitre 2.1 : Le calme avant la tempête

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Il n'est pas si tard, au final.

La nuit tombe tôt en ce début de Janvier. À dix-sept heures, on ne voit déjà presque plus rien dehors, si ce n'est la réverbération des lampadaires dans les rues. Il pleut plus qu'il ne neige. Ce qui n'est pas si mal, ma voiture n'est pas équipée pour affronter des couches de poudreuse.

J'ai trois mois devant moi. Trois petits mois pour arrêter le tueur avant qu'il ne recommence. Vingt-cinq décembre, naissance du Christ, le neuf avril, sa résurrection, c'est Pâques, et l'Ascension en mai, il monte au Ciel. Ça encore, je pourrais peut-être comprendre pourquoi il choisit ces dates précises, mais le choix de deux victimes au lieu d'une me dépasse pour le moment.

Enfin, je n'en suis pas encore là.

J'arrive chez moi, trempé par une averse subite et le crâne comme pris dans un étau. J'ai souvent mal à la tête. Ma mère dit que je suis surmené. Quant à Angie, elle pense que je n'aurais pas dû troquer des lunettes contre des lentilles. Mon père, lui, n'a pas d'avis sur la question.

De mon côté, un ibuprofène et ça repart.

Je pénètre dans mon studio plongé dans le noir. Comme bien souvent, Wundt m'attend devant la porte, assise sur son popotin.

- On n'est pas sorti de l'auberge, hein ma grosse.

En guise de réponse, l'animal émet un miaulement rauque et file s'asseoir sur le canapé, chancelante sur ses trois pattes.

Le seul être vivant qui partage ma vie, si l'on fait abstraction des pigeons qui viennent roucouler tous les matins sur les rebords de mes fenêtres.

Un aller-retour rapide sous la douche, des vêtements propres mais défraîchis et je suis prêt à m'entretenir avec moi-même sur mon dictaphone, une bonne bière brune à la main et le cul vissé sur le canapé sous le regard attentif de ma vilaine bestiole.

《 Jour 1, première ébauche, peu d'informations : Tueur vraisemblablement sadique, sérieuses connaissances en anatomie humaine et médecine. Utilisation de paralysant ; accès à une pharmacie ? Victimes placés dans des églises. Offense à Dieu ? Ou offrande ? Dix-huit victimes connues à ce jour. Trois mois avant deux de plus. Besoin de plus d'infos, peut pas aller plus loin. Fin. 》

Je me souviens de la découverte des premiers corps, il y a trois ans à Noël. Ce fut un véritable raz de marée. Les gens ne parlaient que de ça, que ce soit dans la rue ou à l'université où j'étudiais. À la réouverture de l'école après les vacances, on entendait les élèves dresser des portraits plus que succinct de cet assassin. Les profs aussi d'ailleurs. Bien entendu, aucun d'eux n'est parvenu à mettre la main dessus. Et moi, dans mon petit appartement étudiant, je sirotais du Coca et des bières, le nez plongé dans mes cours, en souhaitant intérieurement bonne chance à celui qui travaillerait sur cette affaire.

Je n'imaginais pas que trois ans après, ce serait moi.

Mais c'est bel et bien le cas. Moi, Raphaël Perrin, avec pour seule expérience professionnelles un stage à Sainte-Catherine, je me retrouve à tenter de découvrir le portrait du Cobra en analysant son psychisme perverti.

Je n'abuse pas si j'exprime que j'ai le sentiment d'être dans la merde jusqu'au cou.

Trois mois, là où les autres ont échoués en trois ans. Ça fout un peu une pression monstre.

– Pourquoi ça tombe sur moi, ma Wundt ? Et si j'échoue ? Ça ne s'arrêtera jamais. Combien de victimes on comptabilisera ? Comment est-il possible de commettre dix-huit meurtres sans laisser une trace ? Il était si sûr de lui, deux victimes pour ses premiers meurtres, et aucun faux pas. Trop sûr de lui même. Comme si ce n'était pas la première fois. Parce que ce n'était pas sa première fois.

Je bondis sur mes deux pieds comme si la grâce venait de me tomber dessus. C'était pourtant logique. Dès le départ, ça n'a sauté aux yeux de personne et pourtant c'était visible tel le nez au milieu de la figure. Justement, la chose se voulait tellement flagrante que tout le monde est passé à côté. C'est humain. On cherche nos clés qui sont piles devant nous et pourtant on ne les voit pas. Là, c'est pareil.

Un premier meurtre ce n'est jamais parfait. Le tueur commet toujours une bourde, une gouttelette de sang, l'arme jeté à proximité, ses affaires maculés dans son armoire. Il y a toujours un élément qui permet, au final, de relier un ou plusieurs crimes à une seule personne. Sauf ici. Pour beaucoup de tueurs en série, il y avait toujours un petit vice leur permettant d'échapper à la traque jusqu'au jour où il n'y avait plus de doute. Mais pas dans notre cas. Simplement parce que l'assassin n'est pas novice et qu'il a tué auparavant.

Plus qu'à trouver des crimes qui ne sont pas résolus et les relier à notre Cobra. Et si j'ai raison, le meurtrier sera derrière les barreaux avant l'épiphanie.

J'ai tellement hâte d'en parler à l'équipe.

Royal Cobra (Tome 1)Where stories live. Discover now